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Tchéquie : succès mitigé pour le parti d’Andrej Babiš aux municipales

Temps de lecture : 4 minutes

Petr Dvořák, membre de l’institut politique tchèque Pravý břeh.

Tchéquie – La Tchéquie a tenu des élections les 5 et 6 octobre 2018, qui se sont déroulées simultanément avec la première partie des élections sénatoriales à deux tours.

Élections municipales tchèques : le principal parti du gouvernement peut conserver son influence mais perd la capitale

Les précédentes élections de 2014 étaient extraordinaires, car elles ont eu lieu juste après une grave crise politique qui avait provoqué la chute du gouvernement de centre-droit et la montée du « parti des entreprises » qui protestait à l’époque. Ce parti, l’ANO, est dirigé par le milliardaire Andrej Babiš, qui est désormais Premier ministre, avec son programme de politique gestionnaire et de flexibilité idéologique.

Les élections municipales, régionales et européennes sont généralement des référendums populaires sur les résultats actuels du gouvernement. Cela est encore plus vrai dans le cas de l’ANO, un parti singulier qui domine de plus en plus la politique tchèque au cours des cinq dernières années.

Les résultats

D’après les chiffres globaux, l’ANO s’est assez bien débrouillé : le parti a remporté pratiquement le même nombre de sièges que lors des dernières élections, conservant ainsi son influence dans la plupart des villes où il détient toujours la majorité des sièges. Cela est particulièrement vrai dans les grandes villes (beaucoup moins dans les petites villes). Cependant, le soutien du parti a chuté dans la capitale, Prague, où il s’est retrouvé en cinquième position derrière les conservateurs, les pirates, les libéraux et un autre projet de parti ad-hoc.

En ce qui concerne leurs opposants, les conservateurs (ODS), bien que généralement plus faibles que l’ANO, ont conservé leur position dans les petites villes et se sont développés dans les grandes villes. La gauche, en revanche, est maintenant en crise. Les résultats désastreux des sociaux-démocrates (ČSSD), qui n’ont pas remporté un seul siège dans de nombreuses municipalités et ont perdu environ la moitié de leurs sièges dans le pays, sont particulièrement remarquables. Le parti autrefois le plus fort à gauche n’a donc pratiquement aucune influence sur les villes moyennes et grandes. En outre, ils manquent actuellement de cadres, ce qui pourrait affecter leur capacité future à recruter des dirigeants expérimentés pour des activités politiques au niveau national. Des résultats similaires frappent les communistes (KSČM).

D’autre part, les candidats indépendants, les partis locaux et les coalitions régionales ad hoc généralement favorisés lors des élections municipales et régionales tchèques ont remporté un franc succès. L’une des alliances les plus établies dans cette section du spectre politique, «Maires et indépendants» (STAN), a remporté environ 20% de sièges en plus par rapport à la dernière fois.

Les limites de la technocratie

Les analystes se demandent si ce résultat est un message suffisant pour le principal parti gouvernemental (ANO), compte tenu en particulier de deux échecs symboliques : leur défaite dans la capitale et le succès limité des élections au Sénat.

L’ANO a commis plusieurs erreurs à Prague : l’installation de Mme Adriana Krnáčová en tant que maire de Prague, qui n’avait qu’une expérience des organisations à but non-lucratifs, a laissé Prague avec de graves problèmes en matière de développement, de transport et d’infrastructure. C’est la raison pour laquelle l’ANO était à la recherche d’une nouvelle figure à Prague. En fin de compte, ils ont proposé à M. Petr Stuchlík, un entrepreneur inconnu venu du secteur du crédit financier, une mesure de dernière minute qui a surpris beaucoup de monde.

M. Stuchlík, un politicien débutant mais conscient des limites de l’ANO à Prague, a tenté de minimiser les résultats réels du mandat ANO de quatre ans et de se concentrer uniquement sur la périphérie, avec une grande campagne destinée aux électeurs les moins nantis. Ce ne fut pas suffisant, cependant. Les Praguois ont probablement jugé leurs représentants uniquement sur leurs résultats tangibles, ce qui constitue toujours un danger pour un parti qui renonce intentionnellement à la politique idéologique, bâtissant sa crédibilité sur le seul management technique.

Coalitions et négociations

Les résultats amènent deux questions. Premièrement, l’histoire de l’ANO est-elle une mise en garde contre les pièges d’une politique qui se veut purement pragmatique et sans attache idéologique ? Après tout, si vous définissez votre parti comme un parti de gestionnaires, vous ne pouvez pas être surpris que les électeurs vous jugent de manière dure et froide, comme cela se fait dans les affaires. Le professeur Stanislav Balík, expert tchèque de premier plan en matière de politique municipale, nous a déclaré que « le succès limité de l’ANO montre bien que le parti peut rencontrer des problèmes lorsque son chef n’est pas impliqué personnellement. Les résultats de nombreuses villes montrent que le nom de l’ANO, en tant que pouvoir de gestion, est moins efficace que le nom de son chef. »

Deuxièmement, les résultats limités de nombreux partis traditionnels sont-ils le signe d’un changement dans le système de partis ? Le professeur Lubomír Kopeček, collègue de M. Balík à l’Université Masaryk de Brno, nous a déclaré « qu’il semblerait que ce soient des partis indépendants et locaux qui aient remporté les élections. Soyons toutefois prudents : bien que leurs résultats témoignent de la position affaiblie des partis traditionnels dans la politique tchèque, l’hétérogénéité des villes ne permet tout simplement pas de former un dernier message. Chaque ville est différente, il y a des milliers de « champs de bataille » et donc des milliers de gagnants. C’est aussi la raison pour laquelle il est si facile pour les politiciens de tirer plusieurs interprétations différentes des résultats. »

Enfin, il convient de noter qu’il est généralement nécessaire de construire des coalitions dans la politique tchèque à tous les niveaux. La majorité des voix ne signifie pas nécessairement une inclusion automatique dans la coalition au pouvoir. Ainsi, bien que les résultats des élections soient connus, leur effet concret ne sera pas clair tant que la plupart des accords sur les coalitions de partis ne seront pas conclus, processus qui ne fait que commencer.

Traduit de l’anglais par le Visegrád Post.