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Élections régionales et municipales en Pologne : victoire en forme d’avertissement pour le PiS

Temps de lecture : 5 minutes

Par Olivier Bault.

Pologne – Les Polonais votaient dimanche dernier pour élire leurs maires, leurs conseillers municipaux, leurs conseillers dans les powiats (cantons) et leurs conseillers pour les diétines (conseils régionaux) des seize voïvodies que compte le pays. Un journaliste de la radio publique Polskie Radio commentait lundi matin les réactions des leaders des différents partis en s’amusant du fait que, contrairement au sport où il y a toujours un vainqueur et des perdants, en politique il n’y a que des vainqueurs. Et il est vrai que les deux grands camps ennemis, qui considéraient ces élections comme un test avant les européennes et les législatives de l’année prochaine, avaient des raisons de se réjouir.

Les libéraux réunis au sein de la Coalition civique (KO, formé par les partis Plateforme civique – PO – et Nowoczesna) ont ainsi eu la bonne surprise de remporter la mairie de Varsovie dès le premier tour, avec la majorité absolue du conseil municipal et surtout 56,7 % des voix pour leur candidat Rafał Trzaskowski contre seulement 28,5 % pour le candidat du PiS Patryk Jaki. C’est une grosse déception pour le PiS, car si le candidat libéral était favori dans les sondages, personne ne s’attendait à ce qu’il remporte la mairie dès le premier tour. La campagne à gauche toute de Patryk Jaki, et notamment son alliance avec un leader de la gauche pro-LGBT qui devait devenir son adjoint pour l’éducation et la culture, n’aura donc pas payé. Le fait que Jaki soit à la tête de la Commission parlementaire d’enquête sur les affaires de « reprivatisation » à Varsovie a aussi pu être perçu comme un conflit d’intérêts et déplaire aux Varsoviens.

De la même manière, les candidats libéraux l’emportent dès le premier tour à Łódź (où la gagnante, sous le coup d’une condamnation pour falsification de documents, n’est toutefois pas sûre de pouvoir rester à son poste), Poznań (où le maire sortant est, comme Trzaskowski, un représentant de la gauche favorable aux revendications du lobby LGBT) et, de très peu, à Wrocław. À Gdańsk, le candidat de la KO Jarosław Wałęsa, fils de Lech Wałęsa, est éliminé dès le premier tour, mais le maire sortant, proche des libéraux, a toutes les chances de l’emporter au deuxième tour contre le jeune candidat du PiS. À Cracovie aussi, le maire sortant soutenu par la KO est proche de la majorité absolue dès le premier tour et les chances de la candidate du PiS au deuxième tour sont minimes. Le PiS se consolera avec Katowice où son maire sortant a obtenu la majorité absolue des voix dès le premier tour. D’une manière générale, aux élections municipales, les électeurs polonais ont une vieille tendance qui les pousse à reconduire presque systématiquement les sortants. En vertu d’une nouvelle loi votée par la majorité actuelle, les maires sont désormais élus pour 5 ans au lieu de 4 mais ils n’ont plus droit qu’à deux mandats consécutifs (à partir de maintenant), et les choses pourraient donc changer, mais dans 10 ans seulement. D’une manière générale aussi, les libéraux dominent dans les grandes villes, tandis que le PiS domine dans les petites villes et à la campagne. Il existe aussi une fracture entre l’est qui appartient globalement au PiS et l’ouest qui appartient globalement aux libéraux, ce que confirment ces élections.

Aux régionales, le PiS enregistre toutefois une forte progression par rapport à 2014, même si son résultat est en deçà de ses attentes. À propos de cette progression, il faut néanmoins préciser ici qu’en 2014, sous le gouvernement PO-PSL, l’étendue des irrégularités avait pu fausser le résultat global des élections. Toujours est-il que le PiS, qui ne contrôlait qu’une seule voïvodie dans le sud-est du pays, a désormais la majorité absolue dans les diétines de six voïvodies sur seize contre seulement une pour les libéraux de la KO. Pour ce qui est des autres, le PiS dispose d’une majorité relative dans trois d’entre elles contre six pour la KO. Mais, mis à part en Basse-Silésie, où le PiS pourrait s’entendre avec la liste Bezpartyjni Samorządowcy qui n’est liée à aucun parti politique, dans toutes les autres voïvodies où il n’a pas de majorité absolue une coalition anti-PiS entre les libéraux, le parti agraire PSL et les sociaux-démocrates du SLD post-communiste est l’issue la plus probable, y compris en Silésie où les conseillers régionaux du PiS ne sont qu’à un siège de la majorité absolue.

En revanche en Silésie, les autonomistes/séparatistes du RAŚ (« mouvement pour l’autonomie de la Silésie »), qui participaient depuis deux législatures à une coalition avec la PO et le PSL et qui étaient notamment très actifs dans les institutions régionales liées à la culture et à l’histoire, dans lesquelles ils cherchaient à reproduire la stratégie des indépendantistes catalans dans les années 1980, seront cette fois absent du conseil régional malgré le soutien dont ils bénéficient de la part de la presse locale détenue par des capitaux allemands. C’est une bonne nouvelle pour la Silésie et pour la Pologne.

Dans le registre des ingérences étrangères en faveur des amis de Donald Tusk contre le PiS, on relèvera la campagne d’Onet.pl du groupe germano-suisse Ringier Axel Springer contre le premier ministre Mateusz Morawiecki dans la dernière ligne droite de la campagne et surtout l’ordonnance émise vendredi (deux jours avant les élections !) par la vice-présidente espagnole de la Cour de Justice de l’Union européenne pour suspendre à titre provisoire la loi polonaise réformant la Cour suprême. Outre le fait que la CJUE semble très clairement, par cette ordonnance, outrepasser ses compétences, le moment choisi et la procédure accélérée éveillent bien des suspicions et cela a pu contribuer aux mauvais résultats du PiS dans les grandes villes, où l’électorat est plutôt majoritairement « européiste » en plus d’être plus libéral-libertaire que dans le reste du pays.

Au niveau national, les différentes listes pour les élections régionales ont obtenu les résultats suivants (sur la base des estimations late polls, c’est-à-dire sur la base des résultats dans un échantillon choisi de bureaux électoraux, les résultats officiels à l’échelle nationale n’étant pas encore été annoncés en date du mercredi après-midi) :

PiS : 33 % (contre 26,9 % en 2014)

– KO (PO et Nowoczesna) : 26,7 % (contre 26,3 % pour la PO en 2014)

– PSL : 13,6 % (contre 23,9 % en 2014)

– SLD : 6,6 % (contre 8,79 % en 2014)

– Kukiz’15 : 5,9 %

Bezpartyjni Samorządowcy: 5,8 %

Le taux de participation, à 54,96 % (contre 47,4 % en 2014), était plutôt très élevé pour ce type d’élections en Pologne. Faut-il en déduire que les libéraux ont réussi à mobiliser avec leur discours centré sur un PiS qui mettrait en danger la démocratie et remettrait de ce fait en cause la présence de la Pologne dans l’UE (avec, comme dit plus haut, l’ordonnance de la CJUE venue conforter ce discours à l’avant-veille des élections) ? C’est difficile à dire, car le PiS, traditionnellement, fait moins bien aux élections régionales qu’aux élections nationales, et il n’est donc pas étonnant qu’il soit à quelques points de pourcentage en deçà du niveau que lui attribuent généralement les sondages. Avant les 33 % de dimanche dernier, le PiS avait donc obtenu 26,89 % en 2014, 23,05 % en 2010 et 25,08 % en 2006. Son résultat de dimanche, malgré la déception qui était visible lors de l’annonce des résultats exit polls à 21h, est donc un record historique aux régionales pour le parti de Jarosław Kaczyński.


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