Par Olivier Bault.
Pologne – Il devient décidément de plus en plus difficile pour l’opposition libérale au pouvoir à Varsovie de 2007 à 2015 de nier le bien-fondé de la décision du gouvernement conservateur (PiS) de procéder à l’exhumation de tous les corps des victimes de la catastrophe aérienne de Smolensk qui n’ont pas été incinérés et qui n’avaient pas encore fait l’objet d’une autopsie en Pologne (pour plus de détails, voir l’article Catastrophe aérienne de Smolensk : nouvelles conclusions de la commission d’enquête et nouvelles découvertes macabres publié sur le Visegrád Post le 19 avril dernier).
La semaine écoulée a été particulièrement riche en découvertes macabres. Le 29 mai, c’est le tabloïde Fakt, que l’on ne saurait soupçonner de sympathies pour le PiS, qui informait le premier de la découverte dans le cercueil du général Bronisław Kwiatkowski, commandant opérationnel des Forces armées de la République de Pologne au moment de la catastrophe, des restes de sept autres victimes. « Vous croyez qu’il s’agit de petits fragments de corps ? Eh bien vous vous trompez lourdement […]. J’ai envie de crier ma rage au monde entier. Je hais le mensonge. Ils m’ont menti pendant sept ans. Nous avons été témoins de la profanation du corps de mon mari », a déclaré à Fakt la veuve du général, Krystyna Kwiatkowska.
Le 30 mai, on apprenait la présence dans le cercueil du général Włodzimierz Potasiński, commandant des Forces spéciales polonaises au moment de la catastrophe, des restes de quatre autres victimes.
Le 31 mai, les Polonais apprenaient que le cercueil de l’évêque militaire catholique Tadeusz Płoski ne contenait que la moitié du corps de ce dernier. L’autre moitié a été retrouvée dans la tombe du général archevêque orthodoxe Miron Chodakowski. La partie manquante du corps de ce dernier n’a pas encore été retrouvée. Il n’est pas exclu qu’elle ait été incinérée en passant pour une partie du corps d’une autre personne. On apprenait aussi que les restes de l’ancienne ministre du Développement régional Grażyna Gęsicka étaient éparpillés entre plusieurs cercueils ouverts à l’occasion des exhumations en cours. Le même jour, le journal Gazeta Polska codziennie publiait les déclarations du mari d’Aleksandra Natalli-Świat, députée du PiS au moment de la catastrophe : il s’est avéré après l’exhumation que le cercueil de sa femme contenait lui aussi les restes de plusieurs autres victimes.
Le 1er juin, les Polonais apprenaient du tabloïde Super Express que le cercueil de l’hôtesse de l’air Natalia Januszko contenait les restes de cinq autres personnes. Son cercueil contenait notamment trois mains.
Les autorités russes, qui avaient procédé aux autopsies des corps, rejettent toute la responsabilité sur les autorités polonaises de l’époque, quand le premier ministre était l’actuel président du Conseil européen Donald Tusk. Sa ministre de la Santé de l’époque, Ewa Kopacz (devenue premier ministre après le départ de Tusk à Bruxelles), qui avait publiquement affirmé que les autopsies avaient été faites dans les règles de l’art, était entendue le 31 mai par le Parquet national dans le cadre de l’enquête sur la non-réalisation par les autorités polonaises des autopsies des corps des victimes de la catastrophe de Smolensk. Donald Tusk pourrait aussi avoir à être entendu dans le cadre des enquêtes autour de la catastrophe de Smolensk. C’est une des affaires qui pèsent sur lui et qui faisaient que le gouvernement polonais s’opposait à sa reconduction à la présidence du Conseil européen.
La situation est très embarrassante pour le parti de Donald Tusk, la Plateforme civique (PO). Le ministre des Affaires étrangères à l’époque du gouvernement de Tusk, Radosław Sikorski, célèbre pour son hostilité virulente au PiS et à l’enquête parallèle menée par l’opposition conservatrice depuis 2010 sur les causes de la catastrophe de Smolensk, avoue avoir changé d’avis quant aux exhumations ordonnées par le gouvernement de Beata Szydło. Alors qu’il était contre, il a déclaré à la télévision TVN24 que, s’il pensait au départ que le PiS voulait uniquement chercher à prouver la thèse de l’attentat, il constate que ces exhumations sont réalisées avec sérieux, et que les analyses d’ADN faites sur les restes des victimes sont une bonne chose. On savait déjà depuis longtemps qu’aucun médecin légiste polonais n’avait participé aux autopsies malgré les déclarations faites par les autorités et les médias pro-gouvernementaux en avril 2010. Désormais, le général Parulski, qui était le procureur militaire en charge de l’enquête sur la catastrophe de Smolensk côté polonais à l’époque de Donald Tusk, reconnaît qu’aucun procureur polonais n’a non plus assisté à ces autopsies faites (ou non) à Moscou.