Article paru dans le Magyar Nemzet le 29 novembre 2020.
A Bucarest, une fois de plus, des hommes politiques protestent contre les ingérences de l’homme d’affaires américain
A l’heure actuelle, en Roumanie, le combat de George Soros manque d’enjeux, étant donné qu’il a gagné la guerre idéologique – constate l’analyste politique roumain Bogdan Duca, selon lequel chacun des trois grands partis en présence s’est aligné sur la doctrine progressiste. Il nous explique aussi comment ceux qui critiquent Soros – ou les organisations que contrôle ce dernier – sont instantanément stigmatisés.
« En Roumanie, George Soros a son propre parti : le parti « Ensemble Sauvons la Roumanie (en roumain : USR, clé de voute de la coalition USR-Plus). »
– confie à Magyar Nemzet le politologue Bogdan Duca. Pour lui, l’idéologie progressiste de ce parti est identique à la vision du monde de Soros. Pour satisfaire notre curiosité concernant l’influence du milliardaire américain en Roumanie, l’analyste roumain nous explique que les hommes de Soros sont aussi faciles à reconnaître au sein d’autres partis politiques, par exemple dans le Parti National Libéral (PNL) au pouvoir, qui, depuis 2014, dérive vers l’idéologie des progressistes. Et d’ajouter : « Il existe toute une couche de dirigeants des partis de droite roumains qui sont issus de la mobilisation de la société civile qui a commencé en 2012 – organisée, pour l’essentiel, par des ONG fondées par la galaxie Soros, ou cooptées par cette dernière. »
Nous avons aussi demandé à Duca si l’influence de George Soros avait été sensible dans la campagne qui a précédé les élections législatives roumaines du 6 décembre dernier. « Il est difficile de répondre par oui ou par non. Après le match décisif des européennes de 2019, le débat ‘progrès contre souveraineté’ a cessé de dominer les débats électoraux – notamment ceux des présidentielles qui ont suivi et des élections locales de 2020. L’arrestation de l’ancien chef du Parti Social-Démocrate (PSD) Liviu Dragnea et la domestication subséquente dudit PSD ont mis fin à toute résistance souverainiste sérieuse. C’est pour cela qu’il devient difficile de parler d’ingérences politiques de notre milliardaire américain, étant donné que
pour Soros, il n’y a plus d’enjeu. Il a gagné la guerre idéologique.
Les trois grands partis qui dominent actuellement la scène politique roumaine – USR-Plus, le PNL et le PSD – jouent tous les trois la carte progressiste. »
Pour ce politologue originaire de Constanța, cependant, il est certain que Soros, dans l’opinion publique roumaine, ne gagnerait aucun concours de popularité. – « Mais on assite – nous dit-il – à un phénomène intéressant : le sorosisme tire parti de l’antipathie que suscite Soros. Liviu Dragnea, et en général les hommes politiques qui ont osé émettre des réserves concernant l’influence de Soros en Roumanie, ont été présentés comme des conspirationnistes, des esprits faibles capables de croire à ces fables selon lesquelles le monde serait contrôlé par une élite de super-riches.
Pour peu qu’on se considère comme un ‘intellectuel’, on évite de critiquer Soros ou d’examiner son influence, tout simplement parce que ce n’est pas ‘dans le vent’.
Ceux qui le font se font aussitôt stigmatiser, amalgamer aux adeptes de diverses théories démentes. La société roumaine dispose de peu ou pas d’informations sur les stratégies de défense adoptées par divers gouvernements étrangers contre l’influence pernicieuse de l’idéologie Soros et du réseau d’organismes de la société civile qu’il contrôle. »
Comme nous l’avons récemment rapporté, au cours de ces dernières semaines, le président du Parti Ecologiste Roumain – dont les rangs se sont enrichis de célèbres transfuges du PSD –, Dănuţ Pop, a émis un communiqué réclamant que George Soros soit déclaré persona non grata en Roumanie. A la tête de cette formation extra-parlementaire, Pop en a profité pour exiger aussi un audit des organisations qui ont reçu des financements du milliardaire américain. De loin en loin, Soros réapparaît à l’ordre du jour de la vie politique de Bucarest. Il y a deux ans, c’est Darius Vâlcov, conseiller de la Première ministre de l’époque, Viorica Dăncilă, qui déclarait que l’ancien Premier ministre Dacian Cioloș – qui a gouverné la Roumanie pendant un an, à la tête d’un gouvernement « technocratique », avant la victoire du PSD aux législatives de 2016 – est un homme de Soros. Selon Vâlcov,
« Soros voit la Roumanie comme une entreprise, et entend y défendre ses intérêts d’affaires,
comme il l’avait fait dans le cas de Facebook, lorsqu’il a accusé ce réseau social de manipuler à la baisse la valeur de ses actions. »
En Roumanie, en 2017, Liviu Dragnea – président du PSD qui contrôlait le gouvernement alors en place – avait évoqué l’institution d’un contrôle sur les organismes de la société civile déclarés d’intérêt public. Dragnea critiquait ouvertement George Soros et les organisations qu’il finance :
« Cet homme qui, peut-être déjà à partir des années 1990, a créé diverses organisations en Roumanie, n’a financé que le mal : les initiatives qu’il a financées n’ont jamais servi l’intérêt de la Roumanie. »
Quant à l’ancien Premier ministre Victor Ponta, dans le cadre d’une interview d’il y a trois ans, on lui a demandé de réagir aux suppositions selon lesquelles le réseau Soros aurait joué un rôle direct ou indirect dans la chute de son gouvernement ; il a alors répondu : « Il existe des indices dans ce sens. »
István Pataky (Târgu-Mureș / Marosvásárhely)
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post