Hongrie, Budapest – Des élus de 8 pays d’Europe centrale et orientale ( Hongrie, Croatie, Pologne, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie, Lettonie et Estonie) ont lancé une initiative citoyenne européenne pour une « union des salaires », c’est-à-dire, en vue d’harmoniser les salaires au niveau européen. La réunion des représentants et la signature de l’initiative ont eu lieu à Budapest le 14 mars.
Le projet a été lancé par le Jobbik, parti populiste de droite radicale hongrois. Aucun projet de cette ampleur, réunissant autant de pays de cette région n’a eu lieu jusqu’à maintenant, a souligné le président du Jobbik, Gábor Vona. L’initiative en soit, selon le président du Jobbik, ne porte pas que sur les salaires en soi, mais aussi sur la compétitivité des entreprises locales, sur une nouvelle politique de cohésion, sur une nouvelle Union européenne, plus solidaire, où les pays d’Europe centrale et orientale se sentiraient aussi « chez eux ». Il a également souligné que cette initiative n’est pas orientée contre l’Europe occidentale. Il ne s’agit pas de demander une aumône, a-t-il dit, mais de faire en sorte que la communauté européenne assure des conditions similaires à tous ses membres. Il a également souligné, en guise de critique, que la flux de travailleurs ne se fait que dans un sens, et que « l’union des prix s’est faite, mais pas celle des salaires », soulignant la hausse des prix en Europe centrale et orientale, sans pour autant de réévaluation des salaires suffisante.
« L’initiative lancée aujourd’hui porte sur l’avenir de l’Europe. Le renforcement de l’Europe centrale et orientale est également important pour l’Europe de l’Ouest », a conclu Gábor Vona.
Les écarts salariaux en Europe sont la cause de l’émigration
Le président de la conférence, Márton Gyöngyösi, député national du Jobbik, a déclaré que « le temps est venu qu’à la place de nos gouvernements, qui ne veulent ou ne peuvent le faire, nous assumions cette tâche au sein de l’Union européenne, et que nous attirions l’attention sur le sujet, en disant que nous voulons justice et équité ».
La député européenne Krisztina Morvai a également pris la parole, et a relevé une contradiction intéressante dans le fait que l’Union européenne souhaite légiférer sur tout, mais pas sur les questions liées à l’écart de niveau de vie.
Les participants à la conférence ont ensuite signé l’initiative lors de la conférence de presse. « Nous, soussignés, savons grâce à l’Histoire, que nous avons une destinée commune. En ce jour, nous assumons une destinée commune également pour l’avenir. Le XXe siècle a apporté un océan de douleurs à nos nations, mais nous sommes déterminés à unir nos forces pour que le XXIe siècle nous permette d’apporter paix, justice, sécurité et prospérité pour chacun de nous », peut-on lire dans la déclaration.
Márton Gyöngyösi a rappelé que les pays d’Europe centrale et orientale partagent une destinée commune en particulier depuis les années 90. Ils se sont dépouillés du communisme en voulant rejoindre l’Europe occidentale, et ainsi notamment en réduisant les écarts de niveau de vie. Cela n’a cependant pas pu se produire car la politique économique de la région, dont ces pays faisaient partie, n’a pas cherché à combler les écarts mais à les creuser.
Cette honte est la faute des élites politiques, étant donné que les gouvernements auraient pu porter ces problèmes à l’attention de l’Union européenne, mais ne l’ont pas fait, a-t-il rajouté. Selon le politicien hongrois, cette initiative rendrait justice à l’Europe centrale et orientale, et attirera l’attention de l’Europe de l’Ouest sur cette grave inégalité. Enfin, il a prévenu : les inégalités au niveau européen peuvent conduire à la désagrégation du continent.
Les signataires ont également convenu que dans de nombreux cas, les pays ayant rejoint l’UE ont été floués et déçus. Dans la région centre-orientale, le salaire moyen est toujours très en dessous de ce qu’il est à l’Ouest. Le vol de cerveaux est permanent, ainsi que la captation des travailleurs hautement qualifiés par l’Europe occidentale. Ces phénomènes peuvent être contrés par l’égalité salariale au niveau européen, selon les signataires.
G. Vona, le président du Jobbik, a déclaré le 18 décembre dernier sa volonté de lancer un combat pour l’égalité salariale européenne. Pour que cette question arrive dans l’ordre du jour de la Commission européenne, il est nécessaire de réunir au moins un million de signatures de sept pays différents. Dans les semaines passées la délégation des affaires étrangères du Jobbik a fait une tournée européenne pour trouver des alliés dans ce projet. Différents parlementaires et élus locaux de sept autres pays ont ainsi participé à cette conférence, qui marque le début d’un combat civil au niveau européen.
Commentaire de Ferenc Almássy, présent à la conférence de presse et qui a pu s’entretenir avec plusieurs signataires pour le Visegrád Post.
Peu de chances que ça aboutisse, mais beaucoup de chances de faire du bruit !
Par Ferenc Almássy.
Bien entendu, les signataires ne sont pas naïfs. Il apparaît évident que l’UE ne mettra pas en place de législation poussant à une harmonisation des salaires chez les 28 – ou plutôt 27.
Si toutefois cela arrivait, ce serait cependant signe d’un changement majeur en Europe, et une victoire pour les centre-européens. Mais également une victoire de taille pour le Jobbik, déjà en campagne contre le Fidesz d’Orbán en vue des élections de 2018. Le parti de droite radicale reproche d’ailleurs au premier ministre conservateur de ne pas vouloir changer cet état de fait. Le porte-parole de ce projet, Márton Gyöngyösi, souligne aussi que cette situation d’inégalités salariales en Europe est également un mal pour l’Europe occidentale, qui souffre ainsi d’un véritable dumping social constant, et espère à demi-mots voir son projet soutenu par des Européens de l’Ouest.
Mais revenons au cas le plus probable : l’absence de toute légifération en la matière. Il faudra alors que la Commission européenne explique son refus, ce qui s’avérera très intéressant quant au choix des justifications…
L’économie périphérique qui fait des pays d’Europe centrale et orientale des colonies de premier niveau, pourrait-on dire, ne peut pas durer éternellement devant les volontés et les crises dénoncées par les signataires.
À terme, ce sera donc soit un nouveau paradigme économique pour l’UE, soit la dislocation de l’UE. Et en cela, les instigateurs de cette initiative citoyenne ont été bien malins de prendre les devants, jouant le premier coup.
On saluera aussi la choix du slogan de cette campagne pour l’harmonisation des salaires européens : « à travail égal, salaire égal » !