Sur fond de crise politique entre le gouvernement conservateur et son opposition libérale, la Pologne pourrait bien se retrouver sans Défenseur des droits.
Pologne – Le 18 février, le Sénat polonais rejetait la candidature du professeur Piotr Wawrzyk au poste de Défenseur des droits. Et pour cause ! La coalition Droite unie conduite par le PiS ne détient que 48 des 100 sièges que compte la chambre haute. Or Piotr Wawrzyk était depuis 2018 secrétaire d’État au ministère des Affaires Étrangères dans le gouvernement de Mateusz Morawiecki. S’il avait très longtemps été membre du parti agraire PSL, il s’est fait élire en octobre 2019 à la Diète sur les listes du PiS. Le 21 janvier, lors du vote sur sa candidature à la Diète, il n’avait donc obtenu que les voix de la coalition Droite unie. Résultat : Adam Bodnar continue d’exercer ses fonctions de Défenseur des droits alors que son mandat s’éteignait normalement en septembre 2020.
« Nous croyions sincèrement que le professeur Wawrzyk serait nommé », a affirmé le lendemain du vote au Sénat le porte-parole du PiS, Radosław Fogiel, qui en a profité pour fustiger l’irresponsabilité de l’opposition et qui n’a pas souhaité commenter la remarque du vice-président du Sénat, Stanisław Karczewski (PiS), selon qui Adam Bodnar ne serait de fait plus Défenseur des droits puisque, selon la Constitution, il est nommé pour cinq ans. Un autre sénateur du PiS, Marek Pęk, a de son côté affirmé, face aux reproches de l’opposition concernant le fait que Piotr Wawrzyk est lié au PiS et au gouvernement Morawiecki, alors que le Défenseur des droits devrait être une personnalité indépendante du gouvernement et de la majorité parlementaire :
« Adam Bodnar, malgré son apparence apolitique, était en fait un sénateur supplémentaire de la Plateforme civique (PO) quand il venait au Sénat. Il s’est impliqué d’une manière extrêmement intensive et cohérente du côté d’un camp politique. »
Et il est vrai que le Défenseur des droits Adam Bodnar, dont les déclarations étaient souvent citées par les institutions de l’UE et les médias accusant les gouvernements du PiS d’atteintes à la démocratie et à l’état de droit, était un acteur très engagé politiquement et idéologiquement. Exemple : s’il n’a jamais attaqué la Déclaration LGBT+ du maire PO de Varsovie malgré certaines contradictions apparentes entre cette charte LGBT et la constitution polonaise (notamment en ce qui concerne le droit des parents d’élever leurs enfants conformément à leurs convictions), il a systématiquement attaqué les déclarations adoptées par d’autres collectivités locales, en réaction à la déclaration varsovienne, pour réaffirmer le refus de l’idéologie LGBT et le respect de la liberté d’expression et d’éducation.
L’ONG Ordo Iuris, qui regroupe des avocats et juristes conservateurs engagés dans la défense de la vie et de la famille, reproche à Adam Bodnar d’avoir voulu réinterpréter les droits de l’Homme plutôt que de défendre les libertés et droits garantis par la constitution polonaise conformément aux exigences de sa fonction. Outre l’exemple donné ci-dessus, le Défenseur des droits s’est ainsi prononcé en faveur de l’inscription à l’état civil polonais des actes de naissance étrangers portant mention de deux parents biologiques du même sexe. Bodnar a en outre demandé au législateur d’adopter une loi permettant le changement de sexe à l’état civil et de légiférer pour que l’État reconnaisse les unions civiles avec deux partenaires du même sexe alors que la constitution polonaise ne prévoit que la protection de l’institution du mariage en tant qu’union d’un homme et d’une femme.
Dans un pays où l’avortement est fortement limité par les garanties constitutionnelles en faveur du droit à la vie, ce qui a été confirmé à plusieurs reprises par le Tribunal constitutionnel (et pas uniquement avec le jugement récent concernant l’avortement en cas de handicap de l’enfant en gestation),
le Défenseur des droits préfère parler de « droits reproductifs et sexuels » qui ne veulent rien dire à la lumière du droit polonais mais qui désignent le droit à l’avortement dans le langage des institutions internationales. Adam Bodnar a en revanche toujours refusé d’intervenir quand les sentiments religieux des Polonais, en théorie protégés par la loi, étaient tournés en dérision et bafoués et à chaque fois que le blasphème et la profanation des symboles de la foi catholique dans l’espace public sont devenus un mode d’expression politique ou artistique.
C’est pourquoi Ordo Iuris propose que le prochain Défenseur des droits donne la priorité à la défense des droits des familles, du droit à la vie dès la conception, de la liberté de conscience et des libertés religieuses ainsi que de la liberté d’expression. Autant de domaines négligés par Adam Bodnar qui était vice-président de la Fondation Helsinki des Droits de l’Homme – une de ces nombreuses organisations bénéficiant de financements de l’OSF de George Soros – avant d’être nommé Défenseur des droits par une majorité parlementaire conduite par les libéraux de la Plateforme civique à un mois de la défaite électorale annoncée par les sondages.
Dans ces conditions, il est difficile de comprendre l’attitude du PiS. Avant la tentative ratée pour nommer un membre du gouvernement Morawiecki au poste de Défenseur des droits, le PiS s’était abstenu, dans une première procédure, de présenter un candidat, se contentant de voter contre la candidature de la juriste Zuzanna Rudzińska-Bluszcz proposée par l’opposition et soutenue par de nombreuses ONG avec le cœur à gauche. Rudzińska-Bluszcz travaille en effet déjà sous la direction d’Adam Bodnar et participe de la même vision du monde.
Sans doute y aurait-il moyen de trouver au sein de l’opposition, en particulier dans les rangs du PSL et parmi les indépendants, les trois sénateurs manquants pour approuver le choix de la Diète. À condition cependant que ce choix porte sur un Défenseur des droits qui soit perçu comme conservateur, certes, mais indépendant du pouvoir.
En attendant de commencer des discussions sérieuses avec l’opposition, des députés du PiS ont saisi le Tribunal constitutionnel pour savoir si Adam Bodnar pouvait continuer à exercer ses fonctions au-delà de son mandat. Le Tribunal constitutionnel devrait se pencher sur la question en mars, et la Pologne pourrait alors se retrouver sans Défenseur des droits.