Article paru dans le Magyar Nemzet le 10 novembre 2021
L’obtention d’un diplôme est un énorme investissement, aussi bien pour l’individu que pour la famille et l’Etat
Depuis le 1er octobre, il est redevenu possible de demander le crédit étudiant Diákhitel Plusz, introduit l’année dernière en raison de la situation épidémiologique, et qui, de tous les modèles de crédit étudiant testés jusqu’à présent, est celui qui a eu le plus de succès. Avec Péter Magyar, directeur du Diákhitel Központ (« Centre du Crédit étudiant »), nous avons parlé de cela, mais aussi des aides à la formation professionnelle et à la formation des adultes récemment instituées, de la situation de la jeunesse hongroise, ainsi que des opinions exprimées en Hongrie et à l’étranger sur ce modèle de crédit étudiant.
– Quel est le bilan de l’année dernière ? Combien de demandes avez-vous reçu pour cette aide instituée dans le contexte de l’état d’urgence ?
– Le programme Diákhitel Plusz a été mis en place en mai de l’année dernière par le gouvernement hongrois en raison des difficultés créées sur le marché du travail et dans le monde de la finance par l’épidémie de coronavirus. De nombreux étudiants se sont retrouvés dans une situation financière transitoire, mais difficile, étant donné que les grandes entreprises ont commencé leurs mises à pied par le personnel étudiant et stagiaire. Il s’est rapidement avéré que le lancement de ce produit sur le marché avait constitué une décision gouvernementale bien inspirée, une réponse adaptée au problème : dès les premières semaines, des milliers d’étudiants ont demandé à bénéficier de Diákhitel Plusz – 30 000 sur l’ensemble de l’année dernière. Sur recommandation du Diákhitel Központ, le gouvernement a décidé de prolonger jusqu’au 30 juin 2021 le délai pour la soumission des demandes, qui ne devait initialement s’étendre que jusqu’au 31 décembre 2020 : autre bonne décision, étant donné qu’au cours de ces six mois supplémentaires, 10 000 étudiants de plus ont choisi d’en bénéficier. On peut maintenant dire que Diákhitel Plusz est, de toute l’histoire du crédit étudiant, le produit qui a eu le plus de succès. Suite à de nombreux retours positifs, en vertu d’une décision gouvernementale prise sur recommandation des associations étudiantes et du Diákhitel Központ, depuis le 1er octobre, cette formule de crédit est à nouveau disponible.
– En quoi Diákhitel Plusz diffère-t-il d’autres produits de crédit étudiant ?
– Le point le plus positif, c’est qu’il conjugue toutes les caractéristiques les plus favorables des autres produits de crédit étudiant. Diákhitel Plusz est un prêt sans intérêts, sans conditions d’utilisation, qui peut aller jusqu’à un montant d’un demi-million de forints [1370€ – n.d.t.]. Il est cependant important de souligner que Diákhitel Plusz appartient à la catégorie des prêts dits prêts à annuités, ce qui signifie que c’est à l’étudiant de décider – au terme d’une année de grâce – de la durée de la période de remboursement, qui va de un à cinq ans. Depuis début octobre, les demandes affluent à nouveau : plus de 5 000 demandes nous sont déjà parvenues, en l’espace d’un seul mois. Diákhitel Plusz sera disponible jusqu’au 30 septembre 2022. Mais les produits classiques du crédit étudiant resteront bien entendu eux aussi sur le marché, à la disposition des étudiants. D’après des sondages que nous avons effectués sur des échantillons représentatifs au cours des vingt ans d’existence du Centre, la moitié des étudiants affirme en général penser que sans prêt étudiant, ils n’auraient pas pu finir leur études – ou n’y seraient parvenus qu’au prix de graves difficultés ; ces deux montages constituent donc en eux-mêmes une aide considérable. Pour beaucoup d’entre eux, le prêt étudiant n’est pas seulement une aide financière transitoire, mais amène de nombreux étudiants à fonder leur entreprise, et beaucoup s’en servent pour créer les conditions de leur futur travail.
– Ce qui signifie que cette aide permet à beaucoup de poser les fondations de leur avenir.
– Parmi les bénéficiaires du prêt, il y en a à peu près 50% qui le consacrent à des frais de logement, 25% à l’achat de cours, de manuels et d’instruments informatiques ou au financement d’études de langues étrangères, tandis que 25% le consacrent à d’autres dépenses de consommation. Mais il y en a aussi qui pensent déjà à leur avenir, et s’en servent pour lancer une startup, par exemple en achetant un scooter, qui leur permet de lancer une entreprise de livraison à domicile. A mon avis, de telles formes d’utilisation des fonds ne vont pas du tout à l’encontre de l’esprit du prêt étudiant, ni à l’encontre des objectifs du gouvernement.
– Une question qu’on entend souvent : peut-on recourir à Diákhitel Plusz quand on bénéficie par ailleurs d’autres aides, comme des aides aux familles ?
– Tout comme il est possible de contracter en parallèle plusieurs prêts étudiant de types différents – beaucoup de nos clients ont contracté Diákhitel1, puis Diákhitel2, et finalement Diákhitel Plusz –, il est naturellement possible de contracter des prêts étudiant parallèlement à d’autres aides, comme les aides aux familles. L’un des objectifs gouvernementaux était que le prêt étudiant s’intègre au système des aides aux familles, en incitant autant que possible un public aussi large que possible à fonder des familles : c’est la raison pour laquelle, en 2018, les mères de famille ont été dispensées du remboursement des prêts étudiants. Dans ce domaine comme dans d’autres, ce qu’on constate, c’est que le modèle hongrois fonctionne : les bénéficiaires de prêts étudiant sont de plus en plus nombreux, tandis que l’indice de natalité des jeunes diplômés est en hausse. Cela n’est bien sûr pas dû uniquement au non-remboursement des prêts étudiant, mais cette mesure n’a pu qu’y contribuer.
– Et si on essaie de chiffrer tout cela ?
– Près de 7 000 jeunes mamans, après la naissance du deuxième ou du troisième enfant, ont été exemptées du remboursement de 50% ou 100% de leur prêt étudiant, ce qui a représenté une dépense de plus de six milliards de forints [16.5 millions d’euros – n.d.t.]. Et cela ne s’arrête pas au cas moyen, dans lequel le Diákhitel Központ exempte l’emprunteur d’un remboursement allant de 1 à 2 millions de forints [de 2 740€ à 5 480€ – n.d.t.]. Prenons le cas d’une étudiante en médecine qui, n’ayant pas été sélectionnée pour bénéficier d’une bourse d’Etat, doit payer ses frais de scolarité : si, tout au long de cette scolarité, elle a choisi de financer le paiement de ces frais en recourant au prêt Diákhitel2, le total de sa dette peut s’élever jusqu’à 14 millions de forints [plus de 38 000€ – n.d.t.]. Si, après la naissance de son deuxième enfant, elle est exemptée du remboursement de 50% de cette somme, on parle déjà de 7 millions de forints [plus de 19 000€ – n.d.t.] ; et, après la naissance du troisième, c’est une dette de 14 millions de forints qui est effacée.
– Les programmes Diákhitel1 et 2, ainsi que Diákhitel Plusz sont déjà bien connus du grand public, mais à partir de cette année, le Diákhitel Központ propose aussi de nouveau prêts étudiants destinés à la formation.
– C’est un vieil arriéré de la politique éducative hongroise que nous liquidons en étendant aux jeunes qui ont choisi l’apprentissage les possibilités qui étaient déjà offertes à ceux étudiant dans le supérieur – en les étendant, aussi, aux classes d’âge supérieures, pour ceux qui – conformément à l’objectif de l’apprentissage tout au long de la vie – suivent une formation pour adultes. Avec les produits Képzési Hitel1 [« Crédit à la formation1 »] et Képzési Hitel2, le Diákhitel Központ étend ses activités aux domaines du financement des formations professionnelles et de la formation des adultes, qui diffèrent complètement du domaine du supérieur. C’est la dernière pierre qu’il fallait apporter à l’édifice pour obtenir un modèle complet de financement de l’enseignement, probablement unique en Europe. Les réductions fiscales destinées aux familles concernent naturellement aussi les prêts Képzési Hitel1 et 2. Képzési Hitel1 est un prêt sans conditions d’utilisation, dans le cadre duquel on peut demander jusqu’à 150 000 forints [410€ – n.d.t.] par mois – ce qui, sur un semestre, peut représenter un total allant jusqu’à 900 000 forints [2464€ – n.d.t.] –, et sur lequel on paie, comme dans le cas du produit Diákhitel1, des intérêts de 1,99%. Le produit Képzési Hitel2 est sans intérêts, comme le Diákhitel2, et permet de demander un maximum de 500 000 forints [1370€ – n.d.t.] à des fins de financement des frais de formation.
– Quels résultats attendez-vous du lancement de ces prêts formation ?
– Nous plaçons beaucoup d’espérances dans ces deux nouveaux produits. Ils signifient que désormais, nous contribuons réellement à l’objectif de l’apprentissage tout au long de la vie : ceux qui, par le passé, étaient dans l’impossibilité de changer de travail du fait de leur situation financière, ou parce qu’aucune des formations payantes qui les intéressaient n’était disponible sur leur lieu de domicile, ceux-là disposent à présent de ressources financières à ces fins. Ils peuvent désormais se permettre de s’absenter de leur poste de travail pour un semestre, voire pour un an, sans pour autant cesser de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, et suivre la formation qui fera d’eux un informaticien, un comptable, un masseur… – d’innombrables spécialités sont disponibles dans le système modernisé de la formation pour adultes. Ces deux prêts formation sont disponibles depuis le 31 mai de cette année, et nous constatons que les demandes sont de plus en plus nombreuses : de l’ordre de 100 à 200 par jour.
– Les jeunes sont-ils toujours en proie à la peur de tomber, une fois leurs études finies, dans le piège de la dette ?
– Comme il est question de prêts aux intérêts nettement inférieurs à ceux du marché, ou de prêts sans intérêts, et susceptibles à tout moment d’un remboursement anticipé sans frais supplémentaires, il n’est pas possible de rester piégé par la dette dérivant d’un prêt étudiant. Comme tout le reste de la société, les étudiants se rendent bien compte que, dans un contexte caractérisé par des taux de chômage historiquement bas et la dynamique d’augmentations de salaires qui dure depuis plusieurs années, parler du piège de la dette en rapport avec les prêts étudiant relève du mirage ; n’oublions pas non plus qu’en moyenne, le salaire d’un débutant jeune diplômé représente le double de celui des jeunes travailleurs du même âge issus du secondaire. L’obtention d’un diplôme est un énorme investissement, aussi bien pour l’individu que pour la famille et l’Etat ; pendant ses études, c’est là-dessus qu’il faut se concentrer, ce qui constitue un investissement fructueux. Les remboursements de prêts étudiant sont de plus en plus rapides et de plus en plus faciles : il y a quelques années, la moyenne des durées de remboursement se situait encore autour de dix ans, aujourd’hui, nous n’en sommes plus qu’à six ans. Le pays n’a jamais eu moins de jeunes chômeurs, ni d’augmentations de salaires aussi dynamiques que de nos jours. Au cours des cinq dernières années, le salaire moyen brut a augmenté de 10% par an en moyenne ; dans un tel contexte, le remboursement des prêts étudiant ne pose pas de problème. En contradiction avec la légende selon laquelle les demandes de prêt étudiant augmenteraient du fait que la situation financière des jeunes se détériore, on peut donc affirmer que c’est justement parce qu’ils considèrent, bien au contraire, leur avenir comme sûr et prévisible qu’ils n’hésitent pas à investir dans l’acquisition de savoirs susceptibles de les rendre plus compétitifs sur le marché.
– Cette année, le Diákhitel Központ a fêté son 20ième anniversaire : quel est son bilan ? En vingt ans, le prêt étudiant a-t-il facilité les études de beaucoup de jeunes ?
– Depuis la fondation du Centre, plus de 500 000 étudiants ont eu recours à l’une ou l’autre de nos offres de crédit. J’ai moi-même été, en 2001, l’un des premiers clients du Centre, et ce prêt étudiant est l’une des circonstances favorables qui m’ont permis de fréquenter une faculté de droit en Allemagne. Au début des années 2000, on a assisté à un bond en avant : le prêt étudiant était encore une nouveauté, et la situation financière de la grande majorité des familles était encore bien plus difficile qu’à l’heure actuelle – surtout entre 2002 et 2010. C’est pendant cette période que les intérêts prélevés sur les prêts étudiant ont été les plus élevés. Depuis 2010, en revanche, les intérêts ont constamment décru, jusqu’à atteindre leur niveau actuel – historiquement le plus bas – de 1,99%.
– Existe-t-il à l’étranger des exemples de système de prêt étudiant comparables au système hongrois ? Ou peut-on dire que la Hongrie est en avance quand il s’agit de faciliter les études des jeunes ?
– On peut le dire, sans fausse modestie : le modèle hongrois est absolument unique. C’est le premier gouvernement Orbán qui a créé le système du prêt étudiant hongrois en 2001, en s’appuyant sur l’expertise du créateur du système britannique, alors présent en Hongrie, et qui, il y a quelques années, a déclaré qu’aucun système de prêt étudiant au monde ne fonctionne aussi bien que le système hongrois. A titre d’épouvantail, on présente toujours le cas des Etats-Unis, où, l’accès à l’enseignement supérieur étant très cher, les étudiants contractent des prêts d’un montant astronomique auprès d’instituts de crédit guidés par la recherche du profit, qui proposent des conditions très différentes, et prélèvent des intérêts élevés. Quand la carrière d’un étudiant ne se déroule pas conformément à ses espoirs, c’est une famille tout entière qui peut être ruinée par cette dette dérivant d’un prêt étudiant. Même en Europe, il y a plusieurs pays où des instituts de crédit guidés par la recherche du profit, voire des banques d’Etat, proposent des prêts étudiant à des conditions bien plus dures. En Slovaquie, par exemple, les étudiants contractent des prêts en euro, aux intérêts plus élevés que ceux des prêts en forint des étudiants hongrois. Le système hongrois suscite l’intérêt des pays du V4, mais aussi celui de la Croatie et d’autres Etats-membres de l’Union, car nous proposons des conditions favorables sur l’ensemble du spectre de l’enseignement. On ne trouve nulle part ailleurs un système fonctionnant aussi bien, qui plus est couplé à des aides aux familles.
– En tant que directeur du Centre, comment voyez-vous la situation des jeunes d’aujourd’hui ? Quels sont les plus importants des paramètres que vous gardez à l’œil dans le cadre de votre travail ?
– Ce que je vois, c’est qu’on n’a jamais été aussi heureux en tant que jeune en Hongrie – et peut-être dans l’Union européenne tout entière : aujourd’hui, n’importe quel étudiant peut étudier la matière de son choix dans le pays de son choix. En Hongrie, il n’a jamais existé, à la disposition des étudiants, autant de types de bourses qu’à l’heure actuelle, ni de bourses d’un tel montant. La poursuite des études n’a jamais été soutenue par des prêts étudiant d’un spectre aussi large, ni avec des conditions aussi favorables que celles du système actuel. La Hongrie n’a jamais mis en place une gamme aussi large qu’aujourd’hui d’aides aux familles et de réductions fiscales pour favoriser l’insertion des jeunes sur le marché du travail, l’accès au domicile privatif et la fondation d’une famille. N’oublions pas qu’il est aussi possible de recourir au produit Diákhitel1 en vue d’étudier à l’étranger – du moins, au sein de l’Espace économique européen. De plus, les hongrois binationaux vivant à l’extérieur des frontière de la Hongrie actuelle ont aussi accès à ces prêts étudiant, et peuvent profiter des avantages de Diákhitel1. L’objectif est le suivant : même quand les jeunes quittent le pays pour étudier et travailler à l’étranger, nous voulons qu’ils y reviennent pour fonder leur famille. Les statistiques nous montrent que cette remigration est en cours : les salaires en hausse, l’amélioration constante des conditions de vie et les aides aux familles incitent les jeunes à revenir au pays. J’ai moi-même vécu neuf ans à l’étranger, j’y ai élevé des enfants, mon épouse et moi-même en sommes revenus riches d’expériences utiles, mais nous sommes contents d’être revenus chez nous, de travailler chez nous, de pouvoir vivre au plus près de nos familles et de nos amis. Pragmatiquement, il est utile que les jeunes fassent l’expérience de la vie à l’étranger, et, riches de cette expérience qu’ils rapatrient en même temps qu’eux-mêmes, se lancent dans une carrière en Hongrie. Si le Diákhitel Központ peut y contribuer, c’est une bonne chose, et j’espère que cela continuera en 2022.
Krisztina Kincses
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post