Article paru dans le Magyar Nemzet le 9 juillet 2021.
Csaba Lentner : les entreprises occidentales ont réalisé des surprofits en Hongrie, et ont, de plus, fait sortir du pays le plus gros de cet argent
– « Les fonds versés par l’Union ne sont en réalité pas des aides, mais de petits remboursements échelonnés. Avant 2010, les trois quarts des sommes versées retournaient d’ailleurs à l’expéditeur, étant donné que, en contrepartie de ces versements, les marchés publics étaient attribués à des entreprises d’Europe occidentale. Aujourd’hui, les entreprises à capitaux hongrois ont-elles aussi le droit de tenter leur chance, ce qui, bien entendu, en contrarie plus d’un », a confié à Magyar Nemzet le professeur d’économie Csaba Lentner.
Dans l’arsenal de menaces à brandir contre la Hongrie entre les mains des représentants de l’UE et des politiciens hongrois de gauche libérale, une place de choix revient à celle consistant à affirmer que, si le gouvernement Orbán n’agit pas comme on l’exige à l’étranger, la Hongrie sera privée des aides de l’UE. Ils s’agit certes de grosses sommes, mais ces aides ne sont pas gratuites.
« Ce que l’Union européenne nous verse, ce ne sont pas véritablement des aides, mais de petits remboursements échelonnés », a dit Csaba Lentner à Magyar Nemzet, expliquant que, il y a trente ans, dans le cadre du processus de changement de régime, la Hongrie a renoncé à défendre ses marchés intérieurs. Ce faisant, elle a cessé de soutenir la production nationale, laissant les produits d’Europe occidentale inonder le marché hongrois sans se heurter à l’obstacle des droits de douane. Sans ces protections douanières, les producteurs hongrois se sont révélés incapables de résister à la concurrence. Sans compter qu’ils ne pouvaient à l’époque compter sur aucune assistance sérieuse, ni de la part du gouvernement, ni de la part de la banque centrale. Bref : les entreprises débarquées d’Europe occidentale ont étouffé les producteurs hongrois. Elles ont fait main basse non seulement sur le marché intérieur hongrois, mais aussi sur les marchés orientaux où les fournisseurs hongrois jouissaient jadis d’une très bonne réputation.
« Les entreprises occidentales ont réalisé des surprofits en Hongrie, et ont, de plus, fait sortir du pays le plus gros de cet argent. A l’époque du changement de régime, nous avons tous été témoins de l’effondrement du système de l’économie planifiée, de la ruine des marchés de l’Est et d’une réorientation à marche forcée vers l’Occident. »
Or la possibilité d’une adhésion de la Hongrie à l’Union européenne n’était évoquée qu’à titre de promesse incertaine. Cela s’est néanmoins produit quinze ans plus tard, mais entre temps, nous avions abandonné le droit de définir nous-mêmes notre politique économique.
« Depuis le tout début, ils ont exigé de la Hongrie qu’elle applique les règles fiscales de l’Union et – dans une mesure plus restreinte – sa politique de banque centrale. Nous avons dû démolir les structures financières qui permettaient à l’État hongrois d’aider les entreprises nationales, par exemple celles du secteur agricole. Nous avons même accepté de financer sur les deniers du contribuable hongrois la formation et les frais de santé de la main d’œuvre mise à la disposition des entreprises étrangères. Nous avons sacrifié les chances du pays, offert aux étrangers qui s’installaient chez nous des ristournes fiscales, des aides à l’implantation et à l’investissement. Nous leur avons vendu à bas prix notre main d’œuvre, tout en leur permettant de rapatrier librement tous les profits qu’ils voulaient. Les entreprises débarquant de pays hautement développés de l’UE ont trouvé à leur arrivée des conditions optimales, dont elles ont d’ailleurs tiré le meilleur parti. »
Le professeur d’économie fait remarquer que tous les États membres contribuent au budget de l’Union européenne. Les États les plus développés paient plus qu’ils ne reçoivent en retour au titre des aides de l’Union. Mais c’est le résultat d’un accord qui a été conclu, et, comme la Hongrie le respecte, les autres devraient aussi le respecter.
« Ces pays se sont taillé la part du lion. C’est pourquoi, je le répète : ce que la Hongrie touche, ce ne sont pas véritablement des aides, mais de petits remboursements échelonnés. Avant 2010, les trois quarts des sommes versées retournaient d’ailleurs à l’expéditeur, étant donné que, en contrepartie de ces versements, les marchés publics étaient attribués à des entreprises d’Europe occidentale. Aujourd’hui, les entreprises à capitaux hongrois ont elles aussi le droit de tenter leur chance, ce qui, bien entendu, en contrarie plus d’un. »
Pour Csaba Lentner, l’Union européenne n’est, pour l’essentiel, pas une alliance économique. À l’origine de sa création, on trouve la volonté de juguler la rivalité pluriséculaire de la France et de l’Allemagne, qui avait souvent débouché sur des guerres, et même provoqué des guerres mondiales. La communauté a été créée dans le but de calmer la rivalité de ces deux pays, y compris à la faveur d’intérêts économiques communs. Les aspects économiques de l’Union étaient donc secondaires : il n’est pas dans l’intérêt des États membres les plus développés que des pays comme la Hongrie ou la Bulgarie deviennent aussi puissants que, par exemple, l’Allemagne.
Tout cela ne veut pas dire que la Hongrie n’aurait pas sa place dans l’Union européenne ; en revanche, il faut avoir le courage de le dire : les aides communautaires ne sont pas des cadeaux. La Hongrie a lourdement contribué au « pot commun » tout comme, d’ailleurs, les autres adhérents récents.
Il n’est donc pas possible de considérer les ressources à allouer dans le cadre du cycle financier actuel de l’UE comme des cadeaux dont la Hongrie bénéficierait à titre grâcieux.
Gergely Kiss
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post