Par Olivier Bault.
Pologne – « Les amis de Madame Le Pen, ses alliés, vous les connaissez : ce sont les régimes de Messieurs Orbán, Kaczyński, Poutine. Ce ne sont pas des régimes de démocratie ouverte et libre. Nombre de libertés y sont bafouées chaque jour et, avec elles, nos principes. » (extrait du discours du 1er mai d’Emmanuel Macron). Quelles libertés ? On ne le sait pas, mais cette phrase a fait la Une de tous les médias polonais cette semaine.
Le candidat de François Hollande et de Manuel Valls à la présidentielle avait déjà largement fait parler de lui sur les bords de la Vistule la semaine précédente avec sa promesse d’introduire des sanctions contre la Pologne dans les trois mois de son investiture s’il gagne le vote du second tour. Des sanctions motivées par la délocalisation de Whirlpool, mais qui porteraient sur un prétendu non-respect par la Pologne des « principes » de l’Union européenne : « Sur le dossier de Whirlpool, dans les trois mois qui suivront mon élection, il y aura une décision prise sur la Pologne. Je mets ma responsabilité sur la table sur ce sujet », déclarait le candidat de substitution des socialistes et désormais de l’UMPS dans la Voix du Nord le 27 avril en évoquant l’utilisation de l’article 7 du Traité de l’UE qui prévoit la suspension d’un pays dans ses droits d’État membre.
Avant même d’avoir été élu, le candidat Emmanuel Macron a donc réussi à se brouiller avec la Pologne et la Hongrie, les deux pays leaders en Europe centrale et orientale. Son éventuelle élection à la présidence de la République française promet donc des relations compliquées avec l’ex-Europe de l’Est. Comme avec Macron, il existe des divergences profondes de ces pays avec la chancelière allemande Angela Merkel, notamment sur les questions d’immigration, mais jamais celle-ci n’a tenu de tels propos, et les relations de l’Allemagne avec ces pays restent bonnes et compatibles avec la coopération au sein de l’Union européenne, ce qui est tout de même la moindre des choses quand on se veut « pro-européen ».
Pour une France présidée par Emmanuel Macron, les choses seront plus difficiles. Le président polonais Andrzej Duda a énoncé très clairement la chose le 3 mai dans une interview à la télévision TVP :« Pour ce qui est du candidat à la présidence française Macron, vu ses déclarations, s’il gagne les élections présidentielles il faudra qu’il commence à travailler au rétablissement de la confiance de la Pologne à son égard et à l’égard de la France ». Le ministère des Affaires étrangères polonais a quant à lui réagi au discours du 1er mai d’Emmanuel Macron dans un communiqué officiel : « Nous suivons avec intérêt la campagne électorale en France en raison de l’importance de ce pays pour l’avenir de l’UE. Dans ce contexte, nous avons le regret de remarquer qu’une fois de plus au cours de cette campagne présidentielle en France, un pays allié qui appartient comme la Pologne à l’OTAN et à l’Union européenne, un candidat aux plus hautes fonctions a recours à des comparaisons et à des raccourcis intellectuels inadmissibles qui induisent l’opinion publique en erreur. […] Les valeurs et les principes d’une démocratie libre sont respectés en Pologne. Parmi les valeurs fondamentales présentes dans la culture et la tradition politique polonaises depuis plusieurs centaines d’années, il y a le respect et la tolérance pour ceux qui ont des opinions politiques différentes […]. Nous attendons du futur président français, quel que soit le candidat qui gagne ces élections, qu’il effectue une analyse approfondie avant de formuler des jugements sur la politiques d’autres États et qu’il éclaircisse ses éventuels doutes dans le cadre des contacts bilatéraux. »
Vu de Pologne, un pays largement favorable à l’Union européenne même s’il ne partage pas la vision fédéraliste de l’Europe à deux vitesses d’Emmanuel Macron, le candidat de l’UMPS apparaît désormais comme une menace pour la cohésion de l’UE. Du point de vue des intérêts polonais, il n’y a pas de bon choix dimanche entre une Marine Le Pen qui retirerait la France du commandement intégré de l’OTAN et qui pourrait causer un Frexit et un Emmanuel Macron qui lance des attaques inédites contre deux pays membres de l’UE avant même d’avoir été élu.