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JUST Act 447, la loi américaine qui pèse sur la relation privilégiée entre Varsovie et Washington

Temps de lecture : 3 minutes

Par Olivier Bault.

Pologne – Le parti Droit et Justice arrivé au pouvoir en Pologne à la faveur des élections de 2015 s’est toujours affiché comme plus atlantiste qu’européiste. Lors du sommet de l’OTAN de Varsovie en juillet 2016, le gouvernement de Beata Szydło est parvenu à obtenir la présence rotationnelle sur les bords de la Vistule d’une brigade blindée (environ 4500 militaires) de l’US Army et d’un bataillon (environ 1000 militaires) plurinational de l’OTAN, même si ces unités sont régulièrement déployées dans d’autres pays du flanc oriental de l’Alliance atlantique pour des exercices. Considérant que la première menace pour la Pologne vient de la Russie et de ses importants moyens militaires déployés près des frontières orientales de la Pologne et des pays baltes ainsi que dans l’enclave de Kaliningrad, les gouvernements de Beata Szydło et de Mateusz Morawiecki ont en outre signé plusieurs gros contrats d’armement avec l’industrie de la défense américaine. Fin mai, le ministre de la Défense polonais, Mariusz Błaszczak, annonçait encore que des discussions avaient été entamées avec Washington pour l’achat de 32 avions F-35 de 5e  génération. Dans le domaine énergétique, Varsovie a en outre signé depuis 2015 plusieurs contrats de longue durée pour la livraison de gaz naturel liquéfié américain à son terminal de Świnoujście, en remplacement du gaz russe. En visite aux États-Unis, le président polonais Andrzej Duda rencontrait son homologue américain Donald Trump le 12 juin. Lors de leur conférence de presse commune, les présidents américain et polonais ont confirmé la pérennisation et le renforcement de la présence militaire américaine en Pologne de mille hommes supplémentaires.

Mais il est une ombre au tableau de cette relation en apparence idyllique entre l’Amérique de Donald Trump et la Pologne de Jarosław Kaczyński : la question juive. Depuis le conflit judéo-israélo-polonais suscité par l’amendement à la loi mémorielle polonaise qui a fait tant de bruit l’année dernière, les tensions restent récurrentes entre la Pologne, d’une part, et Israël et les organisations juives américaines d’autre part. Malgré le retrait par la Pologne, sous la pression américaine, de cet amendement qui plaçait sous le coup de l’interdiction des thèses révisionnistes le fait de réduire les responsabilités allemandes dans la Shoah en affirmant que la nation polonaise ou l’État polonais aurait eu une part de responsabilité dans le génocide des juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale, et malgré la déclaration commune des Premiers ministres polonais et israélien, ces tensions sont régulièrement alimentées par les déclarations du type de celle du ministre israélien des Affaires étrangères selon qui les Polonais téteraient l’antisémitisme avec le lait de leur mère.

Depuis le conflit sur la loi mémorielle, certains commentateurs en Pologne estiment que le véritable motif derrière le conflit historique, c’est la volonté judéo-israélienne de discréditer la Pologne sur la scène internationale afin de la forcer à payer des compensations comme cela a été fait pour la Suisse dans les années 1990. Une suggestion que l’ambassadrice d’Israël en Pologne qualifie systématiquement d’antisémite. Les organisations juives américaines semblent pourtant bien chercher à obtenir de la Pologne que leur soient versées des sommes importantes en compensation des anciens biens juifs restés sans héritiers du fait de la Shoah qui a conduit à l’extermination d’environ 3 millions de juifs sur les quelque 3,3 millions de citoyens israélites que comptait la Pologne d’avant-guerre. Grâce à l’influence du lobby juif au Congrès américain, le 9 mai 2018 le président Donald Trump signait la loi Justice for Uncompensated Survivors Today Act, ou JUST Act 447. Cette loi impose au Département d’État américain l’obligation de présenter au Sénat un rapport sur la restitution des biens des victimes de la Shoah, et elle contient une clause sur la restitution des biens sans héritiers pour financer l’aide aux survivants. Si l’ambassadrice américaine en Pologne jure ses grands dieux qu’il n’est pas question pour Washington d’exercer des pressions sur Varsovie pour l’obliger à céder aux demandes des organisations juives américaines, beaucoup en Pologne craignent que la trop grande dépendance dans laquelle le PiS est en train de placer le pays vis-à-vis des États-Unis ne l’oblige un jour à céder au chantage de ces organisations comme avait cédé la Suisse, ce qui reviendrait en outre à donner raison à cette narration historique judéo-israélienne qui rend la Pologne coresponsable de la Shoah. Ceci malgré ses quelque trois millions de victimes non juives de la Deuxième Guerre mondiale (dont plus de deux millions tués par les Allemands et près d’un million par les Soviétiques) en plus de ses trois millions de victimes juives, soit environ 6 millions de morts pour 35 millions d’habitants, sans parler des destructions matérielles énormes avec certaines villes, comme la capitale Varsovie, qui furent presque entièrement détruites.

 

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