Article paru dans le Magyar Nemzet le 25 juillet 2021.
Le portail électronique Bennfentes.net a publié le dimanche 18 juillet une première vidéo, suivie d’une seconde le lendemain, qui promettaient de grandes révélations – mais tout ce qu’on a alors appris, c’est qu’une personnalité de la gauche hongroise et son entourage auraient touché des aides de l’UE à hauteur de plusieurs milliards de forints. Ensuite, un article publié mardi par le même site a révélé que cette personnalité n’est autre que Katalin Cseh, eurodéputée du parti Momentum.
Madame Cseh a été, de 2013 à 2018, gérante d’une entreprise du domaine de l’imprimerie, la SARL Pannónia Nyomda Kft. C’est son père Tibor Cseh, lui aussi homme politique, qui a fondé cette entreprise en 2010. Au cours de ces mêmes années, Pannónia Nyomda a participé aux appels à candidature pour l’obtention de subventions européennes : plus de 68 millions de forints alloués pour le développement d’une technologie holographique. Plus tard, cette même entreprise a encore reçu 217 millions de forints au titre du « développement d’un langage informatique de description spatiale holographique et d’une imprimante numérique holographique ».
L’article déroule le fil des liens d’affaire de Pannónia Nyomda. Son adresse, telle qu’elle figure dans le dossier de la subvention de 68 millions de forints précédemment évoquée, est aussi celle à laquelle ont été domiciliées, simultanément, les sociétés NOVA-INN Kft, Mondat Kft et Holotech Hungary Kft – sociétés qui ont d’ailleurs, elles aussi, fait ample moisson de subventions européennes : 200 millions de forints pour NOVA-INN, presque 500 millions (depuis 2004) pour Mondat, et 1,75 milliards de forints d’aides de l’UE pour Holotech. En incluant les chiffres afférents à son prédécesseur légal, la société Holotech a encaissé un total de 3,73 milliards d’aides. Pour peu qu’on y ajoute les 63 millions versés à Uniotech Kft, ce réseau d’entreprises de l’imprimerie s’est fait parachuter un total de presque 4,8 milliards de forints d’aides de l’UE.
Mercredi, le site PestiSrácok.hu a publié un texte assez long, cherchant à offrir une présentation synthétique de ces interconnexions compliquées. Il présente l’esquisse d’un réseau complexe, dont les centres ont été et restent basés à Vác et à Szirák : les sièges et sites des sociétés impliquées dans ces transactions sont tous domiciliés aux mêmes adresses, situées sur le territoire de ces deux municipalités. Toutes ces sociétés ont déménagé ensemble, se sont transformées ensemble et ont déposé ensemble leurs candidatures aux octrois de subventions. PestiSrácok a aussi révélé l’existence de liens personnels.
Jeudi, c’est Origo.hu qui a porté à la connaissance du public de nouveaux détails de l’affaire : en Hongrie, la société Pannónia Nyomda Kft aurait jusqu’à présent obtenu des marchés publics d’une valeur totale de 168 millions de forints. Parallèlement au jackpot des subventions européennes, la chance lui aurait donc aussi souri dans le domaine des marchés publics. La plupart de ces marchés (trois en tout) ont été accordés par la municipalité du IXe arrondissement de Budapest, au titre des travaux d’impression du journal municipal destiné aux habitants de l’arrondissement, intitulé Ferencváros [quartier historique de Budapest correspondant à cet arrondissement – n.d.t.]. D’après l’article d’Origó, l’un de ces marchés publics a impliqué un autre membre du réseau : l’offre concurrente à celle de Pannónia Nyomda a justement été présentée par la société Mondat Kft. Sauf qu’il y a eu de petits problèmes : cette dernière, dans son dossier de candidature, déclarait simultanément ne pas avoir recours à des sous-traitants et… y avoir recours. Lors d’un autre appel d’offres, en 2013, Pannónia Nyomda a soumis une candidature en tandem avec la société Archidesign Kkt, et le tandem a remporté le marché face à deux concurrents dont l’un (Visualia Kkt) était lié à Archidesign, tandis que l’autre (Bunt 24 Kft) était lié à la société Pannónia Nyomda elle-même. – Tout cela montre – conclut Origó – que les sociétés en question ont facilement pu se concerter dans leurs soumissions, de façon à ce que les conditions les plus avantageuses soient celles proposées par le tandem Pannónia-Archidesign.
Origó a d’ailleurs porté ces affaires à la connaissance de l’Office de la Concurrence (Gazdasági Versenyhivatal), qui a lancé une enquête à leur sujet. Sur ces entrefaites, István Tényi a lui aussi dénoncé les sociétés liées à l’entourage de Katalin Cseh auprès du Parquet Général (Központi Nyomozó Ügyészség), les soupçonnant d’une évasion fiscale créatrice de graves préjudices matériels à l’occasion de l’encaissement de ces milliards de forints d’aides.
Ces derniers jours, Katalin Cseh a plusieurs fois réagi au scandale qui vient d’éclater, l’une de ces déclarations consistant à affirmer – en contradiction flagrante avec les faits – que sa carrière politique n’a pas coïncidé dans le temps avec son mandat d’administrateur de société. Le dossier administratif de la société lui inflige cependant un déni cinglant : dès 2015, Katalin Cseh faisait partie des membres fondateurs du Momentum, dont elle intègre la direction collégiale en 2017. Or son mandat d’administrateur de l’imprimerie susmentionnée n’a pris fin qu’en janvier 2018.
L’affaire est d’autant plus piquante que, pendant que ce réseau de sociétés empochait des milliards en aides européennes, Katalin Cseh et son parti, depuis des années, faisaient pression pour que l’UE suspende le versement des aides européennes dues à la Hongrie – allant même jusqu’à faire campagne pour « qu’on donne aux pauvres » les fonds alloués par l’UE.
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post