Le tennisman serbe Novak Djokovic est en train de réaliser une saison 2021 absolument phénoménale. Héros national dans sa Serbie natale, il est de loin l’un des plus grands athlètes de l’histoire de ce pays des Balkans. Après avoir remporté l’Open d’Australie pour la neuvième fois de sa carrière en janvier dernier, le numéro un mondial a ensuite détrôné Rafael Nadal à Roland Garros, avant de décrocher son 20e titre du Grand Chelem à Wimbledon, égalant ainsi le record mythique de Nadal et de Federer. Djokovic vient toutefois de s’incliner en finale de l’US Open, ce qui l’a empêché de réaliser l’un des plus grands exploits de son sport : le Grand Chelem calendaire. [1]
Novak Djokovic est unanimement considéré comme l’un des plus grands joueurs de tennis de tous les temps. Voici quelques unes de ses statistiques et records les plus marquants :
- recordman du nombre de semaines passées sur le trône de numéro un mondial (339 à la mi-octobre 2021)
- recordman du nombre de titres en Grand Chelem, à savoir 20 (ex-aequo avec Roger Federer et Rafael Nadal) [2]
- recordman du nombre de Masters 1000 remportés, soit 36 (ex-aequo avec Rafael Nadal)
Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic sont, on peut le dire sans prendre trop de risques, trois des plus grands tennismen de l’Histoire. Bien que passionnant, le débat animé pour savoir lequel d’entre eux peut être considéré comme le G.O.A.T (Greatest of all time – Le plus grand de tous les temps) demeure condamné à la stérilité étant donné l’importante composante émotionnelle et subjective qu’il implique. Voici le parcours exceptionnel de cet immense sportif.
Le premiers pas de « Nole »
Novak Djokovic, aussi connu sous le pseudonyme « Nole », naît le 22 mai 1987 dans ce qui était encore la capitale de la Yougoslavie, à savoir Belgrade. Dès l’âge de quatre ans, le jeune Novak apprend à jouer au tennis, soutenu par son père (champion de ski alpin) et sa mère (championne de patinage artistique). Très vite, son entourage réalise le potentiel immense de ce petit garçon qui semble ne penser qu’à une chose : jouer au tennis.
Nole est considéré comme le plus grand espoir du tennis serbe dès sa plus tendre enfance. Sa technique, sa précision et sa détermination forment une combinaison parfaite avec son amour pour le tennis. Au cours de son adolescence, il quitte sa terre natale pour suivre des entraînements professionnels dans une académie de tennis à Munich. Son niveau lui permet d’intégrer le circuit professionnel dès l’âge de 16 ans, en 2003.
Dans l’ombre de « FEDAL»
Il est impossible de parler de la carrière de Novak Djokovic sans évoquer ses deux plus grands rivaux : le suisse Roger Federer et l’espagnol Rafael Nadal. Les amateurs de tennis savent à quel point ces trois joueurs ont dominé la planète tennis au cours des deux dernières décennies. Or, Nole a longtemps été l’outsider au sein ce trio légendaire.
Novak Djokovic réalise une montée en puissance phénoménale au classement ATP dès les premières années de sa carrière professionnelle. Il termine l’année 2007 à la troisième place du classement ATP, alors qu’il est seulement âgé de 20 ans. Il réalise cet exploit dans un contexte de domination totale du monde de la petite balle jaune par le duo Federer – Nadal. Les deux ténors du tennis représentent d’ailleurs une sorte de plafond de verre qui semble infranchissable pour Nole, qui doit se contenter de ce qui ressemble alors à une éternelle troisième place.
Il faut souligner qu’à cette époque, outre ses résultats prometteurs, Nole est surtout connu pour être un bon vivant qui se donne par exemple à cœur joie d’imiter les autres joueurs du circuit pendant les entraînements. Comme la plupart des joueurs, le Serbe est loin de faire l’unanimité. Tout au long de sa carrière, il se retrouve au centre de controverses plus ou moins importantes (accusations de simuler des blessures lorsqu’il est mené au score, explosions de colère, utilisation de pauses toilettes trop longues, une certaine forme d’arrogance, etc.).
Au cours des années 2007 – 2010, il ne manque jamais grand-chose à Djokovic pour devenir le patron du circuit. Il se qualifie régulièrement pour les demi-finales et les finales des plus grands tournois. Son jeu évolue de telle sorte qu’il est régulièrement appelé le « futur numéro 1 mondial » par les médias. Nole se montre polyvalent (au niveau des surfaces de jeu) et semble en mesure d’arrêter n’importe quel adversaire. Cependant, ce sont toujours Federer et Nadal qui règnent en maître sur le circuit.
Le Serbe remporte son premier titre du Grand Chelem à l’occasion de l’Open d’Australie de 2008, après avoir notamment battu Federer en demi-finale. Cette même année, il atteint les demi-finales de Roland Garros et de l’US Open, il remporte une médaille de bronze aux Jeux olympiques de Pékin et remporte le Masters de Londres. Ces succès représentent bien la situation de Djokovic à cette époque. Il est alors sans l’ombre d’un doute le meilleur joueur du monde… derrière Federer et Nadal. La domination du duo parfois appelé « FEDAL » est alors encore loin d’être terminée.
En 2009, « Rodgeur » Federer remporte son 15e titre du Grand Chelem, battant ainsi le record mythique du nombre de Grands Chelems remportés détenu jusqu’alors par l’Américain Pete Sampras. L’année suivante, c’est « Rafa » Nadal qui survole la planète tennis en remportant coup sur coup Roland Garros, Wimbledon et l’US Open, ce qui lui permet de totaliser 9 victoires en Grand Chelem à seulement 24 ans.
Djokovic entre dans la légende
Le véritable déclic a lieu à la fin de la saison 2010 quand Djokovic affronte Federer en demi-finale de l’US Open. Au terme d’un combat acharné de plus de trois heures, le Suisse obtient deux balles de match pour se qualifier pour une septième finale consécutive à New-York. L’écrasante majorité du public soutient Roger Federer et la tension est à son comble. Nole n’a plus rien à perdre. En prenant d’énormes risques, il réalise l’un après l’autre deux incroyables coups droits gagnants et se sort de cette situation (apparemment) désespérée avant de remporter le match. Il s’incline ensuite en finale contre Nadal.
Quelques semaines plus tard, le Djoker remporte la Coupe Davis contre toute attente avec l’équipe de Serbie. De nombreux analystes s’accordent sur le fait que cette période représente un véritable tournant dans la carrière du Serbe.
Novak Djokovic réalise un début de saison 2011 à couper le souffle en remportant les sept premiers tournois de la saison (dont l’Open d’Australie) grâce à une série record de 43 victoires consécutives. Ce n’est qu’en demi-finale de Roland Garros que cette série est interrompue par un Roger Federer qui dira de sa performance qu’elle fut « l’une des meilleures de sa carrière ». Peu de temps après, Nole remporte Wimbledon en battant Rafael Nadal en finale. À la suite du tournoi, il s’empare du trône de numéro un mondial pour la première fois.
Une fois de plus, le Serbe a rendez-vous avec Federer en demi-finale de l’US Open. Le Suisse est bien décidé à prendre sa revanche sur Nole après la cuisante défaite de l’année précédente. Cette fois encore, les deux joueurs poursuivent un bras de fer épique qui les mène à un cinquième et ultime set. Après plus de trois heures de combat, Federer obtient deux balles de match. Le public, acquis à la cause du Suisse, tente par ses cris de faire pencher la balance en sa faveur.
Djokovic, lui, sourit à l’adversité. Il sauve la première balle de match avec un retour gagnant supersonique avant de réclamer le soutien du public. Sur la seconde balle de match, il effectue un retour in extremis qui pousse Federer à la faute. Peu après, Nole remporte la rencontre. Federer aura du mal à digérer cette nouvelle défaite.
Une situation similaire aura lieu huit ans plus tard à l’occasion de la finale de Wimbledon en 2019. Les deux légendes s’affrontent sur le mythique Centre Court. Après plus de quatre heures de lutte, Federer obtient deux balles de match. S’il gagne le point, le Suisse (âgé alors de 38 ans !) remporte son 21e tournoi du Grand Chelem, réalisant ainsi son fameux record. Le public est une fois encore largement en faveur du Suisse.
Mais une fois de plus, le sang froid de Novak Djokovic lui permet de sauver ces deux balles de match (notamment grâce à un passing brillant). Ainsi, au lieu d’assister à une énième consécration du champion suisse, le public londonien voit le Djoker remporter son seizième titre en Grand Chelem réduisant l’écart avec Federer (20) et Nadal (18) dans cette course effrénée au record que Nole a annoncé vouloir battre.
Interrogé en conférence de presse sur la manière dont il est parvenu à surmonter le large soutien du public pour son adversaire, Nole donnera une réponse qui en dit long sur sa mentalité : « Chaque fois que le public criait “Roger”, moi je transformais cela dans mon esprit pour entendre “Novak” ».
Le géant mental
Au fil des années, Novak Djokovic a développé une redoutable aura autour de sa personne. Beaucoup le surnomment le « géant mental ».
« Dans les moments clés, je préfère jouer n’importe quel joueur plutôt que lui ». Ce sont les mots d’Alexander Zverev, actuel numéro trois mondial battu par Djokovic en demi-finale de l’US Open 2021 au terme d’une lutte de trois heures et demie. De son côté, l’ancien numéro un mondial Andy Roddick dira dans un entretien que Djokovic « […] prend d’abord tes jambes [en te faisant courir] et ensuite ton âme ».
Ces louanges font référence à l’extrême résistance physique et mentale du champion serbe, en particulier pendant les points importants. Au-delà de son hygiène de vie exemplaire, de sa diète stricte, de sa flexibilité hors du commun et de son niveau de tennis en général, Nole est surtout connu pour son esprit combatif qui ne perd jamais espoir. Cette attitude de gladiateur a notamment pu être observée à l’occasion de la finale de l’Open d’Australie en 2012 remportée face à Rafael Nadal après une lutte titanesque de près de six heures [3], et les exemples de ce genre ne manquent pas.
Lors de finales évoquées plus haut contre ses éternels rivaux que sont Federer et Nadal, il ne fut pas rare que Nole « transmute » (selon ses propres termes) l’énergie négative du public afin d’atteindre un niveau de jeu proche de la perfection. Les amateurs de football reconnaîtront cette tendance chez le légendaire Cristiano Ronaldo qui, lui aussi, n’évolue jamais aussi bien que quand il est mis au défi ou provoqué par ses détracteurs.
Novak Djokovic a la particularité de pouvoir constamment élever son niveau de jeu en s’appuyant sur la pression ambiante. C’est cette dimension presque surnaturelle dans les moments les plus importants qui rend le Djoker si effrayant pour ses adversaires. Toni Nadal, entraîneur de Rafa, dira un jour que « […] contre Roger [Federer], on sait ce qu’on doit faire, on a un plan. Tandis que contre Novak [Djokovic]… Tu ne peux rien prévoir. Il a une réponse à tout […] ».
La formule permettant à Nole de réaliser ces exploits, même dos au mur, est rendue possible par un entraînement mental intensif. Il souligne lui-même qu’il convient de croire en ses chances de remporter un match jusqu’au bout en gardant, autant que possible, un attitude positive. Le belgradois utilise entre autres une technique de visualisation : il s’imagine avec tel ou tel trophée entre les mains pour, d’une certaine manière, forcer le destin. Cette technique a néanmoins a montré ses limites aux Jeux Olympiques de Tokyo et plus récemment encore en finale de l’US Open.
Où (et quand) s’arrêtera-t-il?
À 34 ans, Novak Djokovic est au sommet de son art. Il a égalé le record mythique de victoires en Grands Chelems et compte bien faire tout ce qui est en son pouvoir pour le battre dès l’année prochaine. De plus, le trône de numéro un mondial semble lui être promis au moins jusqu’en février 2022. À l’instar de ses légendaires rivaux que sont Federer (40 ans) et Nadal (35 ans), le Djoker fait preuve d’une longévité invraisemblable au plus haut niveau. Sa forme physique actuelle laisse d’ailleurs présager encore plusieurs belles saisons au champion serbe.
La question que beaucoup de fans de tennis se posent en ce moment est de savoir si Nole participera à l’Open d’Australie qui se déroulera en janvier 2022. En effet, lui et le numéro 2 mondial Daniil Medvedev pourraient ne pas faire leur apparition à Melbourne étant donné l’exigence australienne de présenter une preuve de double vaccination contre le COVID-19.
Une chose est sûre, lorsque le moment sera venu pour Novak Djokovic de tirer sa révérence, les amoureux du tennis se souviendront de lui comme de l’incarnation du principe selon lequel il s’agit d’un sport qui se joue « dans la tête » et que, s’il y à bien un point qu’il faut gagner, c’est le dernier.
—
[1] Remporter les quatre tournois du Grand Chelem (Australian Open, Roland Garros, Wimbledon et l’US Open) en une seule année civile.
[2] À noter qu’en date de janvier 2011, Roger Federer totalisait déjà 16 titres en Grand (record absolu à l’époque) tandis que Novak Djokovic n’en avait remporté qu’un. Le Serbe à rattrapé son « retard » sur le Suisse en une décennie, remportant presque la moitié de tous les Grands Chelems en jeu entre janvier 2011 et août 2021, autrement dit 19 sur 42. Du jamais vu!
[3] Ce fut la plus longue finale d’un tournoi du Grand Chelem de l’Histoire