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Initiative des Trois Mers : Trump soutient le projet à Varsovie

Temps de lecture : 4 minutes

Pologne, Varsovie – La Pologne a reçu le président américain Trump au sommet des représentants des pays de l’Initiative des Trois Mers, récent projet d’Europe centrale. Une réunion « incroyablement réussie », selon Donald Trump.

Pour sa première conférence de presse à l’étranger, le président américain Donald Trump est venu les 5 et 6 juillet à la capitale polonaise de Varsovie. Il a assisté à la réunion de l’Initiative des Trois Mers – réunissant les pays baltes, la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, l’Autriche, la Slovénie, la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie -, organisée par la Pologne.

« L’Amérique est impatiente d’élargir notre partenariat avec vous. Nous nous félicitons des liens plus forts liés aux échanges et au commerce au fur et à mesure que vous développez vos économies et nous nous engageons à sécuriser votre accès à d’autres sources d’énergie, de sorte que la Pologne et ses voisins ne soient plus jamais l’otage d’un seul fournisseur d’énergie », a déclaré le président américain se référant à l’ancien monopole russe du gaz fournissant dans la région.

D’un projet économique à un projet politique?

La Pologne et la Croatie ont lancé l’Initiative des Trois Mers (I3M) il y a un an. Tous les douze membres de l’I3M étaient – hormis l’Autriche – sous la domination de l’URSS jusqu’à la chute du rideau de fer. Depuis 2007, tous font partie de l’Union européenne, mais restent moins riches et développés que les États membres de l’Ouest. De plus, la plupart des routes, les pipelines et les services ferroviaires critiques prennent place dans un couloir est-ouest, principalement en raison de l’ancienne domination soviétique et de l’actuelle domination allemande de la région.

L’objectif de l’I3M est donc d’améliorer l’infrastructure et le commerce, et de développer davantage et de meilleures connexions en matière d’énergie, de transport et de communications numériques le long d’un axe nord-sud, de sorte que les membres du groupe bénéficient de plus d’échanges et d’investissements mutuels tout en renforçant leurs liens et accroissant la cohérence régionale.

L’I3M a déjà de grands projets ; la Via Carpathia, une massive autoroute reliant la mer Baltique (Klaipėda, Lituanie) à la mer Égée (Thessalonique, Grèce) ; les terminaux de GNL connectés par pipeline, de la Croatie à la Pologne (la Croatie prévoit de terminer la construction de son terminal de GNL à Krk en 2019) ; et la construction du pipeline de la mer Noire à travers la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche. Tous ces projets d’infrastructures lourdes plaisent également la Chine, qui investit de plus en plus dans la région et participe également à certaines améliorations de l’infrastructure, tant pour les intérêts de l’Europe centrale que de ceux de la Chine.

Cependant, certaines voix critiquent le projet de l’initiative des Trois Mers. En tant que noyau de l’I3M, le V4 (le groupe Visegrád : Pologne, Tchéquie, Slovaquie, Hongrie) mène une lutte anti-fédéralisation et refuse la politique migratoire de l’UE, et des observateurs craignent que l’I3M ne devienne une extension du V4 qui pourrait mener à une dislocation de l’UE.

Plan américain? Programme de domination polonaise? Réponse à l’Europe à deux vitesses?

Le sommet de Varsovie, auquel a participé Donald Trump, a soulevé de nombreuses questions. L’I3M est assez proche du projet polonais de Miedzymore (Entre-Mers) connu sous le nom d’Intermarium. Par voie de conséquence, certains observateurs politiques voient ce nouveau projet, dirigé par le gouvernement conservateur polonais (PiS – Droit et Justice) actuellement au pouvoir – et qui est proche de Trump et de ses politiques, et se méfie des néo-cons -, comme moyen d’assurer la domination régionale avec le soutien des États-Unis. La Pologne a la plus grande armée d’Europe centrale et sa principale économie.

Les commentateurs rappellent également que l’Intermarium est une sorte de dispositif géopolitique anti-russe. Proposé pendant l’entre-deux-guerres, l’Intermarium visait à bloquer et à contrer l’Union soviétique. Il faut cependant noter une différence de taille entre ces deux projets : alors que l’Intermarium comprenait l’Ukraine, ce n’est pas le cas de l’I3M qui s’étend plus vers l’Ouest couvrant toute l’Europe centrale et les Balkans orientaux, rajoutant une cote au projet.

La Pologne et la Croatie sont également connues pour avoir de bonnes relations de long terme avec les États-Unis. Des lors le soupçon pèse sur l’I3M, en tant que projet lancé par la Croatie – et plus exactement par son actuel président, Kolinda Grabar-Kitarović, ancien officier de l’OTAN – et la Pologne – l’un des plus ardents partisans de l’OTAN – qu’il puisse servir d’une structure servant également les plans américains.

Même si la relation entre les États-Unis et la Russie montre une amélioration relative depuis le début de la présidence de Trump, beaucoup soupçonnent que les États-Unis souhaitent encore disposer d’une zone tampon européenne aux portes de la Russie. Et ils font valoir leur point de vue en rappelant le récent complexe américain de missiles établi en Pologne et en Roumanie et le conflit actuel en Ukraine.

Au cours de son discours, Trump a exprimé sa satisfaction quant à l’ouverture du terminal de GNL polonais aux fournisseurs de gaz américains. « Les États-Unis sont fiers de constater que nos ressources énergétiques abondantes aident déjà les nations des Trois Mers à obtenir une diversification énergétique tout à fait nécessaire », a déclaré Donald Trump devant les dirigeants des pays de l’I3M, qui dépendent principalement du gaz russe. Il a ensuite rapidement poursuivi son discours en incitant les pays d’Europe centrale et orientale ( PECO ) à investir dans la technologie et les armes américaines. Le président polonais Duda a déclaré qu’il espérait un contrat à long terme concernant la fourniture de gaz liquide.

Bien que les promoteurs du projet insistent sur l’aspect purement économique, il est également intéressant de noter le moment de la réalisation du projet. L’I3M est en train de se construire, et avec le soutien ouvert des États-Unis, alors même que l’Allemagne, suivie de la France, lance la fédéralisation de l’Union européenne et la réorganisation à venir de l’UE vers une « Europe à deux vitesses« .

Pour de nombreux partisans de l’I3M, le projet pourrait conduire cette partie de l’Europe à combler l’écart de développement entre l’Europe occidentale et les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Soulignant que l’I3M ne concerne que des États membres de l’UE qui collaborent par eux-mêmes pour améliorer leur économie et leur commerce, ils ne voient aucune raison de craindre un séparatisme, bien au contraire. Mais l’Allemagne, favorable à l’I3M sur le papier, reste méfiante.

Les USA de Trump et l’Allemagne de Merkel semblent déjà s’éloigner, et certains commentateurs voient en la politique « America First » de Donald Trump une menace pour l’Union européenne : sa politique pourrait pousser vers une scission de l’UE afin de « cannibaliser » ses propres alliés, qui ensemble avaient assez de force pour contrer les plans américains tels que le TTIP, mais une fois séparés, les pays européens pourraient accepter de nouvelles offres de même nature.

La réunion de l’année prochaine aura lieu à Bucarest, en Roumanie, sur proposition du président roumain Klaus Iohannis.