Article paru dans le Magyar Nemzet le 18 novembre 2021
Le mainstream de gauche libérale veut faire disparaître le système des valeurs conservatrices partout où il le peut.
L’entrée sur scène de l’idéologie progressiste a rompu l’équilibre du pluralisme médiatique – déclare, dans l’entretien qu’il a confié à Magyar Nemzet, le vice-ministre et directeur politique au sein du Cabinet du premier ministre, Balázs Orbán. Président du conseil de surveillance du Mathias Corvinus Collegium, il nous a aussi rappelé que deux tiers des Hongrois accordent une assez grande confiance à leurs médias.
– La semaine dernière, le Mathias Corvinus Collegium organisait une conférence de deux jours sur les médias, à laquelle se sont exprimés des invités de marque venus de l’étranger. Pourquoi avez-vous jugé bon d’organiser une telle série de dialogues ?
– Les transformations en cours dans le monde des médias concernent l’Occident tout entier, et la Hongrie n’y échappe pas non plus. Comme nous avons ces problèmes en commun, nous avons tout intérêt à entreprendre en commun aussi la recherche de solutions.
– Il s’agit d’une conférence internationale. Pourquoi ne peut-on pas se contenter de compétences nationales pour mettre de l’ordre dans les structures médiatiques ?
– Cela a peut-être l’air d’un cliché, mais c’est aussi une réalité : l’évolution technologique – concrètement : à partir des débuts de l’imprimerie et de la galaxie Gutenberg – a certes créé de nouvelles plateformes, mais sans rien changer à la situation de monopole dont jouissaient les médias dans le domaine de l’information. Au XIXe siècle, déjà, c’est par la plume des journalistes que les gens qui s’intéressent à la politique apprenaient ce qui se passe au Parlement ; plus tard, c’est la radio qui les a informés, puis la télévision – toujours avec la médiation de la presse. Bref : les médias ont toujours eu un rôle de tout premier plan dans l’information des citoyens – et par conséquent aussi une grande responsabilité : celle de devoir s’en tenir à l’objectivité. Mais tout cela a changé avec la propagation d’Internet, et surtout avec celle des réseaux sociaux : le monopole a disparu, si bien qu’aujourd’hui, n’importe qui peut devenir producteur de nouvelles ou de contenu médiatique. Les médias traditionnels, en revanche, ont perdu du terrain.
– On dirait pourtant que les acteurs de l’ancienne presse sont, pour la plupart, encore présents de nos jours.
– C’est exact. En revanche, les titres qui, il y a quelques décennies, représentaient encore des symboles de l’information crédible – du New York Times à la BBC –, sont entre temps très clairement entrés au service d’un programme politique progressiste.
– Quel est le rapport entre l’idéologie progressiste et la transformation des médias ?
– Aux défis susmentionnés, les milieux progressistes ont répondu par l’idée que les médias doivent à tout prix devenir des haut-parleurs politiques des conceptions progressistes de la gauche libérale, parce que c’est le seul moyen pour eux de conserver leur capacité d’influence, et pour ces médias de faire fonctionner leur modèle économique. Cela a totalement renversé la logique du pluralisme de l’information : jadis, le principe central des médias libéraux était la sacro-sainte objectivité des nouvelles, qu’il faut à tout prix distinguer de l’opinion ; le plus important, c’était la crédibilité de l’information ; alors qu’aujourd’hui, le principe central, c’est la défense du programme de l’idéologie progressiste libérale. Les conservateurs occidentaux se plaignent pratiquement tous, du premier jusqu’au dernier, d’avoir vu leurs opinions presque totalement bannies des médias mainstream. D’où l’importance de la mission de la presse conservatrice, qui est de compenser ce déséquilibre en voie d’apparition, et de s’assurer que les opinions qui divergent du mainstream puissent elles aussi s’exprimer. Il faut relever le gant, sans quoi nous sommes partis en direction d’un monde de type « orwellien soft ».
– Dans cette situation, que peut faire l’Etat ?
– Sa mission est double : d’une part, protéger la liberté d’expression, car il n’est pas tolérable que des déclarations soient censurées en vertu de critères idéologiques ; d’autre part, agir d’une façon ou d’une autre contre celles des opinions qui vont à l’encontre du droit. Ce sont là des tâches qu’on ne peut pas sous-traiter à des plateformes médiatiques – l’Etat doit prendre part à la sécurisation des espaces publics et faire respecter la loi. C’est là, à vrai dire, la position de l’Occident tout entier – à l’exception de ceux qui ont intérêt à entretenir le trouble qui règne actuellement.
– Est-ce aussi la tendance qu’on observe en Hongrie ?
– Dans nos pays d’Europe centrale, la situation est moins grave qu’en Occident – pour des raisons qui tiennent avant tout aux expériences historiques des uns et des autres. D’après les études disponibles, 95% des hongrois adultes – soit presque huit millions de personnes – sont des consommateurs réguliers de contenus médiatiques ; qui plus est : sur ces huit millions, six millions puisent leurs informations à plus d’une source. Ce qui signifie qu’il existe une majorité de hongrois qui – conservant les réflexes formés sous le communisme – font preuve de prudence face à l’avalanche d’informations que déversent les médias, s’intéressent à toutes les opinions, et ne choisissent qu’après coup celle qu’ils vont trouver la plus crédible. En Europe occidentale, en revanche, on assiste à la formation de bulles, hermétiques les unes aux autres. D’après des données européennes, 63% des Hongrois accordent une grande confiance ou une confiance moyennement grande aux médias, chiffre qui dépasse la moyenne de l’Union, alors que chez les Allemands ou les Danois, par exemple, les groupes correspondants représentent une proportion bien moindre de la population.
– Comment les intellectuels de droite peuvent-ils descendre dans cette arène ?
– Il faut s’assurer de ce que les voix venant de la droite disposent de suffisamment de poids pour parvenir elles aussi à l’oreille des Hongrois, de façon à ce que ces derniers puissent entendre les deux sons de cloche. Compte tenu du fait que ce gouvernement fonde ses politiques sur les opinions exprimées par les gens, nous ne pouvons qu’espérer que les citoyens hongrois nous feront à nouveau l’honneur de nous accorder leur confiance.
Des invités mondialement connus
Les jeudi et vendredi de la semaine dernière, le Mathias Corvinus Collegium a organisé une conférence internationale de deux jours intitulée Liberté d’expression à l’ère du numérique, destinée à examiner, en compagnie d’intervenants venus de divers pays et reconnus dans leurs spécialités, le rôle de la presse dans la société actuelle, le pouvoir des réseaux sociaux et les effets à long terme de la cancel culture. Venus de l’étranger, on y a entendu parler de leur expérience des intervenants comme Birgit Kelle, journaliste à Die Welt ; Gladden Pappin et Julius Krein, cofondateurs de American Affairs ; Matyas Zrno, éditorialiste principal de la section internationale de CNN Prima News, ou encore Ralf Schuler, reporter en chef du bureau parlementaire berlinois du journal Bild.
Gábor Hertelendy
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post