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La télévision publique allemande, entre rêve immigrationniste et réalité de l’immigration

Le Magyar Nemzet est le principal quotidien imprimé de Hongrie. Fondé en 1938, le Magyar Nemzet (Nation hongroise) est un journal de référence pour les conservateurs et est sur une ligne proche du gouvernement de Viktor Orbán.

Temps de lecture : 4 minutes

Article paru dans le Magyar Nemzet le 4 avril 2021.

Dans les colonnes de Magyar Nemzet, nous parlons souvent de la réalité parallèle créée par la télévision publique allemande – du point de vue de divers problèmes politiques, une image distordue de la réalité que des millions de téléspectateurs se voient imposer. Le dernier exemple mémorable de cette série était le reportage biaisé tourné par la Deutsche Welle dans le Quartier du Château de Buda. Mais c’est à propos de leur propre pays que les téléspectateurs allemands reçoivent la plus forte dose de distorsion. Sur la chaîne ZDF, cette semaine, cette entreprise d’abrutissement des masses a pris de telles proportions que même l’émission criminologique de cette même télévision lui apporte un démenti.

Mais reprenons les choses dans l’ordre ! C’est la télévision publique qui fournit ses plus grosses commandes à l’industrie allemande du film policier, très productive jusqu’à nos jours, et loin de se limiter à la mise en circulation de la série Sur les lieux du crime (« Tatort »). Certaines de ces séries sont souvent conçues comme des fables éducatives d’utilité publique. Par exemple pour amener le citoyen allemand à éprouver de l’empathie à l’égard du pauvre demandeur d’asile repoussé par tous, et que des autorités sans cœur voudraient à présent renvoyer chez lui, mais sans pour autant céder au vertige au point de fournir une nouvelle victime aux arnaqueurs qui – s’attaquant aux points faibles d’une société souffrant de solitude – leur font miroiter soit des petits-enfants, soit des mariages. Le célèbre auteur de scénarios policiers Lars Becker vient justement de réussir un exploit de démagogie dans le dernier épisode de la série Nachtschicht (« Équipe de nuit »), dont les épisodes sont censés avoir lieu à Hambourg ; cette série, suivie par 6,29 millions de téléspectateurs allemands, a d’ailleurs valu à ZDF de dominer les heures de grande écoute du lundi soir.

Pas de film policier sans un groupe de gentils et un groupe de méchants. Deux des gentils – Tülay Yildirim et Lulu Koulibaly – sont d’ailleurs des femmes, qui, de concert avec – accrochez-vous bien ! – Ömer Kaplan composent l’effectif d’enquêteurs (tous des immigrés de deuxième génération) d’une patrouille de police à Hambourg. Les méchants sont les dirigeants de la section locale d’un parti présenté comme étant d’extrême-droite – et dont la ressemblance avec le parti AfD (Alternative pour l’Allemagne) est plus que frappante –, ou encore un groupe néo-nazi auquel ce parti sert de couverture : des amateurs d’exercices de tir illégaux, porteurs de tatouages « 88 » (signifiant « Heil Hitler! » dans les codes néo-nazis). Ces méchants voient d’un mauvais œil que la police allemande confie leur dossier à des étrangers nommés Ömer, Tülay et Lulu – une réaction d’une extrême incorrection politique. La victime est un néo-nazi obèse et agressif prénommé Dexter (soit « de droite » en latin), abattu – prétendument en légitime défense – par un immigré du nom de Mübariz Pettekaya, qui est au demeurant le gérant très travailleur d’un établissement de restauration rapide. L’affaire est compliquée – Becker, quand il veut, sait s’y prendre ; ce sont, simplement, les personnages qu’il rend schématiques. Et il sait bien pourquoi il le fait : le message – incontournable dans toute fable éducative – est le suivant : l’opposition à l’immigration est une forme de racisme, les immigrés mènent la même vie, ont le même comportement et les mêmes sentiments que les Allemands de souche, dont ils ne se distinguent que par la couleur de leur peau et la consonnance exotique de leur nom. Et quand on est raciste, on fait de facto front commun avec les néo-nazis. Dans cette vision du monde, la création de sociétés parallèles reste parfaitement invisible, de même que la captation des aides sociales, les zones de non-droit, les attentats islamistes, les imams qui poussent au crime, les burqas et les attaques antisémites commises au grand jour.

Or c’est une tout autre image des migrants qu’on voit se déployer dans l’émission de cette même chaîne ZDF consacrée à la criminalité, et intitulée « Dossiers non-résolus » (Aktenzeichen X Y… ungelöst). Car cette émission mensuelle n’est, quant à elle, pas une fable éducative : elle incite la population allemande à contribuer à l’éclaircissement par la police d’affaires criminelles réelles. Ici, les immigrés ne sont pas des gardiens de l’ordre, mais guerroient bien plus souvent dans le camp des voleurs. Les vols à main armée et les tromperies sont innombrables, et leurs victimes sont typiquement issues de la classe moyenne allemande – souvent de vieilles personnes dont la capacité à se défendre est limitée. En requérant l’aide de la population, la police est bien obligée d’établir des profils : dans la description des suspects, on trouve des expressions récurrentes, comme « parlant allemand avec un accent étranger », ou encore « d’aspect méridional ».

Quant aux statistiques de la criminalité, elles administrent une douche froide. Alors que la proportion des étrangers dans la population générale tourne autour de 12% en Allemagne, parmi les délinquants, cette proportion est de près d’un tiers, voire de 40% dans le cas des actes de violence. Près de la moitié des occupants des prisons bavaroises sont des non-Allemands, et ces chiffres ne tiennent pas compte des immigrés qui ont déjà obtenu la citoyenneté allemande. Ces problèmes d’intégration se manifestent aussi dans le monde du travail, qui constitue la base de l’économie et de la société allemandes. Le taux de chômage des personnes issues de l’immigration est de deux fois et demie supérieur à la moyenne nationale.

De ce fait, beaucoup d’allemands se montrent réceptifs à l’égard de discours s’écartant de la correction politique. Des millions de lecteurs se sont arraché le livre publié par le sénateur berlinois (et ministre des Finances du Land de Berlin) Thilo Sarrazin sous le titre L’Allemagne disparaît (Deutschland schafft sich ab), qui contient une critique acerbe de l’immigration. Ce dernier formule, notamment, à l’encontre des immigrés une exigence de respect des lois allemandes et du mode de vie des Allemands. L’année dernière, au terme d’un chemin de croix, Sarrazin a été exclu du Parti Social-Démocrate. L’élite allemande – ZDF comprise – veille avec un zèle maladif à maintenir tout discours anti-immigration au-delà d’un « cordon sanitaire » l’excluant du débat public, comme chasse gardée de l’extrême-droite. Mais aux dernières élections au Bundestag, plus de cinq millions de citoyens allemands ont voté pour l’AfD. Et pourtant, le nombre des néo-nazis à tatouages « Heil Hitler! » est inférieur d’au moins un ordre de grandeur à ce chiffre – tandis qu’on compte bien plus d’Ömer du côté des méchants que dans le camp d’en face.

Pour l’instant, la pandémie refoule la question migratoire au second plan – mais il n’y aura pas toujours une pandémie.

 

László Szőcs

Traduit du hongrois par le Visegrád Post