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Wojciech Murdzek : que l’UE cesse de perdre son temps à discuter de la démocratie et de l’État de droit en Pologne !

Temps de lecture : 6 minutes

Pologne – Entretien avec Wojciech Murdzek, député du parti au pouvoir Droit et Justice (PiS) et ancien maire de la ville de Świdnica : « Que l’UE cesse donc de perdre son temps à discuter de la démocratie et de l’État de droit en Pologne ! », par Olivier Bault (entretien réalisé le 12 décembre 2016 pour le Visegrád Post).


Olivier Bault : Comment le PiS et vous-même voyez-vous la victoire de Donald Trump aux États-Unis ? Craignez-vous un rapprochement des États-Unis avec la Russie, aux dépens de la Pologne ?

Wojciech Murdzek : À ce stade, il est encore difficile de faire la distinction entre les déclarations qui relèvent du jeu électoral et celles qui traduisent une véritable détermination. La Pologne, qui a à de multiples reprises exprimé son désir de voir sa sécurité renforcée par une politique plus active des États-Unis dans la région, ne voudrait pas assister à un changement de politique en ce qui concerne la présence de troupes de l’OTAN, notamment américaines, sur son territoire, alors que cette présence est justement en train de se concrétiser.

La question pour nous est donc de savoir quelle sera la politique américaine sous la présidence de Donald Trump dans ce domaine puisque rien n’a changé dans la politique hostile de la Russie dans la région et que la nécessité d’un renforcement militaire reste d’actualité. Le souhait d’avoir chez nous des soldats américains se base sur notre conviction qu’une attaque contre des soldats américains basés en Pologne déclencherait automatiquement un engagement américain à nos côtés.

Nous avons, nous Polonais, une méfiance très profondément ancrée vis-à-vis de la Russie, qui découle de notre histoire. Nous aimerions croire qu’il peut en être autrement avec la Russie, mais en attendant d’arriver à cette conviction nous avons sans doute le sentiment d’avoir pour mission de dire à l’Amérique et à l’Europe : « Ne croyez pas la Russie ». En l’occurrence la Russie de Vladimir Poutine. L’exemple de l’Ukraine montre le vrai visage de la Russie qui apparaît à la première occasion.

OB : La catastrophe aérienne de Smolensk et la manière dont l’enquête a été menée est-elle aujourd’hui un obstacle supplémentaire à une normalisation des relations entre la Pologne et la Russie, ou pensez-vous au contraire que c’est sans importance ?

Wojciech Murdzek : Je pense que c’est un facteur important, car c’est utilisé par la Russie, par exemple à travers son refus de restituer l’épave de l’avion, pour attiser les tensions internes en Pologne afin d’affaiblir notre pays.

OB : Laissons donc là les difficiles relations russo-polonaises et parlons un peu de l’Union européenne et du Groupe de Visegrád. Quel est votre regard sur le projet de « contre-révolution culturelle » évoqué récemment par Jarosław Kaczyński et Viktor Orbán ?

Wojciech Murdzek : Le terme de « contre-révolution » se réfère à une révolution qui est en cours et qui dure depuis plusieurs années. Il s’agit de cet éloignement de l’Europe de ses racines européennes et des idées qui animaient les fondateurs de la Communauté européenne, un éloignement qui ne mène nulle part. C’est quelque chose que la Pologne et la Hongrie perçoivent clairement et que d’autres commencent à voir et à exprimer. Il s’agit non pas de proposer quelque chose de nouveau ou de s’opposer à l’Union européenne, mais de retourner à une Europe des vraies valeurs, aux racines chrétiennes de l’Europe et à une Europe des nations.

On voit bien que la construction d’une Europe fédérale avec un mélange des cultures et des histoires nationales en une seule masse commune est tout simplement impossible. La reconnaissance de ces faits et la traduction de cette reconnaissance en des propositions communes concrètes du Groupe de Visegrád est un souffle nouveau. La nouveauté, ce n’est pas de proposer encore autre chose, mais au contraire de vouloir retourner aux valeurs et aux traditions européennes que nous refusons de voir dilapidées. C’est donc une nouveauté enracinée dans l’histoire et la tradition.

OB : Je sais que votre activité de député vous a amené à vous intéresser aux relations germano-polonaises. Que pensez-vous de ces relations en ce moment ? Peut-on parler de détérioration de ces relations dans le contexte du ton très critique des médias allemands vis-à-vis du gouvernement polonais en place ?

Wojciech Murdzek : Ce que font les médias allemands est en effet un phénomène dangereux. Je peux vous donner un exemple qui m’a été relaté par un groupe de jeunes Polonais partis pour un échange avec une municipalité allemande. Les représentants officiels de cette municipalité ont exprimé, en les accueillant, leur compassion et l’espoir que le « régime » polonais actuel arriverait bientôt à sa fin.

Cette déclaration à beaucoup surpris et choqué ces jeunes Polonais qui se sentent citoyens d’une Pologne libre et d’une Europe libre et dont le mode de vie ressemble beaucoup à celui des jeunes ailleurs en Europe. Il est clair que cette situation consternante était la conséquence directe d’une information médiatique monolithique qui ne donne pas aux Allemands une image complète de ce qui se passe en Pologne.

Je ne remets pas en cause le droit des médias allemands d’avoir leur propre avis, mais je constate qu’ils ne présentent pas de manière honnête, en plus de leur propre point de vue qui est celui de notre opposition la plus hystérique, le point de vue à la fois du gouvernement polonais et des citoyens polonais qui soutiennent le gouvernement et la majorité parlementaire, et sont même pour certains très heureux de vivre enfin les changements actuels.

L’absence de pluralisme dans la présentation faite par les médias allemands rend leurs informations complètement partisanes et débouche sur ce genre de jugements dramatiques portés sur la Pologne qui sont déconnectés de la réalité. Le défi pour nous, c’est d’arriver à faire parvenir notre vision des choses aux citoyens de base en Allemagne, parce que pour ce qui est de la classe politique allemande, elle est plus consciente que la façon de voir les choses présentée dans leurs médias est partiale et que dans tout pays démocratique il y a le point de vue des gouvernants et celui de l’opposition. Nous devons nous-mêmes nous demander comment faire pour que l’image donnée à l’étranger des événements et changements récents en Pologne soit plus complète.

Wojciech Murdzek et Olivier Bault, à Varsovie. XII 2016.

OB : Certains prétendent que l’attitude hostile des médias allemands viendrait du fait que les intérêts allemands en Pologne, notamment économiques, seraient menacés par la politique de défense des intérêts nationaux mise en œuvre par le PiS.

Wojciech Murdzek : Nous somme tous conscients, parce qu’il y a des études objectives à ce sujet, du nombre de médias en Pologne qui appartiennent à des groupes allemands. Une telle domination d’un pays étranger dans les médias nationaux est sans doute sans précédent en Europe. Il est évident que ces groupes médiatiques cherchent à défendre leur position comme le ferait toute entreprise et ils utilisent pour cela tous les outils à leur disposition, d’où ces informations partiales sur la Pologne gouvernée par le PiS.

Et après l’Europe perd son temps avec de grandes discussions sur la démocratie et l’État de droit en Pologne. L’opposition polonaise cherche à faire attaquer notre gouvernement par l’UE et se sert du carburant qui lui est fourni par les médias européens et que les amis politiques de notre opposition prennent pour argent comptant par manque d’esprit critique ou par esprit de connivence. Comme s’il n’y avait pas en ce moment des problèmes plus importants !

OB : Comment expliquez-vous l’attitude de cette opposition polonaise qui se veut « totale » ? Je pense notamment à l’appel à la désobéissance civique lancé début décembre par une partie de l’opposition et aux pressions exercées pour que Bruxelles sanctionne la Pologne.

Wojciech Murdzek : C’est en effet une attitude dangereuse, qui piétine la démocratie qu’elle prétend justement défendre. C’est très paradoxal de dire que l’on défend la démocratie quand on se bat pour défendre sa position et défendre des intérêts financiers qui peuvent être menacés, ou encore pour que certaines personnes et certains groupes de personnes n’aient pas à rendre compte des violations de la loi et des abus de pouvoir commis ces dernières années.

Pourquoi faire de grands discours sur la démocratie ? Il s’est déjà écoulé un an depuis notre victoire et il reste trois ans avant les prochaines élections. Si l’opposition a des idées et des propositions pour réparer les erreurs de ses huit années passées au pouvoir et pour faire mieux que le gouvernement actuel, plutôt que de nous attaquer jour après jour, qu’elle présente ses propositions aux Polonais et qu’elle cherche à les convaincre pour gagner les prochaines élections. Mais si les propositions de l’opposition se limitent à supprimer l’office anticorruption (CBA) ou l’Institut de la mémoire nationale (IPN) à cause de leurs enquêtes dérangeantes, cela n’intéressera probablement pas la société polonaise.

Pour regagner la confiance des citoyens il faut travailler dur et faire des propositions positives, et non pas prétendre lutter pour la démocratie en refusant le droit de gouverner à ceux qui ont été choisis par une majorité de Polonais dans des élections démocratiques. Car cela n’a rien à voir avec le fait de n’être pas d’accord avec la politique de la majorité parlementaire. On peut avoir des points de vue totalement divergents, mais appeler à la désobéissance civique face au pouvoir légitime, c’est une attitude totalement antidémocratique.

OB : Pensez-vous que les interventions de la Commission européenne et du Parlement européen favorisent la résolution de ce conflit entre Polonais ?

Wojciech Murdzek : Les institutions européennes ont elles-mêmes dit plusieurs fois que c’est un conflit qui doit être résolu par les Polonais eux-mêmes, et dans ces conditions le fait de se prononcer de manière répétée en faveur d’une des parties au conflit n’est d’aucune aide, bien au contraire.

Les institutions européennes devraient discuter des problèmes communs, qui concernent tous les pays de l’UE. Il n’y a pas de raison de gaspiller du temps et de l’énergie pour des problèmes que les leaders politiques européens reconnaissent eux-mêmes ne pas pouvoir résoudre à notre place. Ce sont des problèmes qui doivent être résolus en Pologne, dans le cadre des structures de notre État démocratique.