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100 ans de l’indépendance tchécoslovaque – notre mantra national doit refléter la souveraineté

Temps de lecture : 4 minutes

Par Jiří Hanuš, professeur d’histoire à l’Université Masaryk et membre de la direction de Pravý břeh.

Tchéquie – Bien que notre petite nation ait acquis la souveraineté de son État en 1918 – le 28 octobre, ndlr -, il nous a de nouveau échappé des mains à cause des nombreux chocs historiques du 20ème siècle. En février 1948 en particulier, la Tchécoslovaquie a complètement perdu son autonomie, ou plutôt l’a gardée comme façade et est devenue un vassal soviétique derrière celle-ci. Notre État a ensuite accepté toutes les caractéristiques des plus brutales colonies d’Afrique et d’Asie, tandis que l’Union soviétique a dépassé toutes les ambitions des puissances coloniales de l’ère moderne.

Notre souveraineté a finalement été restaurée en 1989. Ce fut le fruit de la Révolution de velours, dont l’ethos humaniste fut souvent mis en avant, mais il est indéniable que pour le peuple, l’aspect de la souveraineté n’était pas moins important à cette époque. Ce n’est pas un hasard si les Tchèques mentionnent 1989 de pair avec l’année 1918, deux références essentielles au rétablissement de l’indépendance de l’État.

Milan Kundera, l’un des auteurs tchèques les plus connus, a publié un essai important le 1er août 1968. Il s’intitulait « Malý a velký » (Le petit et le grand) et traitait ironiquement d’un amour entre la petite Tchécoslovaquie et la grande Union soviétique. L’auteur a réfuté de manière convaincante la prétention absurde à l’égalité à laquelle croyait la nomenclature communiste. Il a également écrit les phrases suivantes : « Pour une petite nation, la question de l’être et du non-être est toujours ouverte. La souveraineté est leur effort, leur devoir et leur lutte éternels. Seule la nation qui désire passionnément vivre à sa façon, seule une nation aussi fière, pour qui seule une vie indépendante vaut la peine d’être vécue, mérite de vivre et d’être ; et seule une telle nation perdure. »

Si nous ignorons le phrasé de Kundera, quelque peu emprunt de pathos, comment se fait-il que, vingt-neuf ans après la Révolution de velours, ses paroles paraissent si pertinentes ? La raison en est que la Tchéquie se trouve malheureusement dans une situation similaire à celle de la Tchécoslovaquie il y a cinquante ans. Non, je ne veux pas dire que l’histoire se répète, que la Tchéquie est aujourd’hui la Tchécoslovaquie et que l’Union européenne est l’Union soviétique aujourd’hui. Parce que clairement, elles ne le sont pas. Et pourtant, il y a des similitudes qu’il faut prendre au sérieux. Nous ne devrions pas considérer l’Union européenne comme le sommet du développement social. Nous ne devons pas oublier que c’est juste un club politique et économique qui peut prendre de bonnes ou de mauvaises décisions. Comme toute institution, elle peut prospérer ou tomber. Et il est essentiel de savoir quelle est l’idéologie de ce club, qu’elle soit libéral-conservatrice ou socialiste, car elle a des implications pratiques. La situation actuelle, la centralisation obligatoire combinée avec l’agenda de gauche, n’offre pas beaucoup d’espoir pour l’avenir.

Une petite nation devrait chérir ce que Kundera a écrit ; nous devrions le répéter comme notre mantra tous les matins, midis et soirs. Nos législateurs devraient commencer et terminer chaque session du Parlement en le récitant, tant que le Parlement reste encore libre. La souveraineté est le mot clé auquel nous devons réfléchir et que nous devons concrétiser. Cela sera sans doute difficile dans un avenir proche, car nous avons renoncé à une partie de notre souveraineté – avec le traité de Lisbonne – comme cela a malheureusement été fait à plusieurs reprises au cours du siècle dernier.

C’est pourquoi il est nécessaire d’insister sur un consensus politique national, l’opposition au courant idéologique européen actuel, qui a été si bien illustrée par la récente crise des réfugiés. Cette position est extrêmement difficile à expliquer : nous ne refusons pas la solidarité, nous nous opposons à une fausse conception de la solidarité. Nous ne refusons pas la résolution de problèmes, nous sommes opposés à l’exportation des problèmes vers de nouveaux endroits. Et si nous sommes vraiment un État souverain, nous avons le droit de décider de ce qui se passera sur notre territoire.

Cependant, la conscience de l’importance de la souveraineté nationale ne peut être commandée. Les nations ne sont pas nées quand quelqu’un leur a dit de le faire, mais quand les gens ont commencé à aimer leurs pays et à travailler ou même à souffrir pour eux pour cette raison. Chaque fois que je commence à en douter, je relis la dernière lettre de Milada Horáková avant son exécution : «Tout est né dans la souffrance, tout doit être payé. Si mon destin est le fumier dont la terre a tant besoin, ce n’est pas en vain. Vous savez le mieux combien j’ai aimé ce bout du monde où se trouve mon pays. »

Je ne suis pas naïf de penser que la plupart des gens sont disposés à apprendre. Cependant, il est possible d’apprendre du passé, du moins théoriquement, mais c’est intellectuellement exigeant et cela requiert de l’attention et de l’humilité. Il n’est pas vrai que l’histoire se répète automatiquement, mais il n’est pas vrai non plus que le passé n’a aucun rapport avec le présent. La vérité est quelque part au milieu. De plus, ce n’est pas seulement la question de la vérité, mais aussi celle de la volonté de la réaliser. Alors, comment était le mantra à nouveau ? « Seule une nation aussi fière, pour qui seule une vie indépendante vaut la peine d’être vécue, mérite de vivre et d’être ; et seule une telle nation perdure. »


Traduit de l’anglais par le Visegrád Post.