Par Mariann Őry.
Article originellement publié dans Magyar Hírlap.
Traduit de l’anglais par le Visegrád Post.
« Nous protégeons l’Europe d’un membre de l’UE qui a échoué à contrôler la crise des réfugiés »
Le président de la république de Macédoine Gjorge Ivanov a remercié la Hongrie et le groupe de Visegrád pour leur soutien à son pays dans la crise migratoire. Le président a développé son point de vue sur la crise interne que traverse la Macédoine, qui est selon lui aggravée par les sociaux-démocrates, les activistes politiques des ONG et l’ingérence albanaise.
Quelle issue et quelles solutions voyez-vous à la situation politique actuelle en Macédoine ?
La République de Macédoine connaît une profonde crise politique depuis déjà deux ans et demi. Les élections législatives anticipées du 11 décembre 2016 auraient dû constituer le début de la sortie de la crise politique.
Conformément à la Constitution et à la pratique établie, j’ai confié le mandat de constitution du gouvernement au parti politique VMRO-DPMNE qui a obtenu le plus grand nombre de députés. Après l’expiration du délai prévu de 20 jours, une majorité parlementaire n’a pas été formée, ce qui signifie que l’article 90 de la Constitution a été épuisé.
Dans une telle situation, compte tenu de la pratique établie en 1992 par l’ancien président Kiro Gligorov, j’ai invité les dirigeants de tous les partis parlementaires à des consultations. Lors des consultations, je leur ai dit que le mandat pour constituer un nouveau gouvernement serait donné au parti ou à la coalition qui m’informera et prouvera qu’il a obtenu une majorité au Parlement de la République de Macédoine dans les 10 jours, tel que prévu dans la Constitution.
Malheureusement, à la demande des partis albanais ethniques en Macédoine, dans le cadre de discussions et de négociations entre les partis parlementaires pour obtenir la majorité, une plate-forme a été imposée. La plateforme a été convenue à Tirana, en Albanie, avec la médiation du premier ministre albanais Edi Rama. Cette plate-forme amène la République de Macédoine dans une position de subordination et menace sa souveraineté et son indépendance. Il s’agit d’une plateforme post-électorale sur laquelle les citoyens n’ont pas eu l’occasion d’exprimer leur opinion lors des premières élections législatives et mettent en cause les intérêts nationaux fondamentaux de la République de Macédoine et de ses citoyens.
Le leader du deuxième parti selon le nombre de mandats remportés, SDSM, au lieu de 10 jours, m’a informé après 27 jours qu’il a fourni une majorité au Parlement avec le soutien de tous les partis albanais sauf un. Je lui ai demandé de rejeter publiquement et clairement la plateforme. Je lui ai rappelé que les citoyens macédoniens à l’élection ont voté pour la réforme, pas pour la plateforme post-électorale d’un État étranger.
Une telle condamnation publique, malheureusement, n’a jamais eu lieu. Par conséquent, en tant que Président de la République de Macédoine, j’ai dit que je ne donnerai pas le mandat à quiconque négocie des plateformes d’autres pays qui font du chantage au peuple macédonien, mettent en danger l’intégrité de l’État, sa souveraineté et son indépendance.
Les partis devraient chercher une solution par un comportement responsable et conformément à la Constitution de la République de Macédoine. Aucune solution ne peut porter atteinte au caractère unitaire de l’État et doit viser à protéger les intérêts nationaux de la République de Macédoine. Bien entendu, une solution possible pour surmonter la situation est d’appeler de nouvelles élections législatives anticipées dans lesquelles les citoyens exprimeront leur opinion sur les sujets soulevés dans la période post-électorale.
Comment évaluez-vous la menace que représentent les efforts albanais ?
Certaines des exigences des partis du bloc politique albanais sont en conflit avec la Constitution de la République de Macédoine et ne correspondent pas à la situation réelle en République de Macédoine.
La République de Macédoine, le 11 décembre, a organisé des élections justes et démocratiques, unanimement saluées par la communauté internationale. Mais au lieu de sortie de la crise, celle-ci s’est encore approfondie. La raison principale est précisément la plateforme de Tirana, qui est devenue une condition pour former un gouvernement.
Comme il a été dit précédemment, la plateforme est un document post-électoral adopté dans un pays étranger sous la médiation d’un premier ministre d’un pays étranger, ce qui met en danger la souveraineté et l’indépendance de l’État. La plateforme viole les accords d’Ohrid, qui régissent les relations entre les communautés ethniques de la République de Macédoine. La plateforme est discriminatoire vis-à-vis des autres communautés ethniques, car elle ne donne la priorité qu’à une seule communauté – l’albanaise.
Je tiens également à souligner que certaines des exigences contenues dans cette plateforme dépendent des statistiques et de la réalité sur le terrain ; toutefois, le recensement n’a pas été effectué en République de Macédoine depuis 14 ans. Sans nouveau recensement, les droits qui dépendent des statistiques ne peuvent être exigés.
Après la publication de la plateforme de Tirana, nous avons assisté à une rhétorique et à des déclarations radicales de hauts responsables de l’Albanie et du Kosovo qui ne correspondent pas au présent et au XXIe siècle, mais à la rhétorique du passé.
Pour ces raisons, j’ai plusieurs fois appelé la communauté internationale à condamner publiquement la plateforme de Tirana, cette plateforme déstabilisant la situation politique et augmentant les tensions ethniques dans le pays. J’ai adressé une lettre à tous les membres du Conseil européen, au Secrétaire général de l’OTAN et à nos partenaires stratégiques – les Etats-Unis et la Turquie, avec une demande de condamner la plateforme et d’envoyer un message d’inviolabilité des frontières dans les Balkans. J’ai souligné qu’une telle ingérence dans les affaires intérieures de la République de Macédoine est une incitation à la réalisation des grandes idées nationalistes et constitue un exemple négatif et un précédent, non seulement dans les Balkans, mais aussi au-delà.
En tant que Président, je ne peux pas et ne permettrai pas de jouer avec la Constitution et les intérêts nationaux de la Macédoine, ni avec les sentiments des citoyens.
Je saisis cette occasion pour remercier le ministre hongrois des Affaires étrangères, M. Peter Szijjarto, qui a été parmi les premiers à soulever une initiative demandant au Conseil de l’UE de rejeter la plateforme de Tirana et de condamner l’ingérence d’un premier ministre étranger dans les affaires intérieures de la Macédoine.
La République de Macédoine a toujours investi dans la promotion de relations de bon voisinage. L’Albanie et le Kosovo sont nos amis et il est donc nécessaire de prendre des mesures spécifiques et communes pour promouvoir la confiance mutuelle.
En tant que démocratie multiethnique avec un modèle distinctif d’intégration sans assimilation, la République de Macédoine a toujours été et sera un exemple en Europe d’un haut niveau de coexistence et de respect pour toutes les communautés ethniques, avec toutes leurs différences linguistiques, religieuses et culturelles. Il y a eu des tentatives antérieures en République de Macédoine de provoquer des tensions interethniques, mais les citoyens sont capables de reconnaître ce qu’est la manipulation et quel est leur intérêt.
Compte tenu de la structure multiethnique des pays de la région des Balkans et des événements du passé récent, il est nécessaire que les dirigeants politiques prennent garde à la rhétorique qu’ils utilisent. Nous tous dans les Balkans devrions savoir que les solutions et le dépassement des différences sur certaines questions ne peuvent être recherchés que par le dialogue et les discussions et non par le chantage et les menaces. Notre région a besoin de paix, de coexistence, de confiance et d’intégration à l’OTAN et à l’UE. C’est seulement ainsi que nous contribuerons à la prospérité de tous nos citoyens.
Les efforts déployés en Macédoine et en Hongrie pour contrer l’influence et les activités politiques des ONG soutenues par Soros sont similaires. Quelles étapes désire suivre la Macédoine dans cette lutte et comment pouvons-nous coopérer ?
Il ne doit pas y avoir d’opinion unique dans le secteur civil et les abus des ONG ne doivent pas être autorisés.
En tant que professeur à la Faculté de droit, j’ai consacré de nombreuses années de ma vie à la société civile, avec des initiatives personnelles pour établir des fondations, des instituts, des organisations non gouvernementales afin d’aider la société à mûrir. Malheureusement, malgré des remarquables exceptions, aujourd’hui, ce secteur est dominé par les intérêts des partis et les intérêts des citoyens sont au bas de l’échelle des priorités de ces organisations. Il n’y a pas de décence publique minimale. Nous ne voyons pas que des ONG politisées, mais aussi des ONG ethniques, grâce à la pratique mise en oeuvre par certaines fondations étrangères pour le financement du secteur non-gouvernemental pour des raisons ethniques.
Je condamne toute tentative de politiser et de rendre partisan le secteur non-gouvernemental. Il est inacceptable que les ONG, financées par des fonds étrangers, travaillent selon un projet à des fins politiques et initient des activités qui impliquent une influence étrangère directe sur la politique interne d’un État souverain.
La société civile devrait amener du progrès et encourager un changement positif dans le pays. Au lieu de cela, il s’agit d’organisations qui, avec des actions diverses et sans aucune once d’autocritique, agissent de manière destructrice en ce qui concerne les intérêts nationaux et les intérêts des citoyens.
Un contrôle accru du travail et de la transparence dans le financement des ONG est donc nécessaire, pour dissiper le doute et faire la différence entre les ONG qui agissent pour l’intérêt des citoyens et celles qui e font que se draper du manteau de l’intérêt des citoyens.
La Macédoine joue un rôle crucial dans l’arrêt de la migration de masse illégale. Est-ce une des raisons pour lesquelles la stabilité de la Macédoine est attaquée?
Tous les pays sur la route des Balkans, y compris la République de Macédoine, ainsi que tous les pays qui font partie de l’Union européenne et sont la destination finale, sont confrontés à des risques de sécurité accrus, à la problématique de la migration illégale et à des menaces terroristes.
Les institutions compétentes de la République de Macédoine et les entités chargées de la gestion des crises surveillent quotidiennement la situation liée à la crise des migrants, l’évolution de l’accord entre l’UE et la Turquie ainsi que la situation dans les pays voisins. Des informations sont fournies quotidiennement afin d’éviter une possible deuxième vague de migration.
La crise des migrants multiplie les risques de sécurité et menace les relations de bon voisinage. La libre circulation des migrants et les contacts avec la population locale ne doivent pas être autorisés dans les régions où le radicalisme religieux est présent et où l’ont trouve des rapatriés de zones de conflit.
L’intention des migrants de se rendre sur les territoires d’Europe où il y a le plus grand pourcentage de radicalisation religieuse et de combattants terroristes étrangers et de se déplacer librement dans l’espace Schengen a été évaluée comme un risque élevé.
Cela fait un moment que je le dis, la crise des migrants et des réfugiés en Europe, ainsi que la situation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sont des enjeux et des défis qui vont non seulement nous préoccuper, mais aussi les générations futures dans les années, voire les décennies à venir.
Même avant la crise, à tous les événements internationaux et les réunions, j’ai insisté sur la nécessité que les services de sécurité commencent à échanger des données. Il est essentiel de renforcer les institutions de tous les pays des Balkans occidentaux par le biais de programmes de déradicalisation et de contre-radicalisation. C’est la seule façon de prévenir et d’élaborer rapidement des programmes et des plans de réponse.
Notre pays poursuivra le traitement humain des migrants, l’enregistrement et la prévention de l’immigration clandestine. La République de Macédoine agit conformément aux politiques et principes européens et souhaite faire partie de la famille européenne.
La République de Macédoine est le premier pays non-membre de l’Union européenne et de l’OTAN ayant déclenché la gestion de crise et déclaré une situation de crise face à la menace d’immigration illégale. Au milieu d’une profonde crise politique interne, nous traitons avec plus de succès la crise des migrants et des réfugiés que de nombreux pays européens qui ont été surpris et qui n’ont pas bien réagi.
Nous sommes confrontés à un paradoxe : la Macédoine, qui n’est pas membre de l’Union européenne, protège l’Europe de l’Union européenne. La République de Macédoine est en Europe, mais elle n’est pas membre de l’UE. Nous ne sommes pas membres de l’OTAN et de l’espace Schengen, mais nous protégeons l’Europe d’un État membre de l’UE qui n’a pas réussi à contrôler la crise des réfugiés et a simplement redirigé les réfugiés.
Comment évaluez-vous l’aide que vous recevez de l’UE et du V4 pour faire face à la migration de masse?
Je l’ai dit à maintes reprises et je répète que l’Union européenne a échoué sérieusement en ce qui concerne la crise des migrants. En ce qui concerne l’assistance, la vérité est que la Macédoine n’a reçu aucune aide financière de l’UE pour faire face à la crise, alors que l’équipement insignifiant reçu était largement inapproprié et insuffisant pour les besoins réels. Les institutions de l’Etat n’ont rien reçu. Les seuls dons en tant que fonds ont été alloués aux organisations internationales et aux ONG pour l’aspect humanitaire de la crise. L’État n’a rien vu de l’argent. Pour le déploiement de l’armée et de la police, nous dépensons plus de 1,5 million d’euros par mois. Jusqu’à présent, la République de Macédoine a dépensé environ 30 millions d’euros de son propre budget. La réaffectation de 10 millions d’euros des fonds de l’IAP pour 2016, 2017 et 2018 (nécessaires à la réforme européenne de la Macédoine) pour faire face à la crise des migrants illustre bien l’hypocrisie de Bruxelles. C’est tromper le public que de prétendre que l’Union a satisfait à nos demandes.
Les pays du Groupe de Visegrad – la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Pologne – ont fait preuve d’une plus grande attention et d’une plus grande disposition à coopérer avec la Macédoine. Tout d’abord, en envoyant des policiers, qui ont aidé la police frontalière macédonienne. Deuxièmement, nos autorités de sécurité ont eu une excellente coopération dans la gestion quotidienne de la crise et l’échange de données essentielles pour prévenir et faire face aux risques de sécurité posés par la crise. Troisièmement, nous avons reçu des dons bilatéraux de certains pays du Groupe de Visegrad. J’ai été invité au sommet extraordinaire du Groupe de Visegrad tenu à Prague, où la République de Macédoine a été également consultée et a participé à la recherche d’une solution négociée à la crise.
La Hongrie a joué un rôle constructif dans cette crise et a donné un exemple positif de partenariat et de coopération régionale fructueux et je tiens donc à exprimer ma gratitude.