Par Olivier Bault.
Pologne – Au 26 e Forum économique de Krynica, où Jaroslaw Kaczyński et Viktor Orbán ont appelé à une contre-révolution culturelle en Europe, les liens étroits entre les partis PiS et Fidesz actuellement au pouvoir en Pologne et en Hongrie ont été particulièrement soulignés, et le gouvernement conservateur polonais a eu l’occasion d’expliquer sa politique économique qui s’inspire en partie de la politique menée en Hongrie depuis 2010.
Car comme la Hongrie avant elle, la Pologne veut, par une politique de patriotisme économique revendiquée à Krynica par le premier ministre Beata Szydło, éviter les pièges auxquels sont aujourd’hui confrontés la plupart des ex-pays de l’Est. Le premier piège, c’est le « piège du revenu intermédiaire », c’est-à-dire le risque d’une croissance à long terme trop faible pour rattraper le niveau économique de l’ancienne Europe de l’Ouest, globalement toujours deux fois plus riche 26 ans après la chute des régimes communistes. Le deuxième piège, c’est le poids excessif du capital étranger qui est en Pologne à l’origine de 50 % de la production industrielle et qui détient 65 % du secteur bancaire. Ceci entraîne notamment un transfert des bénéfices vers l’étranger à hauteur de 5 % du PIB l’an.
Pour rééquilibrer la situation, le plan Morawiecki, du nom de l’actuel ministre du Développement polonais, veut rompre, comme l’a fait la Hongrie avant elle (ce qui lui a évité de partager le sort de la Grèce) avec le Consensus de Washington qui veut que les pays doivent s’ouvrir sans réserve au commerce international et au capital étranger et que l’État doit vendre au secteur privé tous les moyens de production, qui bien sûr tombent ainsi en grande majorité entre les mains du capital étranger.
Au contraire, l’État polonais entend soutenir activement la réindustrialisation du pays en concentrant son soutien dans les branches où la Pologne peut acquérir un avantage compétitif, comme l’industrie aéronautique, automobile, navale, chimique et agroalimentaire, ainsi que la fabrication des meubles et le secteur des technologies de l’information et de la communication.
C’est plus que l’équivalent de 200 milliards d’euros que la Pologne prévoit d’investir dans les prochaines années pour soutenir l’activité et l’innovation dans l’industrie, et la moitié de ces fonds proviendraient des subventions européennes.
Pas sûr toutefois que cela plaise aux grands groupes allemands ou français qui préfèrent voir la Pologne et les autres pays de la région comme des centres d’assemblage à bon marché et de consommation de leurs produits plutôt que comme des concurrents sérieux sur les marchés internationaux. Ce nouveau patriotisme économique polonais explique probablement en partie, avec les taxes supplémentaires sur la grande distribution et le secteur bancaire, aux mains du capital étranger, les attaques dont fait l’objet le gouvernement de Beata Szydło comme avant lui le gouvernement de Viktor Orbán en Hongrie.
Mais aux yeux de l’actuel gouvernement polonais, qui n’a sans doute pas tort, dans l’Union européenne « la réalisation à tout prix des intérêts particuliers des États et des grandes entreprises » passe avant « les idées de coopération, de marché commun et d’unification économique », selon les termes employés par le ministre du Trésor polonais Dawid Jackiewicz à Krynica. Pour le premier ministre Beata Szydło, le patriotisme économique, c’est la promotion de la Pologne par l’économie et l’industrie.