Slovaquie – On s’en doutait un peu depuis plusieurs semaines, c’est désormais depuis hier une certitude. L’ancien premier ministre Peter Pellegrini – qui avait succédé à Robert Fico à la tête du gouvernement slovaque suite au scandale engendré par l’assassinat du journaliste d’investigation Ján Kuciak et de sa fiancée Martina Kušnírová en 2018 – n’est plus disposé à jouer les seconds rôles.
« Fico doit quitter le parti »
Accompagné de deux autres vices-présidents du parti social-démocrate Smer-SD, Peter Žiga et Richard Raši ainsi que de Denisa Saková lors d’une conférence de presse mardi 26 mai, Peter Pellegrini n’y est pas allé par quatre chemins : « Le président [Robert Fico, ndlr.] a aujourd’hui la dernière chance d’éviter le sort de Vladimir Meciar ou de Mikulas Dzurinda qu’il n’a jamais voulu suivre. S’il ne veut pas tragiquement remplir leur devise – j’ai fondé le parti et je le détruirai également – il a aujourd’hui une opportunité unique de donner à son parti l’espoir d’un avenir meilleur […] Si le président Fico veut aider le Smer et la social-démocratie en Slovaquie, le moment est venu pour lui de quitter le parti, » a-t-il ainsi déclaré, coupant résolument les ponts avec la figure emblématique de la politique slovaque des vingt dernières années.
« Ce parti est ma progéniture »
De son côté, Robert Fico est conscient d’une certaine nécessité de changement au sein du parti, ce qui l’avait déjà amené à démissionner et mettre Pellegrini à sa place en tant que premier ministre. Ainsi Robert Fico a également déclaré hier que « le Smer-SD a besoin de changements de caractère interne, y compris dans ma position et mon comportement, afin que nous puissions gagner une nouvelle fois des élections générales ». Mais l’ancien homme fort de Bratislava n’entend nullement se laisser mettre à la porte comme le réclame aussi simplement M. Pellegrini. « Je n’ai nulle part où aller, ce parti est ma progéniture […] Je ne fais pas partie de ceux qui se demandent ce que le Smer-SD fera pour moi. Le Smer-SD a déjà beaucoup fait pour moi, » a-t-il poursuivi.
« Ambitions politiques personnelles »
« Les ambitions de changer la façon de gérer le parti que nous apprenons uniquement des médias, nuisent considérablement au Smer-SD, » avait-il déjà écrit la semaine dernière à l’intention de ses détracteurs qu’il accusait ouvertement « d’ambitions politiques personnelles, » ce à quoi Pellegrini avait répondu que les « opinions [de Robert Fico, ndlr.] et celles que j’ai sur le monde politique et l’avenir diffèrent considérablement. Je rejette les efforts visant à réduire au silence des voix critiques de plus en plus intenses qui résonnent au sein du parti, et je ne considère pas que l’expression d’une opinion différente soit gravement préjudiciable aux intérêts de Smer-SD ».
Compromis ou scission
Les positions des deux hommes forts du parti social-démocrate slovaque semblent – au moins pour le moment – difficilement compatibles, même si ce serait dévoiler un secret de polichinelle que de dire que des tractations en coulisses essaient encore de trouver un compromis.Pour l’heure, le conflit s’est officialisé et se déroule à couteaux tirés, M. Pellegrini ambitionnant de devenir président du Smer à la place de M. Fico, et ce dernier reprochant à son rival d’acter une dérive libérale.
Le Smer, parti populiste de gauche, patriotique et anti-immigration, a perdu de sa popularité du fait de plusieurs affaires de corruption. Le Smer a dirigé la Slovaquie à plusieurs reprises, et notamment de 2016 à 2020 en coalition avec les nationalistes et les libéraux.