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La Pologne prête à livrer ses MiG-29 indirectement à l’Ukraine, mais Washington rétropédale

Temps de lecture : 4 minutes

Pologne/Ukraine – Alors que la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe dure depuis bientôt quinze jours, la Pologne, principal soutien de l’Ukraine au sein de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique, a fait savoir qu’elle était disposée à remettre l’ensemble de ses avions de chasse de type MiG-29 à l’OTAN pour que ces derniers soient ensuite remis à l’Ukraine.

Cela faisait une semaine que les Américains demandaient aux Polonais s’ils ne pourraient pas remettre leurs Mig-29 aux Ukrainiens contre des F-16. Les autorités ukrainiennes avaient affirmé que la Pologne et quelques autres pays de l’ancien bloc de l’Est, qui ont encore des Mig-29 que les pilotes ukrainiens savent piloter, allaient leur en livrer. C’était après une déclaration en ce sens, non consultée avec les principaux intéressés, du représentant de l’UE pour les affaires étrangères, l’Espagnol Josep Borrell. Dans un premier temps, les Polonais avaient apporté un ferme démenti, d’autant plus que l’information reprise y compris par des médias polonais contenait l’idée que la Pologne allait permettre à la chasse ukrainienne d’utiliser des aéroports militaires en Pologne, ce qui aurait immanquablement entraîné la Pologne dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Mais l’idée n’avait jamais été formulée à Varsovie et ressemblait beaucoup à une opération d’intoxication.

« Nous n’envoyons pas nos avions car cela signifierait une ingérence militaire dans le conflit qui se déroule en Ukraine, » avait coupé court le président polonais Andrzej Duda dès le 1er mars. Cette version avait également été rapidement confirmée par le porte-parole du gouvernement Morawiecki.

Mais les jours suivants, on apprenait que les Américains insistaient et se disaient prêts à remplacer les Mig-29 livrés à l’Ukraine par ses alliés du flanc oriental de l’OTAN par des F-16. Selon l’agence Reuters, le secrétaire d’État Antony Blinken aurait parlé de cela lors d’une visite  en Moldavie. Puis le même Blinken a affirmé à la télévision que les USA avaient donné « le feu vert » aux pays de l’OTAN qui souhaiteraient fournir des avions de combat à l’Ukraine. Les Polonais n’étaient pas partants pour cette idée, mais les pressions se faisaient insistantes.

C’est pourquoi le gouvernement polonais, qui n’était pas contre une telle aide militaire à l’Ukraine par principe mais craignait de se retrouver ensuite seule face à l’ours russe (toujours le souvenir de septembre 1939…), a trouvé le moyen d’impliquer les États-Unis et même l’OTAN dans une telle opération, si elle devait avoir lieu.

La Pologne aurait été prête à remettre ses MiG-29 aux États-Unis

Prenant les Américains par surprise, le communiqué du ministère polonais des Affaires étrangères publié mardi indiquait que « les autorités de la République de Pologne, après consultation du président et du gouvernement […],

sont prêtes à déplacer immédiatement et gratuitement tous leurs avions MIG-29 vers la base de Ramstein [en Allemagne, ndlr.] et à les mettre à la disposition du gouvernement des États-Unis.

Dans le même temps, la Pologne demande aux États-Unis de lui fournir des avions d’occasion de capacité opérationnelle analogue. La Pologne est prête à établir immédiatement les conditions pour l’achat de ces avions. Le gouvernement polonais demande également aux autres pays de l’OTAN, propriétaires d’avions MIG-29, de prendre des mesures similaires ».

Pour mémoire, la Pologne dispose actuellement de 33 appareils de type MiG-29 (12 achetés neufs en son temps à l’URSS, 10 rachetés à la République tchèque, 22 rachetés à l’Allemagne, mais dont seulement 14 sont désormais opérationnels, tandis que trois ont été détruits en 2018). Parmi les autres membres de l’OTAN, la Bulgarie, la Slovaquie et les États-Unis disposent respectivement de 15, 21, et 32 appareils – ce qui ferait un total de 101 avions qui pourraient venir rapidement renforcer l’aviation ukrainienne.

Craintes de représailles de la part de la Russie

Pour des raisons de sécurité nationale – la Pologne craint en effet des représailles russes, la guerre russo-ukrainiennes se déroulant en partie directement à sa frontière – les autorités de Varsovie auraient en effet souhaité ne pas livrer eux-mêmes ces appareils à l’armée de l’air ukrainienne, mais effectuer cette transaction par l’intermédiaire des États-Unis.

De son côté, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a rappelé lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue norvégien, Jonas Gahr Støre, que

« les décisions relatives à la fourniture d’armes offensives doivent être prises à l’unanimité au sein de l’OTAN.

Nous ne pouvons pas prendre de mesures indépendantes car nous ne sommes pas partie prenante dans cette guerre. Il faut souligner que

ni la Pologne ni l’OTAN ne sont parties prenantes dans cette guerre ».

Un projet tombé à l’eau

Le Pentagone a finalement décidé de rejeter cette proposition polonaise. Les responsables américains ont qualifié la proposition du gouvernement polonais de « déraisonnable », cette décision ayant été publiée mardi par l’attaché de presse du Pentagone, John Kirby.

Kirby a déclaré que l’idée présentée par la Pologne était trop risquée, les États-Unis et l’OTAN tentant d’éviter un conflit ouvert entre l’Alliance et la Russie.

CNN a rapporté que l’administration du président Joe Biden avait été complétement surprise par l’offre polonaise de remettre ses chasseurs MiG-29. Selon cette chaîne américaine, la proposition polonaise n’a pas été discutée avec les États-Unis avant d’être rendue publique, et les responsables polonais ne l’ont pas évoquée lors des entretiens avec le secrétaire d’État américain Antony Blinken, lorsqu’il était récemment en Pologne.

Lors de discussions non officielles, des responsables américains ont admis que le scénario consistant à envoyer des avions en Ukraine était envisagé, mais ont souligné à plusieurs reprises les défis logistiques que cela impliquait.