« À contre-courant de l’UE, la Pologne fait le pari de la démographie et abaisse l’âge des retraites », par Olivier Bault.
Pologne – C’était une des promesses de campagne du PiS et du président Andrzej Duda : ramener l’âge de la retraite de 67 à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. C’est-à-dire à l’âge de la retraite d’avant la réforme du gouvernement PO-PSL réalisée en 2012. Cette année-là, le gouvernement de Donald Tusk et sa majorité parlementaire, constituée du parti libéral PO et du parti agraire PSL, avaient en effet imposé une augmentation progressive de l’âge de la retraite jusqu’à 67 pour les hommes comme pour les femmes. Cette réforme avait suscité de très grosses manifestations car elle n’avait absolument pas été mentionnée dans le programme de la campagne législative de ces deux partis. Le parti conservateur PiS avait alors promis que, une fois au pouvoir, il reviendrait sur cette réforme. C’est donc ce qu’il a fait mercredi 16 novembre en votant à la Diète un projet de loi présidentiel en ce sens par 262 voix pour et 146 contre.
Il faut toutefois préciser que les pensions de retraite sont pour beaucoup de Polonais très réduites et qu’avec la loi votée le 16 novembre ils pourront prendre leur retraite plus tôt mais pourront choisir de continuer à travailler pour cotiser plus longtemps et améliorer leur retraite. Le PiS a en outre voté cette année une augmentation de la pension de retraite minimale de 120 zlotys, et cette pension minimale sera donc de 1.000 zlotys/mois (soit environ 230 €/mois) à partir du 1er janvier 2017.
La Pologne a un système de retraite par répartition depuis que le gouvernement de Donald Tusk, confronté à des difficultés budgétaires, a décidé de revenir sur la réforme de 1999 qui avait instauré un système mixte avec une partie des cotisations qui alimentait le système de répartition et une partie qui était capitalisée dans des fonds communs de retraite privés. Le gouvernement PO-PSL a réduit en deux temps, à partir de 2011, la partie capitalisation avant de réintégrer dans le système de Sécurité sociale polonais la majeure partie des économies des futurs retraités accumulées au sein des fonds de retraite. C’est aussi ce qu’avait fait Viktor Orbán en Hongrie, à cette différence près que Viktor Orbán avait été très critiqué par Bruxelles et les médias européens même si cette décision avait contribué à réduire les déficits publics de la Hongrie, tandis que Donald Tusk n’a pas été critiqué même si les déficits publics polonais ont continué de croître sous le gouvernement PO-PSL après avoir puisé dans les fonds de retraite.
Ceci dit, le PiS n’a jamais été très favorable au système par capitalisation pour une raison bien simple : les gestionnaires privés de ces fonds de retraite s’en mettent plein les poches et du coup il ne reste pas grand chose pour les futurs retraités. Ainsi, sur la période 1999-2008, les fonds communs de retraite ont prélevé près de 9 % de la valeur des cotisations d’épargne transférées par le ZUS, soit 10,5 milliards de zlotys sur 120 milliards !
Conformément à son programme électoral, les conservateurs polonais ont donc choisi de faire le pari d’une redynamisation de la démographie qui est désastreuse. Avec seulement 1,3 enfant par femme, la Pologne a un des taux de fécondité les plus faibles au monde. Cependant, différentes études et sondages montrent que beaucoup de parents aimeraient avoir plus d’enfants mais considèrent ne pas pouvoir s’en sortir financièrement. Et ce d’autant plus que les salaires étant plutôt bas en Pologne, les deux parents sont généralement forcés de travailler pour pouvoir boucler les fins de mois. Il est d’ailleurs caractéristique que les Polonaises installées par exemple en Grande-Bretagne ont un taux de fécondité nettement supérieur à celles restées au pays. En Pologne, d’après les chiffres de l’office national de la statistique (GUS), en 2012 un quart des familles avec 4 enfants ou plus vivaient avec un revenu par tête en dessous du minimum vital.
C’est donc ce problème que vise le programme « 500+ » mis en place au printemps. Ce programme, ce sont en fait les premières allocations familiales depuis la transition démocratique de la Pologne au début des années 90 : 500 zlotys (environ 120 €) versés chaque mois aux familles pour chaque enfant à partir du deuxième, sans condition de ressource (et sous condition de ressources pour le premier enfant). La première conséquence positive de ces allocations familiales, c’est une réduction spectaculaire de l’extrême pauvreté, qui aurait, selon la Banque Mondiale, baissé cette année, grâce au programme « 500+ », de 8,9 à 5,9 % de la population. Pour la démographie, c’est un peut tôt pour voir les effets de cette nouvelle politique familiale, qui comprend déjà ces allocations familiales et aussi le programme « Mieszkanie+ » facilitant l’accès au logement des familles, mais les premiers signes sont plutôt encourageants : au premier semestre 2016, selon le GUS, il est né 186.000 enfants contre 181.000 au premier semestre 2015, et le nombre de mariage a augmenté de 4.200 tandis que les divorces sont en baisse de 3.400 par rapport au premier semestre 2015.
Un des arguments contre l’augmentation de l’âge de la retraite, c’était d’ailleurs son impact négatif potentiel sur les naissances. En effet, avec les deux parents qui travaillent, le rôle des grands-parents retraités est essentiel pour les familles qui souhaitent avoir plus d’enfants mais ne peuvent pour cela se contenter d’un seul salaire. Un autre argument, auquel les partisans d’un report de l’âge de la retraite ne répondent généralement pas, c’est que, en Pologne comme ailleurs, beaucoup de seniors sont au chômage et ne parviennent de toute façon pas à retrouver un travail.
Quoi qu’il en soit, la politique du PiS ne sera payante que si les Polonais et les Polonaises se remettent à faire plus d’enfants. La Pologne a au moins le mérite d’essayer, plutôt que de se tourner vers l’immigration de remplacement comme les pays d’Europe occidentale.
Olivier Bault.