Par Olivier Bault.
Article originellement publié en français sur Réinformation TV le 24 avril 2018.
Pologne – Le président du Conseil européen Donald Tusk n’en était pas à sa première convocation lundi dans l’affaire de la catastrophe aérienne de Smolensk qui a coûté le 10 avril 2010 la vie à 96 personnes dont le président Lech Kaczyński et son épouse ainsi que les membres du haut-commandement militaire polonais. Mais c’était sa première convocation en tant que témoin dans un procès intenté par des familles des victimes contre le chef de sa chancellerie, Tomasz Arabski, qui avait été chargé de coordonner l’organisation du voyage de la délégation présidentielle partant commémorer le 70e anniversaire du massacre des officiers polonais à Katyn par le NKVD soviétique.
Donald Tusk n’en est pas à sa première convocation par les magistrats pour son rôle dans la catastrophe de Smolensk
L’ancien premier ministre polonais avait déjà eu à donner des explications aux procureurs en juillet 2017 à propos des corps des victimes qui ne se trouvaient pas dans les bons cercueils après leur rapatriement de Russie, comme cela a été constaté lors des exhumations commanditées par le gouvernement du PiS dans le cadre de sa contre-enquête sur la catastrophe de Smolensk. D’aucuns en Pologne souhaiteraient voir Tusk jugé pour haute trahison en raison de sa décision d’accepter que l’enquête sur cette catastrophe soit sous le contrôle exclusif de la Russie. Pourtant, il existe un accord datant de 1993 entre la Pologne et la Russie qui s’applique aux accidents impliquant des avions militaires et qui aurait permis aux enquêteurs polonais de participer aux investigations sur un pied d’égalité avec leurs homologues russes. Le Tu-154 gouvernemental polonais qui s’est écrasé à l’approche de l’aéroport militaire de Smolensk était un avion de l’armée polonaise piloté par des militaires. La conséquence de cette décision désastreuse de Donald Tusk, ce sont les soupçons d’attentat encore renforcés par le fait que Moscou refuse toujours, huit ans après la catastrophe, de restituer à la Pologne l’épave et les boîtes noires de l’avion.
Certains voudraient que le président du Conseil européen soit jugé en Pologne pour haute trahison
Ce lundi, le président du Conseil européen avait, entre autres choses, à dire ce qu’il savait des décisions ayant conduit à deux visites séparées pour commémorer le 70e anniversaire de Katyn en avril 2010 : la sienne, en compagnie du premier ministre russe Vladimir Poutine, le 7 avril, et celle du président polonais et de sa délégation, en compagnie des représentants des familles des officiers exécutés à Katyn, le 10 avril. Donald Tusk semblait avoir oublié beaucoup de choses, et notamment le fait – ce qui est prouvé par des documents – qu’il devait au départ n’y avoir, conformément à la volonté du président Kaczyński, qu’une seule visite commune à Katyn. Là aussi, Tusk est accusé par ses opposants de trahison pour avoir accepté la proposition de Poutine de séparer la visite du président polonais que le premier ministre russe ne portait pas dans son cœur depuis les événements de Géorgie en 2008, quand le président polonais s’était rendu à Tbilissi avec plusieurs chefs d’État et de gouvernement d’Europe centrale et orientale afin de soutenir ce petit pays contre l’invasion russe en train de se dérouler. Tusk non plus n’aimait pas son ennemi politique Kaczyński qui disposait en tant que président de prérogatives en matière de politique étrangère, et il lui est reproché d’avoir fait passer pour ces commémorations à Katyn ses intérêts politiques avant ceux de son pays.
Un procès intenté par une partie des familles des victimes après l’abandon en 2013 des poursuites du parquet
Les amis politiques de Donald Tusk considèrent quant à eux que ce procès est politique même s’il est intenté par des familles des victimes. Pourtant, quand le parquet polonais avait abandonné à l’automne 2013, quand Tusk était premier ministre, les poursuites contre le chef de sa chancellerie Tomasz Arabski, ainsi que contre deux hauts fonctionnaires de cette chancellerie et deux employés de l’ambassade de Pologne à Moscou, il avait – et c’était pour le moins curieux – motivé sa décision par le fait que les négligences constatées au niveau de la préparation du voyage de la délégation présidentielle polonaise s’étaient produites sans l’intention de nuire, tout en précisant qu’il y avait bien eu de nombreuses négligences commises par ces personnes ! C’est après cette décision du parquet que plusieurs familles de victimes de la catastrophe avaient décidé d’attaquer le chef de la chancellerie de Donald Tusk au civil.