Par Gábor Tóth, Président de l’association V4-Chine.
Groupe de Visegrád – Au cours des dernières années, les médias internationaux ont contribué à faire augmenter considérablement la visibilité du V4. Il est juste de dire que le V4 n’a jamais été aussi important et bien connu dans le monde entier qu’aujourd’hui. Mais pourquoi donc ? Cette formation existe depuis 1335 ! Dans sa forme moderne, il a été actif depuis sa résurrection dans les années 1990. Alors comment se fait-il que nous n’en ayons pas entendu parler avant 2015-16 ?
Et pourquoi ce remue-ménage à propos du V4, surtout dans la politique européenne ?
L’histoire remonte à 2015, quand un grand nombre de réfugiés et de migrants venus principalement du Moyen-Orient et d’Afrique sont arrivés aux frontières de la Hongrie. Ils voulaient passer outre, afin de se rendre en Allemagne, en Suède et dans d’autres pays d’Europe occidentale. Le gouvernement hongrois n’a pas permis cela, en disant que l’entrée sur le territoire de l’UE ne peut se faire que légalement, sur la base des traités existants. Les trois autres pays du V4 ont rapidement rejoint la position de la Hongrie, tandis que certains pays occidentaux ont reproché à la Hongrie de s’être démarqué de la sorte.
Le poids de la crise s’aggravant, la position du V4 s’est renforcée. Aujourd’hui, seulement deux ans plus tard, la situation a tellement empiré que de nombreux experts considèrent le V4, principale formation des pays d’Europe centrale et orientale, comme la seule opposition viable et solide à la politique de l’Europe occidentale. Un clivage très net s’est dessiné entre l’Est et l’Ouest. À l’ouest, des pays qui ont accepté l’immigration et le multiculturalisme, à l’est, des pays qui souhaitent rester comme ils ont toujours été. À l’ouest, des pays qui abandonnent l’idée d’États-nations et du christianisme comme fondement de l’Europe, à l’est, des pays qui veulent s’en tenir à cette fondation. Bien sûr, ce n’est pas si simple, mais ce sont les différences fondamentales entre les deux parties.
En d’autres termes, le V4, mené par Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, est devenu le représentant d’une Europe de l’avenir qui conserve ses traditions, son histoire et ses fondements spirituels, tandis que certains pays occidentaux comme la France, la Belgique et les Pays-Bas représentent une Europe future faite de sociétés mixtes et d’un mode de vie basé sur l’idéal « progressiste », selon lequel le continent peut être grand sans États-nations clairement distincts et où de nombreuses religions différentes peuvent coexister, comme cela s’est déjà produit dans d’autres endroits, comme les États-Unis.
Mais que choisiront les peuples d’Europe ? Et est-ce vraiment un choix auquel ils font face ?
L’histoire a la réponse, qui est très claire.
L’Europe et son peuple ne peuvent pas et ne veulent simplement pas effacer, ou même compromettre, leurs racines chrétiennes et leur fierté nationale. Il est vain de s’imaginer qu’ils le feront. Tout cela est enraciné trop profondément dans leurs gènes, leurs traditions, même dans leurs habitudes quotidiennes…
Cet article ne prétend pas juger qui a raison ou tort. Ce sont des réalités historiques et ceux d’entre nous qui vivent sur ce continent le savent, même si ce n’est pas quelque chose auquel nous pensons tous les jours. Cependant, lorsque les Européens sentent que leur mode de vie et leurs fondations spirituelles sont remis en question ou même menacés, ils font entendre leur voix. Cela se passe depuis la fin de l’année 2015, et devient de plus en plus criant. Tous les regards sont maintenant fixés sur l’Italie et l’Allemagne. Vont-ils prendre la position du V4 et Viktor Orbán ? Ceux qui disent qu’ils ne le feront pas risquent de perdre leur pari, car tous les indicateurs montrent que le côté « adverse » ne peut pas avoir une vision claire d’une Europe à venir où tous les peuples peuvent vivre en paix et dans la prospérité sans avoir à trahir leurs fondements. Et même si ce côté avait une alternative claire, il y a bien des chances que les peuples d’Europe la rejettent, parce que dans leur esprit l’Europe peut difficilement être plus grande qu’elle ne l’était à l’époque où elle dirigeait le monde…
Comme on dit au football : « on ne change pas une équipe qui gagne ». Les Européens aiment le football, mais plus important encore, ils pensent être un ensemble d’États-nations chrétiens forts. Ils n’ont absolument aucune raison de changer leur ancienne formule gagnante.
Il est toutefois intéressant de noter que certains pays occidentaux réclament des « États-Unis d’Europe », considéré par certains comme l’alternative à la position du V4.
Mais ce n’est pas tout à fait vrai, car les États-nations chrétiens individuellement forts doivent aussi trouver un moyen de s’unir et de trouver un moyen de s’organiser en un bloc fort et unifié. L’Europe attend désespérément un leader fort pour enfin sortir de l’ornière dans laquelle elle est empêtrée depuis trop longtemps. Alors que les difficultés s’accumulent aux frontières de l’Europe comme à l’intérieur, cela devient de plus en plus essentiel. Surtout si les conflits militaires s’intensifient autour de ses frontières.
Nous pouvons prédire que le différend entre l’Est et l’Ouest peut très facilement être réglé afin que l’Europe retrouve sa force d’antan, en devenant des « États-Unis d’Europe », mais pas du tout comme certains pays occidentaux l’imaginent : bien davantage comme un Empire d’États-nations forts, coordonnés par les institutions européennes déjà existantes, mais bientôt réformées de façon radicales, comme le Conseil et le Comité. Le problème n’est pas tant lié à la façon dont l’UE est née et s’est développée, mais à la façon dont elle est organisée et dirigée.
Une conduite et un gouvernement faibles, sans base idéologique solide sur laquelle rassembler, sont la cause des difficultés auxquelles l’UE est confrontée. Réorganiser le système institutionnel et placer des leaders forts à leur tête, avec un Conseil prééminent – compte tenu que le Conseil redevient la plus forte des trois institutions principales, ce qui a toujours été voulu. Reconnaissant que le christianisme rendra l’Europe encore plus belle, et au lieu de le combattre, l’utiliser comme point de départ pour rétablir la relation entre l’Église et l’État, pour revenir à la « formule gagnante ». Voilà autant de mesures que l’Europe va prendre, si elle suit le modèle évident de son histoire.
Le temps nous dira bien vite si le soi-disant « modèle hongrois » (ayant trouvé une manière moderne de relations entre l’Église et l’État) est amené à faire école, mais le processus a commencé et s’accélère considérablement.
La prochaine question concerne les futurs partenaires commerciaux de l’Europe, car cette résurrection majeure de la « vieille » Europe signifie également un système d’alliance totalement nouveau. Alors que le pouvoir passe de l’Ouest à l’Est, la nouvelle route de la soie en Chine semble être l’alternative évidente. La Chine a besoin d’une Europe forte comme l’Europe a besoin de la Chine, et l’initiative « La ceinture et la route » se présente comme ce nouveau système d’alliance ayant le potentiel de redonner à l’Europe sa grandeur.
De plus, l’approche retenue par la Chine vis-à-vis des PECO est également évidente, avec la plate-forme 16 + 1 et plusieurs projets déjà en cours.
Fait intéressant, les pays du V4 bénéficient d’une opportunité historique, car ils détiennent la clé de la renaissance de l’Europe, comme le prouve le succès du 16 + 1. La Hongrie occupe la présidence du V4 jusqu’en juillet 2018, ce qui donne un avantage significatif au Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, considéré comme le leader du camp conservateur en Europe et vu comme le leader le plus amical et le plus pragmatique d’Europe par les Chinois.
Ironiquement, les « États-Unis d’Europe » dont parlait M. Schulz auraient aussi besoin d’un leader fort, et aujourd’hui, il n’y a tout simplement pas d’équivalent dans l’UE avec le succès de M. Orbán en tant que responsable politique. Si l’on votait pour un Président européen, Il ne serait pas surprenant que l’on vote pour lui. Bien sûr, ce n’est pas ce dont M. Schulz ou d’autres dirigeants européens seraient heureux. Alors que les dirigeants actuels de l’UE luttent pour trouver des solutions à leurs problèmes, quelque chose de puissant se produit à l’Est. Le V4 a commencé à construire la nouvelle route de la soie, ce que la Chine apprécie énormément.
Dans les années à venir, alors que la fracture entre l’Europe de l’Ouest et de l’Est s’approfondit, observons attentivement le succès de ce sentiment contagieux : l’ouverture à l’Est apportera la solution.