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Pierre-Yves Rougeyron : « L’Union Européenne est, comme l’Union soviétique, irréformable »

Temps de lecture : 4 minutes

France – Entretien avec Pierre-Yves Rougeyron, intellectuel souverainiste français : « L’Union Européenne est, comme l’Union soviétique, irréformable ».

Pierre-Yves Rougeyron est un jeune intellectuel souverainiste français. Ancien élève de l’École de Guerre Économique, il a notamment écrit un ouvrage sur la loi du 3 janvier 1973, une loi aux apparences anodines mais qui a dès lors contraint l’État à emprunter (avec intérêts) à des banques privées plutôt qu’à la banque centrale (sans intérêts). Il a fondé la revue et la maison d’édition Perspectives Libres et jouit par ailleurs en France d’une audience non-négligeable sur Internet au travers de ses vidéos qui analysent l’actualité.

Il a accordé au Visegrád Post un entretien sans concessions sur les conséquences des élections en France, les évolutions de l’Union Européenne, les perspectives du groupe de Visegrád.


Visegrád Post : La longue séquence électorale française vient de se terminer, avec l’élection d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République et d’un Parlement qui lui est majoritairement favorable. Vous avez comparé son ascension une révolution de couleur disposant des forces d’argent et de média. N’est-ce pas un peu exagéré ?

Pierre-Yves Rougeyron : Sur les procédés de ce que nous appelons « révolution colorées », le mot est peut-être un peu fort mais Macron a quand même tous les traits des bourgeoisies compradores qui sont installées dans les pays non souverains à travers le monde pour servir des intérêts étrangers. En ce sens je maintiens qu’il fait un bon parallèle avec un oligarque ukrainien revu et corrigé par Gala.

VP : Selon vous, quelles seront les conséquences de l’élection de M. Macron au niveau de l’Union Européenne ?

Pierre-Yves Rougeyron : L’Allemagne sent qu’elle a une France croupion pour collaborer. Macron pense que s’il saigne le peuple français il pourra en échange de cette livre de chair négocier avec les Allemands. C’est écrit presque noir sur blanc dans son livre Révolution. Il sera Tsipras en pire. Mais les réalités des divergences économiques et de la nocivité de l’euro resteront. On n’arrête pas plus le réel par de la communication qu’on arrête la mer avec les mains.

VP : Durant l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle française, l’affaire de l’usine Whirlpool qui sera délocalisée en Pologne a animé les débats. Emmanuel Macron a vivement critiqué la Pologne, l’accusant notamment de jouer sur les écarts fiscaux. Quel regard porter sur ces critiques ?

Pierre-Yves Rougeyron : Il y a trois aspects à voir. La libre circulation des personnes et des capitaux dans des zones si hétérogènes allait fatalement entraîner une saignée des emplois dans les pays où les luttes sociales avaient permis un meilleur rapport de force aux peuples. C’est le premier point qui est un des canons du catéchisme européen gravé dans les traités.

Le second est que les pays de l’Est n’ont pas eu la chance de former une zone avec droits de douane unique et de se développer à part. À la chute du mur ils ont subi un véritable interdit de développement industriel autonome. Ils n’ont pas pu avoir l’équivalent d’un État développeur à l’asiatique par exemple, car l’Allemagne voulait les «hinterlandiser» selon les vieux buts de guerre de l’Allemagne impériale.

Enfin, Macron fait semblant de s’intéresser au sort des Français. C’est le prix de l’Europe que de multiplier les « gueules cassées » des guerres économiques. C’est un Moloch auquel on sacrifie déjà des enfants déjà en Grèce (42% d’augmentation de la mortalité infantile depuis la prise de pouvoir par les oligarques pro-UE), alors pourquoi pas des ouvriers en France.

VP : Lorsque les pays d’Europe centrale et orientale ont mis un terme à la période socialiste en 1989, puis rejoint l’UE 2004, c’était, entre autres, avec l’espérance de parvenir à rattraper le retard économique qu’ils avaient sur l’Ouest. Aujourd’hui, le constat est celui d’un échec, désormais aggravé par l’émigration et le « brain-drain » (fuite des cerveaux). Quel regard porter sur cette période pour ces pays ?

Pierre-Yves Rougeyron : Je pense qu’ils ont cru au pire des mythes occidentaux. Celui du développement par l’extérieur. Le développement est endogène par nature. Les pays de l’Est sont en train de l’apprendre cruellement. Mais ce qui compte, c’est ce qu’ils vont faire pour ne pas être complètement saignés, car l’Europe est une formule unique : OTAN-finance-droits des minorités-immigration. L’Europe à la carte relève de la promesse de boutiquier.

VP : Le Groupe de Visegrád suscite beaucoup d’intérêt depuis 2015 chez les populistes d’Europe occidentale en raison de son opposition forte au projet merkélien de quotas de migrants. Au delà de cette crise particulière, certains y voient même une alternative à Bruxelles et la possibilité d’une révolution interne des institutions de l’UE. Qu’en pensez-vous ?

Pierre-Yves Rougeyron : L’espoir fait vivre mais la naïveté tue. Il n’y a aucune alternative car le groupe de Visegrád (création allemande) pliera gentiment lors de la renégociation des fonds structurels en fin d’année 2017. La liberté à crédit n’existe pas. Quant aux institutions de l’UE, elles ne changeront pas. Rappelez-vous que le slogan « l’autre Europe » fut inventé par François Mitterrand contre le général de Gaulle. L’UE est, comme l’Union soviétique, irréformable. D’ailleurs, contrairement à ceux qui se voilent la face, les eurocrates de Juncker (pas de démocratie contre les traités) à Schäuble (les traités européens ne sont pas réformables) vous le disent. Ensuite vous pouvez repeindre les barreaux de la prison si vous voulez.

VP : L’ancien Président de la République tchèque, Václav Klaus, vient d’en appeler à la sortie de son pays de l’Union Européenne pour mettre un terme au chantage « subventions contre migrants ». Qu’une personnalité ayant exercé les plus hautes fonctions dans un pays d’Europe centrale en appelle ainsi franchement à la sortie de l’UE est assez inédit…

Pierre-Yves Rougeyron : En effet, c’est un signe d’espoir. Mais je crains que peu de dirigeants des pays de l’Est ne soient prêt à payer le prix de la lucidité.

VP : Vous êtes un critique de la construction européenne. Elle apporte pourtant parfois des choses positives. Par exemple, elle vient de mettre un terme aux surfacturations des appels téléphoniques passés au sein des pays de l’Union. N’y voyez-vous pas une avancée ?

Pierre-Yves Rougeyron : Très bel exemple des bienfaits de l’UE. Les happy few ne vont plus payer le portage d’appel. Mais les autres vont payer pour eux. Or, 80% de l’économie d’un pays comme la France repose sur … les Français et leurs actes économiques (production, consommation etc..) en France. Donc on va faire payer 80% de gens qui vivent de leur travail chez eux pour 20% de globe-trotters à l’utilité économique dans certains cas discutables. Mais bon, la subvention à la mobilité contre la production enracinée, c’est une définition comme une autre de l’Europe.