Skip to content Skip to sidebar Skip to footer

Hongrie : modification du droit de réunion

Temps de lecture : 3 minutes

Par Yann P. Caspar.

Hongrie – Alors que l’opposition crie au scandale et à une disposition liberticide, la nouvelle loi sur le droit de réunion n’est en réalité qu’une mesure venant combler les lacunes de l’arsenal juridique en vigueur depuis 1989 en la matière.

Le nouveau texte entérine d’ailleurs une pratique judiciaire, due à l’organisation de réunion par le biais des nouvelles technologies, en consacrant les notions de réunion urgente et de réunion spontanée. Il organise cette liberté publique et précise sa limitation quant au délai de notification et au respect d’autres droits. Il s’accompagne même d’un durcissement pénal à l’égard de ceux qui contreviendraient à la tenue d’une réunion !

N’en déplaise aux tenants de la ligne dure du DK (Demokratikus Koalíció, parti de gauche libérale, ndlr), le texte ne met en rien fin aux simples discussions de rue et ne permet pas l’organisation d’une répression violente des manifestations — pratique par ailleurs courante à l’Ouest et allègrement utilisée en Hongrie au moment des événements de 2006… lorsque le président du DK Ferenc Gyurcsány était Premier ministre.

Toutefois, si le dispositif est désormais plus clair, l’interdiction d’une réunion est, depuis tout temps et partout, une décision politique. Cette loi constitue donc un moyen de savoir si Budapest sera occasionnellement prêt à aller au bout de sa logique illibérale — doctrine consistant en la primauté de la souveraineté populaire sur la souveraineté individuelle et en celle du Politique sur le Droit. En attendant, voici un résumé de la loi en question :

Droit de réunion : la nouvelle loi entre en vigueur

Le 1er octobre, une nouvelle loi est venue remplacer celle s’appliquant en la matière depuis 1989.

La loi s’applique lorsqu’au moins deux personnes se réunissent dans le but d’exprimer publiquement — c’est-à-dire quand quiconque peut se joindre à cette réunion — leur opinion sur les affaires communes.

Le projet de réunion doit être impérativement signifié aux autorités de police compétentes au plus tôt trois mois et au plus tard 48 heures avant le début de la réunion.

Si le respect de ce délai de notification compromet le but de la réunion, il faut immédiatement en avertir les autorités après l’événement à l’origine de la réunion (réunion urgente). Il n’est pas obligatoire de notifier la tenue d’une réunion si elle procède d’un événement la précédant et lui étant directement lié, et si elle a lieu sans planification et organisateurs (réunion spontanée).

Si plusieurs réunions sont prévues au même endroit et à la même date, les autorités permettent la tenue à celle ayant été notifiée en premier. Les autorités peuvent décider d’interdire une réunion si elles considèrent que celle-ci représente un danger direct et disproportionné pour la sécurité ou l’ordre public, ou si les droits et la liberté d’autrui peuvent être violés de façon disproportionnée.

Une réunion peut-être interdite si elle entrave les obligations d’une personne disposition de l’immunité diplomatique en Hongrie ; elle perturbe le fonctionnement des tribunaux ou les transports.

L’interdiction d’une réunion — en raison des moyens techniques utilisés et de sa durée — est aussi possible quand elle est susceptible d’entraver le droit à la vie privée et familiale, de porter atteinte à la dignité humaine, ou à celle de la communauté nationale dans sa dimension ethnique et religieuse, ou encore à la liberté de circulation et domiciliation.

Les autorités peuvent interdire une réunion si elle est prévue à un endroit où la nation a choisi de célébrer la mémoire des victimes des crimes inhumains commis sous les dictatures nationale-socialiste et communiste et considèrent que sa tenue pourrait amener ses participants à remettre en question, minimiser, nier ces crimes, ou tenter de les justifier, ce qui pourrait entraîner des troubles à l’ordre public.

Les décisions des autorités de police en la matière peuvent faire l’objet d’un appel de la part des organisateurs dans le cadre d’une procédure administrative.

La présence d’armes à feu, d’explosifs, de « tout objet susceptible d’attenter à l’intégrité physique », ainsi que le port de « vêtements semi-militaires pouvant véhiculer de la violence ou susciter de la peur » sont interdits à l’occasion d’une réunion.

Le meneur peut choisir d’exclure de la réunion un individu qui porterait gravement atteinte à son déroulement. Les participants sont astreints au respect des consignes données par le meneur quant au déroulement pacifique de la réunion.

Au terme de la réunion, l’organisateur doit mettre en oeuvre le retrait des installations, affiches et autres panneaux, et l’évacuation des éventuels déchets occasionnés, ainsi que la réparation des dégâts causés à l’environnement. L’organisateur est solidairement responsable avec le participant en cas de préjudice à un tiers.

La nouvelle loi sur le droit de réunion s’accompagne de modifications en matière pénale : celui qui perturbe ou empêche une réunion est passible d’une peine d’un an d’incarcération, alors que celui exerçant des violences physiques sur le meneur ou l’organisateur risque deux ans.

Le droit de réunion est utilisé de manière abusive si l’organisation se fait sur un terrain privé sans l’accord du propriétaire, si quelqu’un se présente à une réunion interdite, si les organisateurs empêchent la présence de la police et des journalistes sur les lieux, s’il y a absence de notification préalable ou si un participant refusent de communiquer son identité aux organisateurs.