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Le retour des tribunaux administratifs en Hongrie

Temps de lecture : 3 minutes

Par Tamás Leskó, juriste hongrois.

Hongrie – Le jour de l’adoption de la loi sur l’augmentation du nombre d’heures supplémentaires légales, un autre acte juridique important a été adopté par le parlement hongrois, à savoir celui sur les nouveaux tribunaux administratifs. L’acte a été voté et publié dans la Gazette hongroise1, mais il implique des opinions controversées au sein du public. Les organisateurs des manifestations récentes en Hongrie dénoncent également cette nouvelle mesure.

Les tribunaux administratifs décident généralement des litiges dans lesquels au moins une des parties est soit l’État dans son rôle d’autorité, et non un opérateur dans le domaine des affaires, lorsque l’État est également lié par des relations de droit civil, qu’il s’agisse de l’un de ses organes ou des autorités dotées de la personnalité juridique à laquelle l’État a délégué des tâches spécifiques à gérer, telles que les administrations gouvernementales, l’Administration Nationale des Impôts et des Douanes, l’Autorité Hongroise de la Concurrence, l’Autorité de Régulation Hongroise de l’Énergie et des Services Publics, l’Autorité Nationale de Média et de l’Infocommunication, etc.

Actuellement, les litiges entre les autorités de l’État et les clients (personnes physiques ou morales) sont tranchés par des tribunaux administratifs et du travail (en hongrois: Közigazgatási és Munkaügyi Bíróság), situés dans sept villes (Budapest, Debrecen, Győr, Miskolc, Pécs, Szeged, Veszprém) en Hongrie et qui est totalement intégrés au système judiciaire actuel. Ces décisions peuvent être contestées devant un tribunal de deuxième instance (le tribunal compétent dépend de l’affaire), dont la décision sera définitive et contraignante.

Les nouveaux tribunaux administratifs garderont leurs locaux actuels, en même temps la juridiction elle-même sera externalisée de la hiérarchie judiciaire existante avec une propre Cour suprême administrative (en hongrois: Közigazgatási Felsőbíróság), qui n’aura même pas son siège à Budapest, mais à Esztergom. Depuis 2018, il existe un code de procédure distinct pour les poursuites administratives. Auparavant, les mêmes règles s’appliquaient aux procédures civiles et administratives. Les critiques les plus significatives contre le nouveau système de tribunaux administratifs, qui entrera en vigueur à partir de 2020, sont que ses juges seront interviewés, nommés et supervisés par le Ministre Hongrois de la Justice, qui est actuellement M. László Trócsányi depuis 2014, ancien ambassadeur de Hongrie en Belgique (2000-2004) et en France (2010-2014) et ancien membre de la Cour constitutionnelle (2007-2010), étant également propriétaire du cabinet d’avocats Nagy & Trócsányi. (Son droit de propriété a été officiellement suspendu pendant le temps où il a occupé des postes publics.) Selon M. Trócsányi, il n’y a aucune raison de craindre des abus professionnels, car des nombreuses garanties intégrées dans la loi les empêchent. Ces garanties supposées sont, par exemple, que les entretiens de recrutement seront publics et que les exigences professionnelles seront plus élevées vis-à-vis des futurs juges administratifs que celles des juges ordinaires. Même si M. Trócsányi tient sa promesse de ne pas influencer le travail des tribunaux administratifs, il ne peut rester ministre de la Justice pour toujours, bien sûr. Cependant, la liste des candidats au Parlement européen des partis alliés au pouvoir Fidesz-KDNP commence par son nom – ce qui veut dire qu’il pourrait bien quitter sa fonction actuelle au printemps.

La juridiction administrative séparée a ses propres traditions dans le système juridique hongrois. Les juridictions administratives autonomes fonctionnaient en Hongrie à partir de 1896 (pour les questions financières à partir de 1883) jusqu’en 1949, date à laquelle, sous le communisme, leur fonctionnement cessa car elles étaient considérées comme inutiles. (À l’époque du communisme, il n’y avait aucune controverse juridique contre une autorité.)

Comme le préambule de la loi le montre, l’objectif du gouvernement en rétablissant les tribunaux administratifs est non seulement de moderniser la compétence et d’en améliorer son efficacité, mais aussi de se rapprocher un peu du système judiciaire qui existait avant le régime communiste dénoncé par un démarche politique symbolique.

1 Le journal officiel en Hongrie pour publier les règlements juridiques.