Hongrie – Non, Viktor Orbán n’a pas instauré la dictature en Hongrie, et par ailleurs il gère remarquablement la crise.
Les menteurs professionnels
Même une pandémie et un risque de crise économique majeure n’empêchent pas les menteurs professionnels occidentaux de vilipender Viktor Orbán et la Hongrie. On apprend à leur lecture que le Premier ministre hongrois se serait arrogé les « pleins pouvoirs », voire se rapprocherait de la « dictature ». Rien que cela.
Alors que l’Occident se dévoile à la face du monde comme étant un navire en perdition incapable de prévoir, d’agir, de protéger ses populations, ou même de fabriquer rapidement des masques consistant en un bout de tissu et deux élastiques, il faut bien que les sycophantes et les thuriféraires du libéralisme occidental se rassurent comme ils peuvent. Ils s’offrent une cible facile en mentant sur la Hongrie.
Les centaines de Français Gilets Jaunes éborgnés et mutilés par la police aux ordres de Macron ? Le maintien criminel (déjà plusieurs morts parmi ceux qui ont tenu les bureaux de vote !) des élections municipales françaises en pleine pandémie ? Le tri tragique des patients à l’hôpital en fonction de leur âge en raison de l’insuffisance de lits ou de respirateurs ? Tout cela est sans importance, ce qui menace l’Europe c’est Viktor Orbán !
Pleins pouvoirs ? De quoi parle-t-on ?
Les dirigeants hongrois ont activé l’article 53 de la Constitution (vous pouvez la lire en français ici) :
État de danger
Article 53
(1) En cas de calamités ou de catastrophes industrielles mettant en danger la sécurité de la vie humaine et des biens, et afin d’éliminer les conséquences de celles-ci, le Gouvernement déclare l’état de danger et il peut prendre les mesures spéciales définies par loi organique.
(2) En cas d’état de danger, le Gouvernement peut prendre des arrêtés par lesquels, selon les dispositions prévues par loi organique, il peut suspendre l’application de certaines lois, déroger aux dispositions légales et prendre d’autres mesures spéciales.
(3) L’arrêté du Gouvernement défini à l’alinéa (2) reste en vigueur pendant quinze jours, sauf s’il est prorogé par le Gouvernement sur autorisation de l’Assemblée nationale.
(4) L’arrêté du Gouvernement prend fin à l’expiration de l’état de danger.
En comparaison, l’article 16 de la Constitution française instaurant les pouvoirs exceptionnels est beaucoup plus étendu que l’article 53 de la Constitution hongroise relatif à l’état de danger.
Pour cela, les parlementaires ont voté une première fois l’état de danger le 11 mars 2020 pour une durée de 15 jours, puis, conformément aux dispositions de la Constitution, ont voté une seconde fois pour le proroger indéfiniment (en réalité, jusqu’à la cessation de l’état de danger, par un vote simple du Parlement).
Ce second vote a été accompagné d’une péripétie et d’un coup politique de maître dont seul Orbán a le secret. En effet, le 23 mars 2020, à l’approche du terme des 15 jours de l’état de danger, Orbán a sollicité une modification de l’agenda parlementaire pour avancer le vote de la prorogation immédiate de l’état de danger au Parlement, ce qui nécessitait une procédure exceptionnelle recueillant l’approbation des 4/5 des parlementaires. Or la coalition gouvernementale ne dispose « que » des 2/3 du Parlement, et avait donc besoin du soutien des parlementaires d’opposition. Ces derniers (en dehors des parlementaires du parti nationaliste Mi Hazánk) ont refusé, au prétexte que la loi de prorogation de l’état de danger ne contenait pas de limite dans le temps.
Par conséquent, ce n’est que le 30 mars que l’état de danger a été prorogé. D’un point de vue juridique, les dispositions ont donc cessé durant quelques jours, sans que cela n’empêche toutefois réellement leur application. Mais le coup était suffisant pour accuser l’opposition d’entraver la politique de défense des Hongrois entreprise par le gouvernement.
L’état de danger autorise le gouvernement à gouverner par ordonnances dans les domaines qui concernent l’état de danger, et uniquement dans ces domaines.
Pour faire très simple : en raison du caractère urgent des mesures à prendre du fait de la pandémie, plutôt que de perdre du temps dans des procédures parlementaires et de réunir de façon dangereuse des centaines de personnes (parlementaires, attachés, fonctionnaires), le gouvernement hongrois pourra prendre des mesures rapides par ordonnance dans les domaines d’action contre le coronavirus.
Un des domaines controversés des dispositions prises en raison de l’état de danger concerne la diffusion de fausses informations (fake news). L’opposition et les journalistes occidentaux y voient là une volonté de museler la liberté de parole. Argument d’autant plus risible que la liberté de parole est beaucoup plus importante en Hongrie que dans nombreux pays occidentaux. Dans les faits, ces dispositions ont surtout permis d’arrêter un individu qui avait répandu la fausse information (ultérieurement reprise par de nombreux médias) selon laquelle la ville de Budapest serait mise en quarantaine spéciale. De telles fausses informations sont précisément susceptibles de susciter des mouvements de paniques (souvenons-nous de la fuite précipitée des Italiens du nord vers le sud du pays), propices à la diffusion du virus.
Pour rappel, Viktor Orbán dispose d’une majorité absolue (et même constitutionnelle des 2/3) au Parlement hongrois. Par conséquent, il ne disposait déjà d’aucune entrave parlementaire à tout projet législatif qu’il aurait voulu voir entrer en vigueur. Cela se passe ainsi car les électeurs hongrois l’ont voulu (en 2018, le parti d’Orbán a obtenu 49% des suffrages, tandis que le premier parti d’opposition culminait à 19%).
Tandis que l’opposition se ridiculise en criant à la mise en place de la dictature, la mairie du XIe arrondissement de Budapest, dirigée par l’opposition, en a profité pour établir des entreprises dans les domaines des médias et du parking sans réunir le conseil municipal d’arrondissement. Faut-il parler de dictature dans le XIe arrondissement ?
Que l’on apprécie ou non la personnalité et l’action gouvernementale de M. Orbán, ce dernier (pourtant affaibli par les élections municipales d’octobre 2019) vient encore de donner une magistrale leçon de politique à son opposition. Même l’un de ses principaux anciens opposants, Gábor Vona, ancien président du Jobbik et aujourd’hui retiré de la politique électorale, a expliqué que selon lui l’opposition s’est trompée. Il prédit que Viktor Orbán n’abusera pas de cette disposition, y mettra un terme le moment venu, et apparaîtra alors comme le gardien de la démocratie et le seul héros de la lutte contre le coronavirus. En clair, l’opposition vient de perdre des points en vue des législatives de 2022.
Quant à Orbán, il a taclé ses adversaires en leur rappelant que cela fait une décennie qu’ils parlent de l’instauration d’une dictature. En le faisant de nouveau aujourd’hui avec la question de l’état de danger, les opposants admettent par conséquent que jusqu’à présent la Hongrie était une démocratie. Et lors du vote sur la prorogation de l’état de danger, il a conclu son intervention en disant à son opposition qu’elle aura l’opportunité de s’excuser lorsque le gouvernement mettra un terme de sa propre initiative aux pouvoirs étendus spécifiques à l’état de danger.
Orbán a bien géré la crise
Et le coronavirus dans tout cela ? Dans les semaines qui ont précédé la crise, M. Orbán ne paradait pas au théâtre et son épouse ne se promenait pas le long du Danube. Non, M. Orbán, en homme d’État responsable, informait la population du pays dont il a la charge du danger de la situation, du caractère long et difficile des temps à venir, et prenait étape par étape les mesures nécessaires.
En informant sérieusement les Hongrois, en ne décidant pas de disposition brutale qui prendrait par surprise la population, Viktor Orbán a grandement limité la propagation du virus. Il a même réussi l’exploit d’éviter les scènes de chaos où des masses surprises et paniquées se sont retrouvées soudainement agglutinées dans des gares ou des supermarchés, ce qui doit être évité à tout prix pour ne pas propager à toute vitesse un virus extrêmement contagieux. Ceci, ni les gouvernements italien ou français n’y sont parvenu.
Cela est notamment possible car une grande majorité de Hongrois, y compris parmi ceux qui ne votent pas pour Orbán, savent qu’en temps de crise la parole du Premier ministre peut être crue. Et en période de crise, quoi de plus important que l’action précautionneuse d’un gouvernement et la confiance du peuple dans la parole publique ?