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Leur seul crime était d’être nés hongrois

Le Magyar Nemzet est le principal quotidien imprimé de Hongrie. Fondé en 1938, le Magyar Nemzet (Nation hongroise) est un journal de référence pour les conservateurs et est sur une ligne proche du gouvernement de Viktor Orbán.

Temps de lecture : 3 minutes

Article paru dans le Magyar Nemzet le 12 avril 2021.

La Hongrie se souvient des déportés de Haute-Hongrie (actuelle Slovaquie)

Depuis un vote unanime du Parlement hongrois en 2012, le 12 avril est le jour de la commémoration des hongrois déportés de Haute-Hongrie (actuelle Slovaquie). Or, les décrets Beneš, qui ont fourni à l’État (à l’époque) tchécoslovaque la base juridique nécessaire en vue de perpétrer cette épuration ethnique, en dépit de l’adhésion des États successeurs à l’Union européenne, font toujours partie des législations tchèque et slovaque.

C’est aujourd’hui que la Hongrie commémore les plus de cent mille hongrois de Haute-Hongrie qui, il y a 74 ans, en vertu des décrets Beneš, ont été dépouillés de leur citoyenneté, de leurs terroirs et de leurs biens, et forcés à abandonner les terres où ils étaient nés. Suite à la reconstitution de la Tchécoslovaquie au terme de la Seconde Guerre mondiale, le programme de gouvernement de Košice du 5 avril 1945 a rendu les citoyens d’ethnie hongroise et allemande collectivement responsables du « démembrement du pays ». Parmi les décrets adoptés entre mai et octobre par le président Edvard Beneš, élevés en 1946 au rang de loi, 33 avaient pour effet direct ou indirect de restreindre les droits des citoyens appartenant à ces deux ethnies. Sous le signe de ces décrets, la Tchécoslovaquie a d’abord expulsé 36 000 de ses citoyens qui, avant 1938, avaient disposé de la citoyenneté hongroise, interné les hongrois de Bratislava, de Košice et de Komarno, et confisqué leurs domiciles. Dans le cadre de l’accord d’échange de populations conclu avec une Hongrie sous occupation militaire soviétique, les autorités tchécoslovaques pouvaient déporter vers la Hongrie autant d’ethniques hongrois qu’elles voyaient arriver d’ethniques slovaques quittant volontairement la Hongrie. Cependant, en dépit des attentes du gouvernement de Prague – qui menait auprès des ethniques slovaques de Hongrie une campagne systématique d’incitation à l’immigration – les volontaires n’ont finalement été que 59 774 en tout, pendant que 76 616 hongrois étaient déportés de Slovaquie en Hongrie.

C’est le 12 avril 1947 qu’est parti le premier train convoyant des hongrois déportés – le dernier partant le 5 juin 1949 ; entre ces deux dates, les transports vers la Hongrie de familles désignées pour l’expulsion, chargées sur les trains avec leurs biens meubles, ont été presque quotidiens. Entre temps, on avait aussi lancé le programme de la « reslovaquisation », appelé à « donner aux slovaques magyarisés tout au long des siècles la possibilité de regagner le sein de leur nation-mère » ; en pratique, il donnait aux hongrois de Haute-Hongrie la possibilité d’échapper à la confiscation de leurs biens et à la déportation, en retrouvant un statut de citoyen. Sur les 423 000 hongrois qui, dans le cadre de ce programme, intimidés et menacés, ont soumis une demande, les autorités ont reconnu à 327 000 le statut de slovaques.

Lors de la conférence de paix de Paris, la Tchécoslovaquie, jouissant du plein soutien de l’Union soviétique, aurait même encore voulu obtenir de pouvoir déporter unilatéralement les quelques deux cent mille hongrois encore présents sur son territoire après la reslovaquisation et l’échange de populations, mais cette proposition se heurta à un véto américain. Pendant quelques temps, plusieurs milliers de hongrois sont restés internés dans des camps de travail slovaques – les historiens tchèques chiffrent leur nombre entre 30 000 et 40 000, tandis que les ligues d’allemands des Sudètes parlent d’un quart de million.

La prise de pouvoir communiste de février 1948 a été suivie d’une certaine détente. En vertu de la loi du 25 octobre 1948, la citoyenneté a été restituée aux ethniques hongrois qui acceptaient de prêter un serment de fidélité à l’État ; cependant, les déclarations de reslovaquisation obtenues sous la contrainte n’ont pas été annulées avant 1954.

Après la chute du communisme, l’annulation des décrets Beneš et la restitution des biens confisqués ne se sont pas retrouvées à l’ordre du jour de la Tchécoslovaquie, ni à celui des États tchèque et slovaque séparés à partir de 1993. Par décision du 20 septembre 2007, le Parlement slovaque a même établi que « les droits de propriété et autres découlant des décrets ne peuvent être remis en question, et ne sont susceptibles ni d’abrogation, ni de modification ».

Par un texte adopté le 3 décembre 2012, le Parlement hongrois a déclaré juger nécessaire une digne commémoration du sort des hongrois expulsés de Tchécoslovaquie et déportés en Hongrie en vertu des décrets Beneš.

Traduit du hongrois par le Visegrád Post