Washington en voie de retirer ses bombes nucléaires de Turquie, un article originellement publié sur Euractiv.com.
Selon deux sources, les États-Unis ont commencé à déplacer des armes nucléaires de Turquie vers la Roumanie, en raison du refroidissement des relations entre Washington et Ankara.
Le transfert des armes nucléaires stationnées en Turquie entamé par les États-Unis représente un défi, autant sur le plan technique que sur le plan politique, a expliqué une source à EurActiv. « Déplacer plus de 20 bombes atomiques, ce n’est pas facile », assure cette personne, sous le couvert de l’anonymat.
Selon un rapport récent du Simson Center, quelque 50 armes nucléaires tactiques américaines ont été stationnées sur la base aérienne d’Incirlik, en Turquie, depuis la fin de la guerre froide. Incirlik se trouve à une centaine de kilomètres de la frontière syrienne.
Pendant la tentative de coup d’État, en juillet, la base a été privée d’électricité, et le gouvernement turc a interdit aux appareils américains d’atterrir ou de décoller du territoire. Le commandant de la base a finalement été arrêté et accusé d’être impliqué dans la tentative de putsch. Il est impossible de dire si les États-Unis auraient pu garder le contrôle des armes nucléaires en cas de conflit civil prolongé, selon le rapport.
Une autre source a indiqué à EurActiv que les relations entre la Turquie et les États-Unis s’étaient tellement détériorées après le 15 juillet que Washington ne faisait plus assez confiance à Ankara pour laisser ces bombes sur le territoire national. Les armes américaines doivent donc être transférées vers la base aérienne de Deveselu, en Roumanie, a expliqué cette source. Cette base proche de la ville de Caracal abrite également depuis peu le bouclier antimissile américain, ce qui a provoqué la colère de Moscou.
Durant la guerre froide, la Roumanie était un allié de l’URSS, mais n’a jamais accueilli d’armes nucléaires. Le stationnement de bombes nucléaires américaines si proches de la Russie ne devrait pas plaire à Moscou. Le placement de missiles nucléaires russes à Cuba en 1962 a été le point le plus dangereux de la guerre froide.
EurActiv a contacté le département d’État américain et les ministères des Affaires étrangères turc et roumain, afin d’obtenir leur réaction. Les représentants turcs et américains ont promis de répondre. Après plusieurs heures, le département d’État a cependant annoncé que la question serait redirigée vers le département de la Défense. EurActiv publiera le commentaire du ministère dès que possible.
Dans une réponse soigneusement diplomatique, l’OTAN a pour sa part expliqué que les alliés doivent s’assurer que les armes nucléaires américaines déployées en Europe restent « sûres ».
« Quant à votre question, merci de vous référer au communiqué du sommet de l’OTAN à Varsovie, paragraphe 53 : ‘La position de dissuasion nucléaire de l’OTAN repose également, en partie, sur les armes nucléaires des États-Unis déployées en Europe et sur les capacités et infrastructures fournies par les alliés concernés. Ces alliés s’assureront que toutes les composantes de la dissuasion nucléaire de l’OTAN sont en sécurité et en état de marche’ », a réagi un porte-parole de l’organisation.
Le sommet de Varsovie s’est déroulé entre le 7 et le 9 juillet, quelques jours avant la tentative de coup d’État. À l’époque, la plus grande menace pesant sur les bombes atomiques était leur proximité avec la frontière syrienne et les multiples attentats commis en Turquie ces derniers mois. Selon Ankara, certains de ces attentats ont été orchestrés par Daesh, d’autres par le PKK, l’organisation militaire kurde considérée comme terroriste également par l’Europe et les États-Unis.
Déni roumain
Le ministère des Affaires étrangères roumain a pour sa part énergiquement nié l’arrivée des armes nucléaires sur son territoire. « En réponse à votre demande, le ministère des Affaires étrangères rejette fermement l’information à laquelle vous faites référence », a répondu un porte-parole.
Selon la pratique mise en place durant la guerre froide, la présence d’armes nucléaires américaines sur le sol européen n’est jamais officiellement confirmée. Leur présence, notamment en Allemagne, en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas, est cependant connue.
Les relations entre les États-Unis et la Turquie n’ont jamais été aussi tendues depuis l’accession de la Turquie à l’OTAN, en 1952. La Turquie assure en effet que le gouvernement américain soutient Fethullah Gülen, un intellectuel turc exilé aux États-Unis, accusé par les Turcs d’avoir organisé la tentative de putsch. La Turquie exige donc son extradition, un sujet qui devrait être au centre de la visite du vice-président américain, Joe Biden, en Turquie le 24 août.
Dans une opinion publiée sur EurActiv le 17 août, Arthur H. Hughes, ancien ambassadeur américain, assure que l’intellectuel a en effet reçu une aide considérable de la CIA.
La Russie a capitalisé sur le refroidissement des relations Turquie-États-Unis, et certains États occidentaux craignent un rapprochement entre Recep Tayyip Erdoğan, qui a déclaré se sentir abandonné par les États-Unis et l’UE, et Vladimir Poutine.