Hongrie – Entretien avec Péter Jakab, président du parti populiste hongrois Jobbik : « Nous ne pourrons abattre ce régime que si nous, partis d’opposition, sommes capables de coopérer les uns avec les autres »
Début juin, Ferenc Almássy et Nicolas de Lamberterie ont rencontré au parlement hongrois, à Budapest, le président du parti Jobbik dans le cadre d’un entretien pour leur livre sur ledit parti et son évolution surprenante au fil des dernières années. Passé de la droite nationaliste radicale à l’union avec les partis progressistes de gauche pour faire tomber Viktor Orbán, le Jobbik a connu une mutation très rapide et difficile à comprendre de prime abord. Alors qu’il a pris la tête du parti en janvier, ce personnage controversé et haut en couleurs, adepte de la communication choc, y compris au sein de l’hémicycle, livre au Visegrád Post quelques explications sur l’évolution du parti ou encore les récents départs de cadre historiques. Mais surtout, il expose sa stratégie pour renverser Orbán, l’objectif désormais prioritaire du parti populiste, anciennement d’extrême-droite et se définissant désormais comme de centre-droit.
Ferenc Almássy : Monsieur Jakab, merci pour cet entretien. Pouvez-vous succinctement vous présenter ? Comment avez-vous commencé la politique ?
Péter Jakab : Je suis né en 1980 à Miskolc, dans une famille ordinaire. J’ai ensuite enseigné à Miskolc. Il y avait peu de possibilités pour le travail, et je me suis retrouvé dans une école où les élèves étaient presque tous tziganes, vivant dans des conditions difficiles. C’était essentiellement des élèves des villages des alentours. Nous sommes alors en 2008. Dans cette école, j’ai décidé que je devais prendre part activement à la vie publique. J’y ai fait l’expérience d’une réalité hongroise que je ne voulais pas pour mes enfants. Je parle bien sûr de la situation des Tziganes et des conséquences pour la majorité de la société. Et donc naturellement j’ai rejoins le parti qui s’exprimait sur cette question, et reconnaissait l’existence de ce problème. Ce parti, c’était le Jobbik, un parti qui disait clairement, « oui, ce problème existe ».
Ferenc Almássy : Ce problème, c’est-à-dire « la criminalité tzigane » ?
Péter Jakab : C’est ainsi que la presse le rapportait à l’époque, mais pour moi ce n’est pas l’expression « criminalité tzigane » qui est restée, mais l’idée qu’il existe une problématique de la cohabitation entre Hongrois et Tziganes. Et cette question doit être adressée d’une manière ou d’une autre.
Ferenc Almássy : La question de la « criminalité tzigane » refait surface dans la presse en ce moment, notamment suite au tragique incident de la place Deák il y a peu. M. Toroczkai et son parti, Mi Hazánk [droite nationaliste, dissidents du Jobbik, ndlr], se sont joints à la manifestation en mémoire des deux Hongrois tués par des Tziganes. Vous avez dit que la question tzigane était la motivation première de votre entrée en politique, ou plus précisément la question de la coexistence entre les Hongrois et les Tziganes. Comment voyez-vous, par-delà la « criminalité tzigane », le problème de la cohabitation entre Hongrois et Tziganes ?
Péter Jakab : C’est une question restée sans réponse car il y a un manque de volonté politique. La communauté tzigane, ce n’est même plus tant la question, il y a aujourd’hui une classe déconstruite, ravagée. Beaucoup de gens sont dans la misère, les citoyens se retrouvent éjectés vers les périphéries des communes alors qu’ils deviennent eux-mêmes des acteurs économiques périphériques. Les élections sont très faciles à acheter, car ces gens voient qu’en échange d’un simple X sur un bulletin, ils peuvent s’offrir des sachets de pâtes sèches. Du point de vue des municipales, ce sont des villes entières dont le sort a été influencé par ces méthodes s’appuyant sur des miséreux. La solution nécessite donc une volonté politique, et celle-ci devrait se manifester dans la garantie donnée à ces gens d’une aide. Je ne pense pas nécessairement à déverser de l’argent, mais à des lois, à l’éducation, à des possibilités de travail. Sans ces trois choses, alors les gens vivront selon leurs instincts, et voteront pour celui qui leur offrira en dernier un plat de lentilles.
En tant que professeur, je n’ai pas été confronté à la criminalité tzigane, mais à de très lourds problèmes de socialisation. Des jeunes de 18 ans savent à peine lire et écrire. Mais certains, pratiquant l’usure, vivaient mieux que moi. Les élèves m’ont plusieurs fois interpellé sur ce point : « monsieur le professeur, » disaient-ils, « vous êtes un nigaud, vous avez étudié cinq ans pour gagner en un mois ce qu’on gagne en un jour, pourtant on n’a rien étudié, on ne sait même pas vraiment lire et écrire, » mais ils étaient à l’aise dans la pratique de l’usure. J’ai fait l’expérience d’une réalité très intense, et je voulais trouver ceux qui au moins parlaient de ce problème sans le mettre sous le tapis. En 2010 j’ai rejoint le Jobbik et la même année j’étais sur la liste de l’équipe municipale, en 3e position, et j’ai été élu de justesse conseiller municipal. Au même moment, j’étais renvoyé du lycée.
Ferenc Almássy : À cause de votre appartenance au Jobbik ?
Péter Jakab : À cause de mon appartenance au Jobbik. Je suis ensuite devenu chef du groupe Jobbik au conseil municipal, puis en 2014, j’étais la tête de liste pour les municipales, toujours à Miskolc ; je suis arrivé troisième. Et puis en 2016, je suis devenu porte-parole du Jobbik.
Ferenc Almássy : À cette époque, la transition du Jobbik en un parti populaire était déjà bien entamée. Quel regard portiez-vous alors sur cette transformation du parti ? Aviez-vous un rôle dans ce processus ?
Péter Jakab : Je me suis toujours considéré comme un homme politique prenant le parti du peuple. Donc les questions de gauche ou droite, hongrois ou tzigane, ça ne m’a jamais intéressé, contrairement aux problèmes à régler. De ce point de vue la transformation du Jobbik en parti populaire ne signifiait aucun changement pour moi, car je me suis toujours défini de la sorte. Bien sûr, dans la vie du parti, cela a eu une incidence. Le parti était engagé dans certains culs-de-sac, des gens pensant que nous devions nous définir en tant que parti de droite radicale et que nous n’aimions personne d’autre que nous, car ces autres ne veulent certainement pas le bien de ce pays. Nous nous définissions toujours par opposition aux autres. Gábor Vona [président historique du Jobbik de 2006 à 2018, ndlr], lorsqu’il a fait connaître sa politique de transition en parti populaire, a précisément dit qu’il nous fallait sortir des tranchées et bâtir des ponts entre les uns et les autres. À mon sens, c’était une évolution positive, car ainsi ce que je ressentais au fond de moi devenait une réalité pour le parti.
Nicolas de Lamberterie : Mais vous n’étiez alors pas un des moteurs de cette transformation ?
Péter Jakab : Je suis du parti du peuple, mais également un radical. Cela ne se manifeste pas dans l’extrémisme, mais dans l’exposition des problèmes. J’aime appeler les choses par leur nom, y compris au sein du parlement.
Nicolas de Lamberterie : Étiez-vous parmi les initiateurs de cette transition du parti en parti populaire ? Avez-vous eu une influence dans ce processus ?
Péter Jakab : C’est Gábor Vona qui a décidé de cette nouvelle ligne directrice, et j’ai suivi car cela me convenait. Je me suis senti en phase avec ce que devenait le parti.
Nicolas de Lamberterie : La crise des migrants a bouleversé la politique hongroise. Il faut se remémorer que début 2015, le Fidesz était relativement bas tandis que le Jobbik atteignait son sommet historique dans les sondages, atteignant presque 30% d’intentions de vote, menaçant ainsi le Fidesz d’après les sondages. Il y avait eu la taxe internet, le scandale Simicska. Puis donc cette crise des migrants, que le Fidesz a su exploiter, modifiant sa communication, gagnant ainsi un nouvel élan. À partir de là, il semblerait que la transformation du parti se soit accéléré. En 2016, vous devenez porte-parole du parti. Comment percevez-vous aujourd’hui, avec le recul, cette période marquée par la crise des migrants ?
Péter Jakab : Nous avions pris la direction du centre, tant dans notre communication que dans notre culture de parti, tandis que le Fidesz glissait vers l’extérieur.
Ferenc Almássy : D’aucuns pourraient objecter qu’il s’agit purement de tactique, de pragmatisme électoraliste, car il était plus difficile pour vous de rester sur ce terrain de l’anti-immigrationisme au même moment où le Fidesz, au pouvoir, disposait de tous les outils pour exploiter cette situation et tirer un certain profit de la crise.
Péter Jakab : C’est un fait, mais en même temps nous n’avions pas d’autre choix, et pas seulement d’un point de vue politicien, mais également par conviction personnelle. Nous nous devions de représenter tous les Hongrois, car c’est ce qui est juste. J’ai toujours été un défenseur d’une conception politique où la tactique ne fait pas tout, et qu’il ne faut pas prendre des décisions en fonction de considérations tactiques mais en fonction de ce qu’on trouve juste ou non. Il n’y a pas longtemps, le groupe parlementaire du Jobbik a commis une erreur, nous avons mal voté. Il s’agit d’une loi qui ouvre la porte à la surveillance. Nous aurions pu dire, comme le font les politiciens, « on va vous expliquer pourquoi nous ne nous sommes pas trompés, et pourquoi c’est une bonne chose ». Mais j’ai dit alors que non, la bonne solution consiste à reconnaître notre erreur. Donc en se réorientant vers le centre, le Jobbik suit une bonne voie, même si cela, d’un point de vue purement tactique, n’est pas le plus rentable. Nous aurions pu avoir des sorties bien plus dures que celles du Fidesz, et peut-être qu’en 2018, les scores eurent été différents. Mais ce n’était pas le but, le but était de pouvoir s’adresser à chaque Hongrois. L’évolution en parti populaire était nécessaire et annonciatrice d’une coopération de l’opposition aux municipales d’octobre 2019.
Ferenc Almássy : Ces élections municipales sont en effet un tournant dans l’histoire du Jobbik. Il y a eu la période « ni Fidesz, ni gauche », où le parti est devenu incontournable et en hausse permanente dans les sondages, puis la période de la transition en parti populaire et le recentrage politique. Mais, comment avez-vous pu franchir le Rubicon de la coopération avec la gauche et les libéraux progressistes ?
Péter Jakab : C’est le résultat du régime d’Orbán. Ses actions sont tellement intolérables que cela nous a poussé à …
Ferenc Almássy : Pardon, je reformule alors. Qu’est-ce qui a été l’élément, dans la politique du Fidesz, qui vous a fait vous dire que vous êtes désormais prêt à coopérer avec Ferenc Gyurcsány [ancien premier ministre libéral de gauche de 2004 à 2009, bête noire historique du Jobbik, et actuel président d’un parti d’opposition, le DK, ndlr] ?
Péter Jakab : Pas avec Gyurcsány, mais avec tous les Hongrois. Cela a été un processus, qui dans un système de valeurs démocratiques…
Ferenc Almássy : Il y a forcément eu un point de bascule…
Péter Jakab : Oui, en 2018, lorsqu’il est devenu clair qu’on y arrivera pas seuls. Nous ne pourrons abattre ce régime que si nous sommes capables de coopérer les uns avec les autres. Les élections de 2018 nous ont éveillés à la démocratie. Cela signifie s’asseoir avec l’autre, même si nos visions du monde diffèrent beaucoup, et nous essayons de chercher les points communs sur lesquels nous pouvons travailler de concert. C’est du reste ce qu’attendaient les électeurs de nous en 2018, mais nous n’étions alors pas encore capables de faire ce travail. Je le redis, nous avons alors fait une erreur, et je n’essaye pas d’enfumer qui que ce soit, nous reconnaissons que c’était une erreur. Par voie de conséquence, nous avons changé et de par ce changement nous avons atteint en octobre 2019 que 4 millions de Hongrois aient un maire d’opposition.
Nicolas de Lamberterie : Mais selon vous, de quel point de vue le système d’Orbán n’est-il pas démocratique ?
Péter Jakab : C’est un régime hybride, il y a donc des élections, mais le système des institutions démocratiques ne fonctionne pas. On peut déjà s’interroger sur le fait que les élections sont propres, car comment les gens ont-ils accès à des informations crédibles ? Il y a les médias pro-gouvernement, qui seraient incapables de survivre sur le marché sans les annonces gouvernementales et qui ne survivent que grâce à ce soutien indirect. Et puis il y a les médias d’opposition, qui pourraient vivre selon les lois du marché, si les gens avaient du pouvoir d’achat et avaient la possibilité d’acheter la presse papier. Mais puisque les gens n’ont pas de pouvoir d’achat et que ces médias ne sont pas sollicités non plus pour publier des annonces gouvernementales, ils vont finir par mourir. Les provinciaux, dont une partie n’a peut-être pas même accès à internet, prennent des décisions sur la base de fausses informations. Mais je pourrais aussi parler de la situation des tribunaux, l’état de la Justice, du nombre de canaux de corruption qu’il faudrait démanteler, si seulement les hommes du Fidesz ne tenaient pas, par exemple, le siège du procureur général. Il n’y a pas de séparation des pouvoirs. Le Fidesz tient le législatif, l’exécutif, et nous en sommes au point que le pouvoir exécutif peut même court-circuiter le parlement. C’est de ça que parle la loi sur les pouvoirs exceptionnels [abolie le 17 juin 2020, ndlr]. Les médias sont entre leurs mains, la Justice est entre leurs mains. Voilà ce contre quoi nous devons lutter.
Nicolas de Lamberterie : Une autre question importante est celle portant sur votre évolution géopolitique. Le Jobbik a été le précurseur de la stratégie d’ouverture à l’Est, ce que le Fidesz a repris et appliqué depuis, comme bon nombre d’autres idées du Jobbik. En 2014, Márton Gyöngyösi, actuellement numéro 2 du parti et député européen (NI), était même à Donetsk comme observateur lors des élections. Avant de devenir président du Jobbik, vous avez déclaré dans un commentaire de la politique d’ouverture à l’Est de Viktor Orbán, que si cela continue comme ça, dans quinze ans, la Hongrie sera une colonie russe. Comment expliquez-vous ce revirement ?
Péter Jakab : Nous entendions l’ouverture à l’Est comme une logique de partenariats économiques et non pas de soumission. Le gouvernement pense en revanche qu’il ne lui faut pas des partenaires commerciaux mais veut s’inspirer de méthodes politiques, des méthodes à la Poutine, pour rester au pouvoir, et en échange de cela, le gouvernement garantit même des avantages économiques. Viktor Orbán a construit un empire médiatique et en échange on voit que la centrale nucléaire de Paks-2 est agrandie par les Russes, ou que la Poutine-banque va fonctionner en Hongrie comme un Etat dans l’Etat. En Egypte, Eximbank va donner un crédit aux Russes plutôt à Ganz, société hongroise, pour mener à bien la construction de wagons. Donc on constate avec effarement que le gouvernement offre des avantages aux acteurs économiques russes, y compris au détriment des acteurs économiques hongrois. Prenez par exemple la ligne de chemin de fer Budapest-Belgrade. Comment est-elle financée ? Avec un crédit chinois. Et puis bien sûr il y a Lőrinc Mészáros [oligarque décrit par l’opposition comme « homme de paille » du Premier ministre servant à mieux contrôler l’économie et les investissements dans le pays, ndlr] comme acteur économique récurrent. Tout ça pour dire que nous n’avons pas besoin d’une soumission économique, ni de transposer des modèles politiques, mais seulement de partenaires commerciaux. Nous constatons que Viktor Orbán a troqué l’ouverture à l’Est pour une soumission tandis que de l’autre côté, il a précipité une fermeture à l’ouest, parce que ce qu’il fait, politiquement parlant…
Si l’Union européenne fonctionnait correctement, alors là-bas non plus il ne serait plus toléré. Mais bien entendu on voit qu’il est tolérable pour eux car en échange, ils reçoivent une main d’œuvre hongroise pas chère. Lorsque la chancelière allemande félicité Viktor Orbán…
Ferenc Almássy : On parle de milliards d’euros investis en Hongrie. L’industrie automobile allemande ne fonctionnerait pas si soudainement la coopération avec la Hongrie s’arrêtait, ce serait un coup terriblement dur pour la Bavière en particulier. Il y a une dépendance à double sens.
Péter Jakab : Dans le monde occidental aussi, l’approche économique diffère de la foi et de la confiance en la démocratie. Ils sacrifient la démocratie et tolèrent donc ce qui se passe en Hongrie si en échange leurs intérêts économiques sont favorisés et cela Viktor Orbán le leur donne. Il donne des rabais de taxes aux multinationales, là par exemple elles reçoivent une aide exceptionnelle sur deux ans.
Ferenc Almássy : Est-ce que tout cela n’est pas le principe de la politique internationale ?
Péter Jakab : Oui, mais vient ensuite une petite démarche hypocrite comme le rapport Sargentini, disant c’est-pas-bien, on va vous gronder, et puis non, au final, rien, car l’argent est maître.
Nicolas de Lamberterie : Peut-on dire qu’à ce jour, le processus de transformation du parti en parti populaire est arrivé à son terme ?
Péter Jakab : Tout à fait, on peut dire que c’est une transformation actée.
Nicolas de Lamberterie : Alors comment expliquer que nombreux sont les membres et les cadres du parti à quitter le Jobbik, alors qu’ils ont été partisans de cette transformation ? Pourquoi le quitter maintenant alors que ce pour quoi ils ont travaillé est accompli ?
Péter Jakab : Il n’y a pas de désaccord idéologique, mais seulement d’ordre méthodologique. J’ai un certain niveau d’exigence concernant nos hommes et femmes politiques. J’attends de la discipline, qu’ils restent dans le rang, et qu’ils travaillent énormément. Certains ne sont pas habitués à ça, ou ne veulent pas rester dans le rang, et imaginent leur avenir dans une autre communauté politique, voire en dehors de toute communauté. Mais il ne s’agit en aucun cas de différends idéologiques entre eux et le parti tel qu’il existe actuellement, même s’ils aiment faire des déclarations sur les réseaux sociaux disant que Péter Jakab ne parle plus des questions nationales pour faire plaisir aux électeurs de gauche. On dirait un cliché rédigé par les propagandistes du Fidesz, car c’est faux. Quand il s’agit de politique nationale, il est vrai que je ne suis pas un homme de symboles. Pour moi, quelqu’un n’est pas « national » ou patriote parce qu’il agite un drapeau, mais parce qu’il considère aussi comme membre de la Nation des gens que le gouvernement cherche à en exclure.
Ferenc Almássy : Et maintenant ? Quelle stratégie pour 2022 et les élections législatives ?
Péter Jakab : L’objectif, nous l’avons, c’est changer de gouvernement et proclamer une nouvelle vision du futur pour le pays. La mission est double : d’une part, nous devons mener des combats au sein de l’opposition nous donnant la recette pour que dans chaque circonscription, un candidat de l’opposition s’oppose à celui du Fidesz. Si nous arrivons à réaliser cela, alors les élections ne vont pas récompenser l’opposition mais bien le pays avec un changement de gouvernement.
Nicolas de Lamberterie : Et l’idée de Gábor Vona de faire deux listes, c’est exclu ?
Péter Jakab : Non, ce n’est pas exclu, selon moi, c’est même la meilleure. Le débat est ouvert sur ce point à l’heure actuelle pour savoir quelle approche est optimale pour capter les voix critiques du gouvernement en faveur du camp désireux de changer le gouvernement. Ici, les électeurs Jobbik ne suffiront pas, les électeurs de gauche ne suffiront pas, il y aura aussi besoin des électeurs déçus du Fidesz, il nous faut donc aussi pouvoir les convaincre. Nous devons réussir ce pari, mais je pense que l’opposition est suffisamment sage pour y arriver. Nous y sommes parvenus pour les municipales. Deuxièmement, il faut établir quels sont les minimums professionnels et nationaux nécessaires pour reconstruire le pays. Car il ne suffit pas de changer de régime, mais il faut aussi bâtir par la suite quelque chose de meilleur que ce qui s’est fait ces dix dernières années.
Ferenc Almássy : Supposons qu’en 2022, le Fidesz soit en minorité au parlement, et que la coalition anti-Orbán soit majoritaire – coalition comprenant le Jobbik. Comment pourrez-vous former un gouvernement ? Comment parviendrez-vous à coopérer avec M. Gyurcsány et tous les autres partis ? Quelle est la garantie pour que le Jobbik ne se fasse pas exclure d’une coalition gouvernementale ?
Péter Jakab : Si un Jobbik fort est exclu du gouvernement, alors le gouvernement tombera. Un Jobbik fort est la garantie pour que le gouvernement puisse fonctionner de manière respectable et opérationnelle. C’est notre devoir de ramener à la raison ceux qui emprunteraient un chemin malhonnête.
Ferenc Almássy : Quitte à coopérer avec la nouvelle opposition, qui serait alors le Fidesz ?
Péter Jakab : Nous voulons coopérer avec les Hongrois, avec les gens respectables et honnêtes. Du reste, cela ne m’intéresse pas si quelqu’un est au Fidesz, pourvu qu’il soit honnête, mais c’est très dur d’en trouver, nous les cherchons.