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Katalin Novák: c’est une force de droite redoutable qu’on voit poindre à l’horizon

Le Magyar Nemzet est le principal quotidien imprimé de Hongrie. Fondé en 1938, le Magyar Nemzet (Nation hongroise) est un journal de référence pour les conservateurs et est sur une ligne proche du gouvernement de Viktor Orbán.

Temps de lecture : 8 minutes

Article paru dans le Magyar Nemzet le 17 avril 2021.

Pour l’instant, c’est le FIDESZ qui jouit de la plus large marge de manœuvre, et d’une indépendance qui est synonyme de liberté.

« Tandis que bien des partis voudraient coopérer avec le FIDESZ, quant à nous, nous ne demandons qu’à faire alliance avec des groupes politiques prêts à s’engager pour les valeurs de la droite traditionnelle » – nous confie Katalin Novák. La ministre des Familles, qui est aussi la vice-présidente du FIDESZ responsable des relations internationales, considère que l’UE doit être réformée de l’intérieur. Elle se déclare indignée du licenciement de Zsolt Petry, mais affirme aussi qu’elle considère toujours l’Allemagne comme un état de droit.

– Lors d’une séance d’information gouvernementale télévisée, il y a deux semaines, Gergely Gulyás a déclaré que le FIDESZ a l’embarras du choix, car toutes les familles politiques de droite aimeraient l’avoir dans leurs rangs. Finalement, dans laquelle allez-vous entrer ?

– Pour l’instant, c’est notre parti qui jouit de la plus large marge de manœuvre, et d’une indépendance qui est synonyme de liberté. Effectivement, nombreux sont les partis qui manifestent une intention de collaborer avec le FIDESZ à l’avenir. Même à titre personnel, je reçois beaucoup de réactions de nos amis du PPE, qui affirment déplorer que nous ne fassions plus partie de la même famille de partis, mais se montrent confiants dans l’idée que nos bonnes relations se poursuivront à l’avenir.

– À votre avis, d’autres partis risquent-ils éventuellement de rompre avec le PPE, suivant l’exemple du FIDESZ ?

– Cela fait longtemps que le PPE n’est plus unitaire. Son glissement vers la gauche déplaît à beaucoup de monde ; certains de ses partis ne se sont pas convertis à la gauche, et le fait que le FIDESZ, en sa qualité de parti le plus fort du groupe, en soit sorti ne rend pas leur vie plus facile. Leurs électeurs ont du mal à comprendre pourquoi il ne militent pas dans la même alliance que ce Viktor Orbán qui maintient les migrants à distance de son pays, prend position pour les valeurs de la démocratie chrétienne traditionnelle, et, même dans le domaine des acquisitions de vaccins, obtient de meilleurs résultats que d’autres. Il me semble qu’il y a de fortes chances pour qu’à l’avenir d’autres partis finissent par officialiser leur rupture avec le PPE. Ce qui est certain, en tout cas, c’est qu’il y a, dans la famille que nous venons de quitter, de nombreux partis qui souhaiteraient continuer à collaborer avec nous.

– Au terme de la rencontre Orbán–Morawiecki–Salvini, les participants ont souligné qu’il convenait de réorganiser la droite européenne. Comment sera cette nouvelle droite ?

– Ce sera une droite qui dit oui à la liberté, à la dignité humaine, à la famille, à la nation et à la chrétienté. Qui dira, en revanche, fermement non à l’immigration, à la logique impériale, au communisme, à l’antisémitisme et à la censure. Cette nouvelle droite ne parlera pas par énigmes, ne s’exprimera pas dans la langue de bois de Bruxelles, et s’attaquera à des problèmes qui intéressent vraiment les gens. Elle cherchera à répondre à la question de savoir comment l’Europe pourrait redevenir compétitive tout en conservant sa richesse culturelle et ses racines.

– En rapport avec cette rencontre magyaro-italo-polonaise, on a pu lire dans la presse que Matteo Salvini voudrait répartir les migrants qui ont déjà atteint le sol italien. Cela ne risque-t-il pas de poser un problème ?

– Dès le tout premier moment, nos adversaires politiques se sont efforcés de diviser les participants. Ils appliquent aussi cette technique du saucissonnage au V4, comme ils l’avaient appliquée au PPE. Cette fois aussi, ils ont tout de suite cherché à enfoncer un coin entre nous, en affirmant que le PiS polonais et la Lega italienne ont un rapport différent à la Russie. Commentant la rencontre dans les médias polonais, Donald Tusk a, sans attendre, joué la carte « Vladimir Poutine ». Ne serait-ce que de par son histoire et sa politique de sécurité, la Pologne se trouve de ce point de vue dans une situation différente de la nôtre, ou de celle des Italiens. Nous avons pour cela le plus grand respect, et prenons garde à ne pas attenter aux intérêts les uns des autres. Tel est aussi le cas s’agissant de cette situation que vous évoquez, en rapport avec l’immigration. Il serait fort surprenant qu’on accuse Matteo Salvini d’être favorable à l’immigration, lui qui, depuis des années, est traîné de tribunal en tribunal pour avoir osé, en tant que ministre de l’Intérieur, arrêter les bateaux à migrants. Il est cependant exact que l’Italie, du fait de sa position géographique, ne peut pas avoir exactement le même point de vue sur la question que nous, ou que les Polonais. Mais nous sommes tous unis par une même conviction : l’avenir appartiendra à ceux qui soutiendront les familles.

– Ensemble, le FIDESZ, le PiS et la Lega disposent de 67 sièges au Parlement européen (PE) – ce qui semble assez peu. A quoi un tel effectif pourrait-il suffire ?

– J’ai de bonnes raisons de ne pas vouloir me lancer dans la mystique des chiffres. Nous connaissons, bien naturellement, les rapports de force au sein du PE. La seule situation dans laquelle ces chiffres prennent de l’importance, c’est quand il faut voter. Nos eurodéputés voient un gage de liberté dans le fait qu’à l’avenir, face à des décisions capitales, ils ne seront pas contraints de voter en fonction des exigences de la discipline de groupe parlementaire. Or compte tenu du nombre d’eurodéputés dont le système de valeurs est semblable au nôtre, on se rend compte que c’est une force de droite redoutable qu’on voit poindre à l’horizon.

– Matteo Salvini a confié à la revue hongroise Mandiner que « si le Parti Populaire Européen (PPE), les Conservateurs et Réformateurs Européens (CRE), Identité et Démocratie (ID) et d’autres groupes unissaient leurs forces, nous serions en majorité. » Cela veut-il dire que, finalement, vous prenez tout de même le PPE en compte ?

– Il existe aussi beaucoup de spéculations sur l’éventualité d’une union entre CRE et ID. Quant au rôle éventuel du PPE, il est pour l’instant difficile à prédire. On ignore, par exemple, ce que vont produire les élections en Allemagne, où, pour l’instant, la situation semble très peu claire : si la CDU/CSU ne se ressaisit pas, il est à craindre que la prochaine coalition de gouvernement ne soit constituée sans elle. On peut alors se demander s’il y aura quelqu’un pour tirer de la perte de popularité des partis de centre-droit les conclusions qui s’imposent, à savoir que la recherche d’alliés à gauche ne paie pas, dans la mesure où elle implique qu’on renonce à ses principes, à ses valeurs, en fonction des exigences de ce genre de partenaires. C’est ce qu’on a vu se produire en Espagne dans le cas du Partido Popular, et c’est ce qui arrive en France aux Républicains. A l’avenir, à un moment ou à un autre, un réveil pourrait aussi se produire au sein du PPE : ils pourraient se rendre compte que ce n’est pas à gauche qu’il faut se chercher des alliés – même si, pour l’instant, aucun indice ne pointe dans cette direction, un tel virage, sous la direction actuelle, étant même pour ainsi dire exclu. En ce qui nous concerne, nous ne demandons qu’à faire alliance avec des groupes politiques prêts à s’engager pour les valeurs de la droite traditionnelle.

– Les groupes parlementaires CRE et ID peuvent-ils fusionner ?

– Nous n’en sommes pas encore arrivés au moment de nous choisir des structures. Je suis convaincue que les frontières sont – au moins partiellement – franchissables. La rencontre de Budapest a rassemblé ici les représentants les plus en vue des partis les plus importants des groupes CRE et ID. Au Conseil de l’Europe, il existe une coalition de droite au sein de laquelle siègent ensemble les partis du groupe CRE et ceux d’ID – et même les Conservateurs britanniques. Une telle collaboration ne manque donc pas de précédents.

– Est-il certain que l’AfD, en sa qualité de parti allemand de droite, ne sera pas votre allié ? Pourquoi continuer à chercher une alliance avec cette CDU qui a glissé à gauche ?

– Pour nous, l’importance des bonnes relations que nous entretenons avec l’Allemagne au niveau gouvernemental ne découle pas seulement de nos traditions, mais aussi de nos intérêts économiques mutuels. De très nombreuses entreprises allemandes sont présentes en Hongrie, et cette coopération commerciale est très vive non seulement avec nous, mais aussi avec l’ensemble du V4. Après notre sortie du PPE, le Premier ministre de Bavière, Markus Söder a lui aussi dit que les relations des deux pays devront être préservées. Il va donc de soi qu’il est très important pour nous d’entretenir de bonnes relations avec la CDU. Or récemment, l’AfD en congrès a déclaré souhaiter sortir de l’UE. En ce qui nous concerne, nous cherchons à collaborer avec les partis souhaitant reformer l’Union de l’intérieur. Nous voyons, nous aussi, la nécessité d’un changement, mais il est de notre intérêt de réparer les erreurs existantes de l’intérieur.

– Dans un éditorial publié dimanche, le journal Welt am Sonntag parle, d’un bout à l’autre, de « droite démocratique ». L’AfD ne serait pas un parti démocratique ?

– C’est un débat qui ne porte pas sur l’AfD. « Droite démocratique » veut littéralement dire que pour nous, le respect des valeurs démocratiques constitue une base dont nous ne pouvons pas faire abstraction. Loin de nous l’idée de vouloir, parmi les partis actuellement représentés au PE, dire lesquels sont démocratiques, et lesquels ne le sont pas. La procédure d’article 7 lancée contre nous, notamment, montre bien à quoi cela mène lorsque d’autres, de façon arbitraire, sans base juridique, remettent en cause votre attachement à la démocratie. A l’avenir, le respect de la démocratie restera donc pour nous fondamental – ce qui ne signifie bien sûr pas pour autant que nous serions prêts à collaborer avec n’importe quel parti de droite démocratique, étant donné qu’il existe d’autres points sur lesquels une telle collaboration pourrait achopper.

– Bien que vous veniez de souligner l’importance de bonnes relations avec les Allemands, dans une affaire qui ne concerne qu’un seul hongrois vivant à l’étranger – le cas apparemment insignifiant de Zsolt Petry –, le FIDESZ relève le gant sans mollesse. Était-ce bien nécessaire ?

– C’est une affaire qui n’a rien d’insignifiant. Dans le pays qui mène l’Europe, aujourd’hui, il est devenu possible qu’on licencie un homme, mettant ainsi son bien-être en péril, parce qu’il a osé – sur un ton, au demeurant, tolérant – formuler une opinion qui s’écarte du mainstream allemand. C’est susceptible de susciter la peur, et peut conduire les gens à ne plus oser assumer leurs opinions. Quand les désavantages subis par quelqu’un sont attribués aux opinions exprimées par la personne concernée, il arrive que cela ne constitue qu’une supposition. Dans le cas de Zsolt Petry, cependant, il ne s’agit pas d’une supposition, étant donné que la direction du Hertha fait savoir haut et fort que tel est bien le cas. Et ils ont fait tout cela tout en reconnaissant eux-mêmes que cet entraîneur hongrois n’est pas un homophobe, mais une personne tolérante, doublée d’un excellent professionnel, et que l’objet de leur désaccord est exclusivement le contenu de ses déclarations. Il est scandaleux qu’aujourd’hui en Allemagne un employeur puisse se livrer à cela en pleine lumière, sous les yeux de la presse. Et ce qui est tout particulièrement choquant, c’est que Michael Roth, ministre allemand des Affaires européennes, a ensuite salué avec enthousiasme la décision du club.

– À propos de cette affaire, Gergely Gulyás a déclaré qu’il faut se demander si l’Allemagne est encore un état de droit. Pensez-vous qu’elle le soit ?

– Oui.

– Pourriez-vous justifier votre réponse de façon plus détaillée ?

– Je pourrais citer d’innombrables raisons m’amenant à considérer que l’Allemagne est un état de droit, mais, dans ce cas bien précis, la raison en est qu’il existe des voies d’appel. Si mes informations sont bonnes, Zsolt Petry portera l’affaire devant les tribunaux ; la justice allemande aura donc la possibilité de lui donner satisfaction. Je veux croire que c’est ce qui se produira.

– Passons à un autre État membre de grande importance : la France. Seriez-vous prêts à collaborer avec le Rassemblement national, que beaucoup considèrent comme un paria ?

– En France, il existe des masses populaires énormes qui réclament à la classe politique que les valeurs de droite soient représentées. Le Parti Républicain, qui incarne le mieux la perpétuation de l’esprit gaulliste – avec lequel nous avons de bonnes relations, et à qui nous souhaitons de l’emporter – est en train de s’affaiblir, mais il existe un autre parti de droite qui est devenu incroyablement populaire. Que cela nous plaise ou non. Il faut donc se demander comment le parti des Le Pen est arrivé si haut dans les sondages, ce qu’il défend, et comment. En ce qui nous concerne, comme je l’ai indiqué précédemment, nous cherchons à collaborer avec les partis souhaitant reformer l’Union de l’intérieur.

– En tant que femme politique, quel regard portez-vous sur le fait qu’en Turquie, Ursula von der Leyen se soit retrouvée assise sur le canapé ? Le fait qu’en plein milieu de l’épidémie, l’élite bruxelloise ait fait un si grand cas de cet incident ne montre-t-il pas à quel point elle a perdu le contact avec la réalité ?

– Je pense que cet incident monté en épingle a été surestimé. Les acquisitions de vaccins et la lutte contre l’épidémie sont pour l’instant des questions nettement plus importantes que les problèmes de protocole de ce genre. J’ajouterais entre parenthèses la remarque suivante : si déjà ils se sont retrouvés dans une situation aussi désagréable, indépendamment de l’ordre de préséance des institutions, Charles Michel aurait pu, en gentleman, proposer sa chaise à Von der Leyen. Laquelle aurait alors pu décider d’accepter ou non.

 

Imre Csekő

Traduit du hongrois par le Visegrád Post