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G. Tóth : « Nous verrons une Europe forte, grâce à l’aide des investissements chinois »

Temps de lecture : 13 minutes

Hongrie, Budapest – Entretien avec Gábor Tóth, président de la première association V4 – Chine, Gateway to Europe (porte d’entrée vers l’Europe) : « Nous verrons une Europe forte, grâce l’aide des investissements chinois. »

Début décembre, Ferenc Almássy a rencontré Gábor Tóth, le président de l’association V4 – Chine, Gateway to Europe (porte d’entrée vers l’Europe), qui s’est donnée pour mission de développer les liens entre le V4 et la Chine. Quelques semaines après la rencontre 16 + 1 organisée à Budapest, en Hongrie, réunissant les dirigeants de 16 pays d’Europe centrale et des Balkans, et le Premier ministre chinois – tout cela à l’initiative de la Chine elle-même – nous voulions demander à un spécialiste de la question ce qu’il faut attendre de la Chine pour notre région d’Europe centrale.


Gábor Tóth et Ferenc Almássy à Budapest, début décembre 2017.

Ferenc Almássy : Pourquoi, en tant que Hongrois, êtes-vous si impliqué dans la coopération avec la Chine? Quelle est la raison de cet intérêt et de cet investissement de votre part dans l’association Gateway to Europe, V4-Chine?

Gábor Tóth : Eh bien, ça remonte au lycée : une de mes camarades de classe était chinoise, une fille que j’aimais beaucoup. Ses parents sont venus en Hongrie avec la première vague d’immigration chinoise au début des années 1990 et ils ont ouvert un restaurant chinois à Budapest. Bref, mon premier contact avec la Chine aura été d’ordre personnel.

Plus tard, il est devenu professionnel. Après avoir beaucoup voyagé, passé du temps et travaillé aux États-Unis, en Europe occidentale et en Russie entre 2000 et 2009, j’ai réalisé que le rêve américain n’était plus et que leur situation n’est pas pérenne, que leur système est loin d’être parfait. Avec mon frère, nous sommes allés à Hollywood d’abord pour devenir des acteurs. Avec le recul, nous sommes heureux que cela ne soit pas arrivé. En passant six mois à Hollywood, on peut assister à des choses vraiment étranges, à de terribles modèles sociaux et comportementaux. L’Occident est clairement en déclin moral.

Un de nos amis russes de Moscou nous a alors recrutés pour être vendeurs. Et c’est là-bas que j’ai ressenti pour la première fois ce « parfum oriental ». Après des années à l’Ouest, j’avais vu que les Occidentaux s’étaient eux-mêmes condamnés à de graves problèmes. Les drogues sont courantes, tout est permis et tout le monde est offensé quand quelqu’un parle de normalité, il n’y a plus de limites. Puis à Moscou, pour la première fois, j’ai été contact avec l’Est. J’ai découvert un monde beaucoup plus discipliné avec un énorme potentiel.

Après cette expérience, je suis retourné en Hongrie et j’ai repris contact avec mon amie chinoise qui s’était entre temps beaucoup investie dans les relations bilatérales sino-hongroises. Cependant, pour construire un réseau sérieux en Chine, vous devez être sur place. Elle s’est installée là-bas, à Shanghaï. Afin de maintenir ses liens avec la Hongrie, elle avait besoin de quelqu’un à Budapest et j’avais le profil le plus approprié, alors j’ai commencé à travailler avec elle depuis la Hongrie pour renforcer les liens entre la Hongrie et la Chine.

FA : Mais alors, aujourd’hui, comment pouvez-vous travailler sur ces réseaux ? Et quelle est votre connaissance personnelle de la Chine ? Comment un Européen de souche peut-il avoir une connaissance fiable de la Chine sans y vivre, compte tenu de l’énormité et de la complexité de ce pays ?

Gábor Tóth : J’ai voyagé en Chine chaque année depuis 2011, j’ai visité Pékin ainsi que d’autres grandes villes et j’ai également découvert la campagne chinoise. J’ai vécu à Shanghaï pendant plusieurs mois.

Cela fait des années maintenant que je travaille sur les liens entre l’Europe et la Chine. Grâce à mon amie, j’ai été présenté à des personnalités politiques et économiques mais aussi aux médias chinois. Ces contacts m’ont permis d’avoir rapidement une idée de ce qu’est la Chine. Et je pourrais ajouter mes contacts nombreux et de longue date avec la couche sociale chinoise occidentalisée, en particulier la communauté vivant en Hongrie.

Cependant, je ne suis pas le membre de l’association qui possède la connaissance la plus profonde de la Chine et de la mentalité chinoise. C’est précisément pourquoi il y a des Chinois en tant que membres. La deuxième génération de Chinois nés en Hongrie parle parfaitement le hongrois et connaît les deux cultures. Ce sont des atouts clés, leur compréhension est unique et essentielle.

FA : Au départ, votre association avait donc pour but les échanges culturels entre la Chine et la Hongrie. Comment et pourquoi est-elle devenue une association s’occupant de questions stratégiques entre le V4 et la Chine ? Quelles sont vos actions désormais ? J’aimerais aussi savoir qui sont vos soutiens, notamment financier. Présentez-nous donc votre association plus en détail.

Gábor Tóth : En 2010, il y avait une exposition à Shanghaï, et le secrétaire d’État hongrois à la culture de l’époque, Géza Szőcs, a bénéficié de l’aide sur place de mon amie et partenaire chinoise. Après cela, nous avons tous les trois décidé de construire quelque chose pour consolider les liens sino-hongrois.

Nous avons donc commencé avec le soutien de l’État hongrois, en organisant des concerts, des expositions, etc. Après quelques années, j’ai réalisé que les associations culturelles s’étaient multipliées. Aussi, il me fallait me rendre à l’évidence, la Hongrie seule ne peut pas être la « Porte de l’Europe ».

L’aspect culturel est intéressant, mais je voulais atteindre des objectifs plus concrets que la réalisation d’événements culturels. J’ai réalisé que ce qui manque, c’est une organisation stratégique qui relie le V4 et la Chine. Nous sommes donc la seule et unique entité à ce jour qui se préoccupe de ces questions.

C’est pourquoi j’ai réorienté le projet sur la question des 16 + 1. Chaque pays de la région construit sa petite relation bilatérale, mais les 16 ensemble, et au sein de ceux-ci, les pays V4 comme noyau dur, ont une occasion historique de construire un relation avec la Chine en tant que pilier occidental de la nouvelle route de la soie.

FA : Donc l’association est destinée à devenir un think tank ? Une sorte de lobby en faveur de la Chine ici, et de l’Europe centrale là-bas ?

Gábor Tóth : Ce que l’association deviendra n’est pas encore décidé, car elle n’a que quelques mois. Comme discuté avec M. Szőcs, qui devint plus tard Premier conseiller du Premier ministre Viktor Orbán, l’association a commencé à se concentrer sur des sujets politiques et stratégiques entre le V4 et la Chine. L’objectif est que le dialogue entre les gouvernements V4 et la Chine soit enrichi avec tout ce qui est nécessaire pour améliorer l’efficacité de leurs discussions, en travaillant pour le succès du format 16 + 1 et de la nouvelle route de la soie. Que ce soit des forums, des événements culturels – mais cette fois au niveau du V4 – ou même de réunions d’hommes d’affaires, d’entrepreneurs, d’innovateurs, et de conférences, notre objectif est de compléter le domaine politique avec notre plateforme associative d’ONG.

L’idée est de construire et vendre, pour ainsi dire, l’image de marque du V4 en Chine. Il est nécessaire de faire connaître le groupe de Visegrád aux Chinois. Cela nécessite de savoir comment les Chinois pensent. Ils ont tendance à associer un domaine particulier à chaque pays, chaque région. Et ce que les Chinois peuvent associer aux pays du V4, c’est une agriculture de qualité et la sécurité alimentaire. Il y a une énorme demande en Chine pour des produits agricoles de qualité. Les 16 pays d’Europe centrale et des Balkans peuvent répondre à la demande de cette classe chinoise qui s’inquiète pour la sécurité alimentaire et pour qui nous restons abordables tout en bénéficiant de la bonne image de marque propre à notre continent européen. Ce nouvelle nouvelle couche sociale riche de la société chinoise préfère dépenser trois fois plus pour les aliments de base, juste pour pouvoir donner le meilleur à ses enfants.

FA : D’un point de vu commercial, pour nous centre-européens, je comprends l’aubaine que cela représente ; mais que devons-nous alors attendre d’eux, si eux-mêmes ne font pas confiance à la qualité de leurs produits ?

Gábor Tóth : Ce n’est pas vraiment plus de produits d’importation chinois que nous recherchons. De la Chine, nous avons besoin d’investissements en capital. Il est important qu’ils nous aident à développer notre infrastructure. Il y a une forte croissance en Europe centrale et beaucoup de choses à développer. Les Chinois sont dans une situation délicate avec les Occidentaux. En Asie, leur réseau est déjà construit. Ils ont déjà acheté ce qu’ils pouvaient en Afrique. Ils doivent encore investir leur argent ailleurs, et ce quelque part doit être l’Europe centrale. En réalité, l’Europe reste la clé. La planète entière a les yeux rivés sur l’Europe, pour savoir quelle direction prendra l’économie mondiale. Nous sommes toujours le centre de gravité du monde.

Et sur ce point je pense que le V4 pourra étendre son modèle à l’Europe, par opposition au modèle dangereux et parfois absurde des élites néolibérales, et que cela aura des répercussions planétaires.

La vision de la Hongrie d’une Europe unie fondée sur le christianisme et le fonctionnement propre et original des institutions européennes prévaudra, et ceux qui observent de près la situation dans les pays du V4 et dans les autres pays de la région savent que c’est déjà le cas. L’Allemagne et l’Italie sont les pays clés, et ils vont tous deux revenir à leurs racines anciennes, ce n’est qu’une question de temps. Dès que ce modèle deviendra la norme dans la nouvelle Europe, la Chine commencera à envoyer son capital et ses capacités excédentaires à une échelle beaucoup plus grande qu’actuellement. Dans un sens, les succès de l’Europe et de la Chine dépendent l’un de l’autre. Ces deux partenaires peuvent s’apporter des bénéfices considérables en s’appuyant le long de la Nouvelle Route de la Soie.

FA : À propos de modèle politique, venons-en alors à celui de la Chine. Quelle est la situation en Chine, est-ce une dictature communiste « libéralisée » comme on peut l’entendre dire ? Les différences sont énormes politiquement entre la Chine et l’Europe centrale, et dans quelle mesure cela peut-il poser problème sur le long terme ?

Gábor Tóth : Les opinions divergent pour juger de la nature du régime chinois actuel, qui est très spécifique et qui ne rentre dans aucune case. Mon expérience personnelle est qu’à aucun moment je ne me suis senti opprimé en Chine. Pourtant, le régime chinois est vraiment un régime fort et autoritaire qui tient le pays d’une main de fer. Mais c’est comme ça qu’ils organisent leur vie. Regardez la taille du pays ! Regardez sa démographie ! Ceci, à bien des égards, est nécessaire.

Je pense qu’ils ont raison de garder un certain contrôle sur ce qui est dit et fait. Contrairement à ce que rapportent certaines fausses nouvelles, les gens parlent librement entre eux, la critique est permise, tolérée, même s’il s’agit du gouvernement. Ils évitent simplement les attaques destructrices et arrogantes et les critiques auxquelles nous sommes habitués en Occident. Quel est le résultat de cette pseudo « liberté d’expression » occidentale : tous les pays occidentaux ont des sociétés fragmentées, les gens se déchirent entre eux et les gouvernements n’ont généralement l’appui que de la moitié de la population, le reste se sentant lésé et insatisfait. En fin de compte, la démocratie qui devrait unir tout le monde et promouvoir l’intérêt commun divise le peuple. Cet échec de la démocratie, qu’on donnait gagnante et qui était sensée dominer le monde prochainement, doit être pris en compte. Aussi, quand une personne ordinaire entend le mot communisme, elle pense à la terrible histoire du siècle dernier, mais la Chine d’aujourd’hui et son régime sont très différents de tout cela.

En somme, c’est précisément pour cela que la coopération entre l’Europe centrale et la Chine peut être couronnée de succès. Nous parlons de deux blocs qui à la fois rejettent l’ingérence étrangère et respectent le système de l’autre ainsi que son choix de structure politique. L’Europe centrale essaie de préserver la démocratie et le libéralisme comme il l’était au début, basé sur la primauté du droit et des responsabilités humaines, et non pas des droits de l’homme surestimés et de libertés illimitées. C’est la raison pour laquelle la Chine veut faire des affaires avec nous et non avec l’UE, où ils sont souvent traités avec mépris et humiliés par des gens qui ne peuvent même pas diriger correctement leur propre pays.

FA : Comment la Chine se comporte-elle avec ses partenaires ? Si la Chine investit en Europe centrale, comme vous disiez, cela aura des conséquences politiques. La création d’emploi, notamment, donnera du poids à la Chine sur la scène politique centre européenne. C’est inédit, et pas du tout anodin. Quelles conséquences à tout cela, alors qu’on est déjà exposés aux soit-disant ingérences américaine ou russe ?

Gábor Tóth : À mon avis, les Chinois n’ont pas l’intention de changer profondément l’Europe. Ils ne veulent pas toucher à sa culture, ils veulent une Europe qui serve leurs intérêts économiques : c’est-à-dire que l’Europe soit un bon acheteur et un bon fournisseur. Ils seraient intéressés par une Europe forte et unie. Ils ne sont pas des acteurs influents ou menaçants dans le jeu politique occidental ou européen.

La coopération des 16 pays d’Europe centrale est la preuve de ce que je dis : les Chinois ont initié cette coopération parce que l’Europe est en plein désarroi et ils ont vu une possibilité de nouvelle chance avec cette région d’Europe et par l’investissement économique aident à lancer des projets conjoints et régionaux. Le V4 est le noyau dur de ce format de coopération, puis viennent tous les 16, puis le monde allemand et l’Italie. Ce sera la prochaine étape après que les changements politiques soient survenus parce que les gens se tournent vers le modèle hongrois, que les Chinois aiment beaucoup, je pourrais ajouter …

FA : Le modèle hongrois ? L’orbanisme, l’illibéralisme ?

Gábor Tóth : Il faut faire attention quand on parle d’illibéralisme, ce peut être compris comme une doctrine tournée contre le libéralisme. Je pense que cela doit être vu comme un frein aux excès imprudents que nous voyons aujourd’hui, avec la remise en question des identités et des genres, la destruction de la famille, la société ouverte comme on l’appelle. Tout cela est un échec et de plus en plus de gens le réalisent. Aimer et prendre soin des Autres ne doit pas signifier se mélanger à eux alors qu’ils deviennent par ailleurs majoritaires sur certains espaces de notre continent. On parle simplement de prudence et de sagesse, c’est une pensée tolérante. Viktor Orbán agit de manière responsable selon la plupart des Européens. Une autre partie du modèle hongrois est l’accent mis sur la loi et l’ordre, la responsabilité et le caractère. Les Hongrois sont loin d’être parfaits, pourtant ils sont perçus par beaucoup comme un exemple à suivre …

Construire une barrière, l’autodéfense, préserver les cultures nationales semblent être ce que les gens veulent. Même si cela n’est pas encore dit dans certains endroits, c’est ce qui est cher au cœur de la plupart des Européens.

FA : Revenons à la Chine. Le fait qu’elle ait mis en place de format de 16+1, ne divise-t-elle pas l’Europe, de facto ?

Gábor Tóth : Je dirais plutôt que la Chine a choisi une grande partie de l’Europe qui est encore responsable et sur la bonne voie, selon leur point de vue, et ce sont ces 16 pays d’Europe centrale et balkanique. Sans parler du potentiel commercial de cette partie de l’Europe, en plein développement, qui a donc besoin d’investissements. De plus, cette partie de l’Europe est mieux située pour la Chine, géopolitiquement parlant.

FA : Et elle fait partie intégrante du projet de Nouvelle Route de la Soie, appelé la Ceinture et la Route. Quels changements concrets pourrait amener dans les Balkans et en Europe centrale ce projet de la Ceinture et de la Route ?

Gábor Tóth : Pour le moment, il n’y a que des projets. La Chine a mis en place ce grand projet en 2011, 2012, et il a été officiellement lancé en 2013. Des accords ont été signés, mais ce n’est que le début … Plus le pilier occidental de la Route de la Soie n’a pas encore été déterminé. À mon avis, ce sera le V4, puisqu’il n’y a pas d’autre alternative claire pour le moment.

FA : D’où vient ce grand projet de nouvelle Route de la Soie ?

Gábor Tóth : Je vois deux raisons. L’une est que les Chinois ont commencé à ressentir le déclin du monde occidental, qui a été saboté par sa propre idéologie. Cela signifie la fin de la domination américaine exclusive. La deuxième raison est que les Chinois voient une opportunité historique pour devenir la première puissance mondiale, en particulier sur le plan économique. Si nous regardons la structure de cette nouvelle route de la soie, elle connecte le monde entier, sauf «l’Occident», pour ainsi dire, en particulier les Amériques.

Sur le papier, la New Silk Road va jusqu’à Londres, mais les Occidentaux ne prennent pas ce projet au sérieux. Ils se considèrent toujours comme des acteurs décisifs et sont trop préoccupés par leurs propres problèmes. Pendant ce temps, les centre-européens construisent leur avenir, saisissant de telles opportunités.

Au niveau européen, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, une forme de divorce aura lieu entre les pays qui veulent la vieille Europe et les pays qui veulent une Europe différente de ce qu’elle a toujours été. Ceux qui se rallient au modèle européen traditionnel et ancien des nations chrétiennes unies gagneront, mais parce que ces pays et leurs dirigeants (et non les gens) se trouvent principalement en Europe de l’Est pour l’instant, ils ont besoin d’un nouveau système d’alliance, un Plan B pour ainsi dire, afin de continuer à se renforcer et à favoriser leur retour aux valeurs historiques de l’Europe. La Chine est la clé, et la Route de la Soie est ce nouveau système d’alliance.

FA : Dans d’autres entretiens, vous avez dit espérer que le 16+1 devienne un 1+1. Qu’est-ce que vous entendez par là ? Comment “unir” ces pays ? Ca ressemble beaucoup à l’Initiative des Trois Mers, que certains critiques comme étant un projet américain en vue de l’après UE. Mais finalement, cette même zone intéresse aussi les Chinois. Alors qu’en est-il ?

Gábor Tóth : Simplement parce que ce serait l’intérêt de tout le monde. Une Europe centrale et orientale forte, qui servirait de base à une Europe reconstruite sur des bases solides, serait plus tard dans l’intérêt de l’économie mondiale tout entière. D’ailleurs, tout le monde gagnerait si l’Europe retrouvait sa splendeur d’antan. Sauf peut-être les Américains, mais c’est une autre histoire. Quant à l’unité des 16 pays … eh bien, ils ont besoin d’un noyau dur qui est déjà une base existante, une fondation avec un visage, une identité, une image marque. Un de mes amis m’a dit : quand 16 amis veulent décider où sortir ce soir, ils se chamaillent généralement sur ce sujet jusqu’à ce que les plus forts ou plus influents, dans ce cas les quatre de Visegrád, désignent une certaine direction … les douze autres suivront le V4, j’en suis assez sûr.

Quoi qu’il en soit, l’Europe ne tombera pas et ne sera pas détruite, comme beaucoup d’opinions radicales le présagent. Si nous regardons l’histoire de l’Europe, nous reconnaissons des schémas récurrents. Les régions désunies entrent en crise, puis vient l’union sous un grand monarque, un empereur souvent, qui trouve un moyen d’unir les États-nations individuellement forts pour former une grande puissance continentale. L’Europe est habituée aux crises. Mais dans quelques années, nous sortirons de la crise actuelle, cela ne nous emportera pas dans la tombe.

D’ailleurs, tout tend naturellement vers cela. Même M. Juncker et ses partenaires veulent répondre à la crise en formant les États-Unis d’Europe, ce qui, j’en suis sûr, arrivera un jour, mais pas comme ils l’imaginent. L’ironie serait qu’ils poussent à l’élection d’un président de l’Europe, et que les citoyens européens élisent Viktor Orbán ! Ce serait possible ! Si l’idée d’un USE était réalisée demain, il n’y aurait personne d’autre capable de le diriger mis à part lui, étant le chef politique européen le plus couronné de succès de son temps. Cela deviendrait encore plus clair s’il remportait une troisième majorité consécutive au parlement, ce qui constituerait un record sans précédent.

FA : Après 25 ans de domination totale des États-uniens, le monde semble devenir multipolaire à nouveau, et l’Europe centrale, ou ces 16 pays évoqués plus tôt, formeraient un de ces pôles ?

Gábor Tóth : Presque. Je pense, cependant, que l’avenir de l’Europe est à l’unité, au fonctionnement en commun, autant que possible. Nous verrons une Europe forte, avec l’aide des investissements chinois. Trouver la méthode pour établir le pilier occidental de la nouvelle route de la soie est la clé économique du renouveau européen. Cela amènerait un couple Europe-Chine au plus haut niveau sur la scène mondiale. Mais ce sera sans certains des pays occidentaux d’Europe, comme la France, la Belgique, la Hollande et d’autres, j’en ai peur. Les 16 pays sont dans une position unique, étant à la pointe de ce changement de pouvoir que le monde connaît aujourd’hui et qui deviendra de plus en plus évident dans les années à venir.