Par Olivier Bault.
Cet article a été publié originellement en anglais sur kurier.plus, le site de l’Institut de coopération polono-hongroise Wacław Felczak.
Traduit en français et mis à jour le 9 août pour le Visegrád Post.
Le 22 juillet, le président français Emmanuel Macron annonçait en conférence de presse à Paris qu’un accord avait été trouvé entre 14 pays de l’Union européenne pour un mécanisme temporaire et volontaire de redistribution des migrants récupérés par des bateaux européens en Méditerranée. Macron a une nouvelle fois menacé les pays qui refuseraient de prendre part à ce mécanisme « volontaire » en prévenant que la France n’accepterait plus qu’ils puissent recevoir des fonds structurels de l’UE. Même s’il n’a nommé aucun pays en particulier, les médias français n’avaient aucun doute: Macron pensait aux quatre pays du Groupe de Visegrád, et en particulier à la Hongrie et la Pologne. « L’Europe n’est pas à la carte lorsqu’il s’agit de la solidarité », a prévenu le président français, « on ne peut pas avoir des États qui nous disent ‘Moi, je ne veux pas de votre Europe quand il s’agit de partager la charge, mais je la veux bien quand il s’agit des fonds structurels’ ».
Un nouveau plan de redistribution franco-allemand similaire à l’ancien mécanisme de relocalisation obligatoire
Selon les sources françaises, l’accord trouvé à Paris a pour but d’éviter les discussions incessantes pour savoir qui doit prendre en charge combien d’immigrants à chaque fois qu’un bateau d’ONG conduit une nouvelle opération au large de la Libye. Il est basé sur le plan proposé plus tôt par le ministre des Affaires étrangères allemand Heiko Maas qui avait appelé à une « coalition des pays de bonne volonté » pour remplacer le mécanisme européen obligatoire de relocalisation, après l’échec définitif de ce dernier, notamment du fait de l’opposition du V4. « Nous devons avancer avec les États membres qui sont prêts à recevoir des réfugiés. Tous les autres restent invités à participer », avait déclaré Maas. Le 18 juillet, à une réunion informelle des ministres de l’Intérieur et de la Justice qui s’est tenue à Helsinki (la Finlande exerçant en ce moment la présidence de l’UE), le plan de Maas a été proposé par le ministre de l’Intérieur allemand Horst Seehoferavec le soutien appuyé de son homologue français Christophe Castaner. La France a ensuite pris l’initiative d’organiser le 22 juillet à Paris une rencontre informelle avec les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de la « coalition des pays de bonne volonté », ainsi que des représentants de la Commission européenne, de l’agence pour les réfugiés de l’ONU et de l’Organisation internationale pour les Migrations (OIM). À ce stade, la proposition de Maas était désormais présentée en tant qu’initiative franco-allemande.
Néanmoins, seuls huit pays ayant accepté de participer « activement » à un tel mécanisme de redistribution volontaire ont été nommés. Il s’agit de la France, l’Allemagne, la Finlande, le Luxembourg, le Portugal, la Lituanie, la Croatie et l’Irlande. Macron a assuré que, « sur le principe, 14 États-membres à ce stade ont donné leur accord sur le document franco-allemand présenté par la présidence finlandaise à Helsinki », mais les six autres pays qui sont supposés avoir exprimé leur accord n’ont pas été nommés et n’ont pas été non plus indiqués dans les publications ultérieures des médias qui ont évoqué cette réunion informelle.
Une chose est sûre: l’Italie n’en faisait pas partie. Et c’est une bonne nouvelle pour le Groupe de Visegrád, car la déclaration de Macron sur les fonds structurels européens montre clairement que, dans l’esprit de certains dirigeants européens, cette « coalition des pays de bonne volonté », quand elle sera discutée en septembre plus en détail au niveau de l’UE, comme planifié par Paris et Berlin, est destinée à devenir une nouvelle version de l’ancien programme de relocalisation obligatoire dans l’UE. C’est bien pourquoi, immédiatement après son annonce par le ministre allemand des Affaires étrangères, cette proposition d’une « coalition des pays de bonne volonté » a été rejetée par l’ancien chancelier autrichien Sebastian Kurz. Son parti de centre-droit ÖVP étant donné favori aux élections de septembre, Kurz va sans doute bientôt redevenir chancelier. « La distribution des migrants en Europe a échoué », a déclaré Kurz le 13 juillet, « et nous sommes à nouveau en train de discuter les idées de 2015 qui se sont avérées inapplicables ». Et Kurz d’expliquer que « la question aujourd’hui est plutôt d’enlever à des trafiquants sans scrupules l’objet de leur activité en renvoyant les gens récupérés en mer chez eux ou dans leurs pays de transit, et aussi en lançant des initiatives en faveur de la stabilité et du développement économique de l’Afrique », ce qui est exactement ce que les pays de Visegrád défendent depuis le début de l’actuelle crise des migrants.
De fait, non seulement le plan franco-allemand ôterait-il aux États membres participants la maîtrise de leur immigration, mais le simple fait d’en discuter envoie un nouveau signal aux candidats à l’émigration en Afrique et au Moyen-Orient, et aussi aux passeurs en Afrique du Nord, comme quoi les portes de l’Europe sont à nouveau en train de s’ouvrir en grand. Un tel signal ne peut que renforcer le facteur d’attraction alimenté par le laxisme de nombreux pays européens, y compris la France et l’Allemagne, qui permettent à la majeure partie des immigrants de rester et circuler librement dans l’espace Schengen même après le rejet de leur demande d’asile (voir ici pour les chiffres fin 2018). Lors d’une conférence de presse à Helsinki, le ministre de l’Intérieur français Christophe Castaner a été bien forcé de reconnaître que plusieurs pays de l’UE craignent qu’un tel mécanisme de redistribution volontaire ne provoque un nouvel afflux massif d’immigrants. L’impression de nouvelle ouverture des frontières générée par les gens comme Maas, Seehofer, Castaner et Macron est en outre renforcée par le retour en Méditerranée des bateaux des ONG qui essayent d’obliger Salvini à rouvrir les ports italiens à l’immigration illégale, alors même que la France et l’Allemagne multiplient les appels en faveur d’une telle réouverture des ports italiens. En effet, le mécanisme franco-allemand convenu à Paris le 22 juillet part toujours du principe que les immigrants récupérés au large de la Libye doivent être débarqués dans les ports italiens avant d’être redistribués entre les pays participants. Comme pour le désormais défunt mécanisme de relocalisation obligatoire, la redistribution des immigrants ne concernerait que les demandeurs d’asile avec une chance raisonnable d’obtenir le statut de réfugiés, soit une petite minorité des immigrants qui tentent de traverser illégalement la Méditerranée. Selon le nouveau plan franco-allemand, les autres immigrants devront rester dans des centres d’accueil italiens en attendant leur éventuel rapatriement. Du point de vue de l’Italie, il n’y a rien de neuf dans cette proposition, et la mise en œuvre de ce plan aura toutes les chances d’accroître la pression sur les côtes libyennes et d’augmenter le nombre d’immigrants illégaux arrivant en Europe, et aussi donc de faire repartir à la hausse la mortalité par noyades en Méditerranée centrale.
Nombre de morts par noyade entre le 1er janvier et le 26 juillet de chaque année (route de la Méditerranée centrale uniquement)
Source : https://missingmigrants.iom.int/region/mediterranean
Le plan italo-maltais
L’Italie et Malte étaient venues au sommet d’Helsinki des 17-18 juillet avec une autre proposition. Le 14 juillet, au lendemain de la première annonce du plan de Heiko Maas dans le média allemand RND, le ministre italien des Affaires étrangères, Esteri Moavero Milanesi, décrivait son propre plan dans un entretien pour le Corriere della Sera. Ce que Rome et La Valette proposaient, c’était de donner aux gens la possibilité de demander le statut de réfugié en restant aussi près que possible de leur pays de départ, afin de pouvoir examiner les demandes d’asile avant que les migrants ne cherchent à franchir illégalement les frontières extérieures de l’UE. Des vols charters seraient ensuite organisés pour acheminer en toute sécurité vers l’Europe ceux qui méritent vraiment le statut de réfugiés, ce qui permettrait de priver les passeurs de clients et d’éviter de nombreuses morts inutiles en mer. Puisque le nombre de personnes arrivant en Europe de cette manière serait plus réduit et mieux contrôlé, il serait alors plus facile aux États membres de l’UE de tomber d’accord sur un mécanisme de redistribution. Pour ceux qui tenteraient malgré tout de rejoindre illégalement l’Europe par la mer, le plan italo-maltais prévoit la création de centres contrôlés (les « hotspots ») dans tous les pays de l’UE ainsi que des politiques communes pour forcer les pays de départ à reprendre leurs citoyens. Ce plan rejette l’idée selon laquelle tous les immigrants empruntant la route de la Méditerranée centrale doivent être débarqués en Italie avant leur relocalisation dans d’autres pays. Il prévoit aussi que tous les navires d’ONG devront être maintenus hors des zones de recherche et sauvetage réservées de la Libye et des autres pays tiers.
Salvini à Macron : « L’Italie ne sera pas le camp de réfugiés de la France »
Ce plan a été rejeté à Helsinki du fait que l’Allemagne et la France soutenaient le plan de Seehofer. Le leader de la Ligue, Matteo Salvini, a confirmé, dans une déclaration publiée le lendemain d’une réunion qui s’était tenue le 17 juillet à Helsinki entre les ministres français, allemand, italien et maltais, que la proposition franco-allemande était inacceptable du point de vue de l’Italie puisque « la simple redistribution des réfugiés laissera les immigrants illégaux difficiles à expulser dans le premier pays d’arrivée ». Et alors que le premier ministre maltais Joseph Muscat annonçait la préparation d’une nouvelle réunion des ministres de l’Intérieur des quatre pays à Malte en septembre, le Français Christophe Castaner a de son côté annoncé qu’il invitait pour le 22 juillet à Paris tous les pays de l’UE désireux de former une « coalition des pays de bonne volonté » et de mettre en œuvre le plan franco-allemand qui n’avait pas plus que le plan italo-maltais été accepté par les 28 à Helsinki. Cela a mis en colère l’Italien Matteo Salvini qui a refusé de participer à la réunion parisienne, se contentant d’y envoyer une délégation « technique » avec la mission de bloquer toute nouvelle déclaration commune. Le 19 juillet, Salvini a écrit à son homologue français une lettre dans laquelle il exprimait son étonnement par rapport au fait que seule la proposition franco-allemande devait être discutée à Paris alors que la proposition italo-maltaise avait « recueilli un large soutien » parmi les pays de l’UE. Dans sa lettre, le leader de la Ligue insistait à nouveau sur la nécessité de revoir les règles régissant les opérations de recherche et sauvetage afin de mettre un terme aux comportements encourageant l’immigration illégale et incontrôlée et de contraindre les ONG à respecter le droit international et les lois nationales. Selon Salvini, beaucoup au Conseil Justice et Affaires intérieures d’Helsinki avaient « des positions très proches de celles exprimées par l’Italie, en particulier en ce qui concerne un engagement strict en faveur d’une politique migratoire fondée sur la protection des frontières extérieures de l’UE et de l’espace Schengen ».
Après l’annonce par le président Macron d’un accord sous son égide entre 14 pays (dont seuls huit, France comprise, ont été nommés et désignés comme étant prêts à participer « activement »), le ministre de l’Intérieur italien a publié une vidéo sur son compte Facebook dans laquelle il fait part de sa réaction virulente en se moquant des dirigeants français et en tutoyant Macron, qu’il appelle par son prénom, pour lui dire que, s’il veut vraiment ouvrir les ports aux immigrants, il n’a qu’à ouvrir les ports de son « grand pays généreux et solidaire » à Marseille, en Corse et ailleurs. Salvini a encore ajouté que l’Italie n’avait pas d’ordres à recevoir de la France dont elle n’acceptait pas de devenir le camp de réfugié, n’étant pas une colonie française.
L’Italie sous la pression de la France et de l’Allemagne pour reprendre les immigrants illégaux conformément aux règles de Dublin
Le ton employé par Salvini n’avait rien de surprenant pour les observateurs attentifs de la détérioration des relations franco-italiennes depuis que ceux qualifiés avec mépris par le président français de « populistes » et de « nationalistes » ont formé une coalition de gouvernement à Rome il y a plus d’un an. Les moqueries et les attaques verbales de Salvini ont le plus souvent été une réponse aux critiques extrêmement arrogantes et formulées de manière très peu diplomatique par Emmanuel Macron à l’égard des dirigeants italiens, et en particulier de Matteo Salvini. Des critiques exprimées dans un langage qui ressemble à celui utilisé par le président français à l’encontre des dirigeants polonais et hongrois, comme à l’automne dernier quand il avait publiquement demandé lors d’un déplacement à Bratislava, en Slovaquie : « Que font ces dirigeants avec ces esprits fous et qui mentent à leur peuple ? ». La colère de Salvini est aussi alimentée par le fait que, en même temps qu’elles appellent l’Italie à rouvrir ses ports aux immigrants en invoquant des raisons humanitaires, les autorités françaises contrôlent depuis des années la frontière entre Vintimille et Menton et renvoient systématiquement les immigrants illégaux en Italie, y compris, selon des informations diffusées dans les médias italiens, quand ces immigrants se font prendre à une certaine distance de la frontière italienne, auquel cas de tels « renvois à chaud » violent les règles européennes. Les Italiens accusent aussi l’Allemagne de violer les règles quand elle renvoie en Italie des immigrants sous le régime des règles de Dublin, selon lesquelles un immigrant arrivé illégalement en Europe ne peut demander l’asile que dans le premier pays d’arrivée. Du coup, alors que l’Allemagne et la France lui demandent de rouvrir ses ports aux immigrants illégaux, l’Italie est sous très forte pression de la part d’autres pays de l’UE qui lui demandent de reprendre quelque 46.000 immigrants. Or en conséquence des débarquements massifs de migrants survenus sous l’égide du gouvernement de Matteo Renzi, le nombre de demandeurs d’asile renvoyés en Italie a déjà triplé en seulement cinq ans, la majeure partie des 188.000 demandes de transfert faites depuis 2013 étant venues de l’Allemagne, de la Suisse, de la France et de l’Autriche.
Pour ajouter à la provocation, à la veille de la réunion parisienne du 22 juillet, l’ONG SOS Méditerranée, dont le siège est à Marseille, a annoncé le lancement d’une nouvelle opération de recherche et sauvetage conduite conjointement avec l’ONG franco-suisse Médecins sans frontières (MSF) avec un nouveau navire plus gros et plus rapide que l’Aquarius, qui est toujours bloqué à la demande du parquet italien. Arborant le drapeau norvégien, l’Ocean Viking a quitté le dimanche 4 août le port de Marseille à destination des côtes libyennes. SOS Méditerranée et MSF évaluent le coût de cette opération à environ 14.000€ par jour. Dans un communiqué de presse publié le 12 juillet, la ville de Paris avait annoncé une contribution de 100.000€ en faveur de cette onéreuse mission. Cette subvention de la part de la capitale française a été annoncée en même temps que l’attribution par la mairie de Paris de sa médaille Grand Vermeil à Carola Rackete et Pia Klemp, deux capitaines allemandes de navires d’ONG mises en examen en Italie pour des accusations d’aide à l’immigration illégale, y compris, dans le cas de Klemp, avec des faits supposés de collusion active avec les passeurs.
Responsabilité française dans la situation en Libye
La situation actuelle en Libye ne fait qu’empirer les choses. Depuis avril, quand l’Armée nationale libyenne (ANL) a lancé une offensive contre le gouvernement d’entente nationale (GNA) de Tripoli, qui est le gouvernement libyen reconnu par l’ONU, les centaines de milliers d’immigrants illégaux coincés en Libye, notamment dans les centres de détention libyens, ont vu leurs conditions de séjour se détériorer et peuvent maintenant prétendre chercher à fuir une zone de guerre quand ils embarquent sur des canots dans l’espoir de se faire récupérer par un bateau européen. Or l’ANL est soutenue par la France tandis que l’Italie est du côté du GNA, sa lutte efficace contre l’immigration illégale étant basée depuis l’été 2017 sur sa coopération avec Tripoli. Et alors que la France nie toute aide militaire à l’ALN, quatre missiles antichars Javelin provenant de l’armée française ont été découverts début juillet dans une base de l’ALN reprise par les forces du GNA.
Ceci survient huit ans après que la France et le Royaume-Uni ont semé le chaos en Libye à coups de frappes aériennes ayant conduit au renversement et à l’assassinat de Mouammar Kadhafi, ce à quoi l’Italie s’était à l’époque opposée, malheureusement sans succès, notamment parce qu’elle craignait justement que l’attaque franco-britannique allait ouvrir la Libye à un afflux massif d’immigrants cherchant à rejoindre l’Europe par l’Italie. C’est donc une raison de plus qui fait que Matteo Salvini n’est pas prêt, sur la question de l’immigration illégale, à recevoir des leçons de morale et d’humanité de la part d’Emmanuel Macron.
Il mérite aussi d’être souligné que les succès de la politique italienne contre l’immigration illégale par la Méditerranée centrale ont entraîné une réduction de plus des trois quarts, par rapport au maximum de 330.000 personnes atteint en 2016, du flux de migrants arrivant en Libye depuis le Niger. Si l’Italie devait rouvrir ses ports conformément au plan de redistribution franco-italien, il est très probable que la tendance serait à nouveau inversée et que cela conduirait à un accroissement du nombre de migrants coincés en Libye.
La politique migratoire commune dont l’Europe a besoin est celle défendue par l’Italie et le Groupe de Visegrád
Au même moment, alors que l’Espagne a vu l’afflux d’immigrants illégaux et le nombre de noyades en Méditerranée occidentale augmenter de manière dramatique depuis l’arrivée du socialiste Pedro Sánchez à la tête du gouvernement en juin 2018, la Turquie vient d’annoncer qu’elle suspendait l’application de l’accord de réadmission conclu avec l’UE en 2016. Tout cela montre bien qu’une politique européenne commune est nécessaire, mais il ne peut pas s’agir d’une politique renforçant le facteur d’attraction que constitue la facilitation des traversées vers l’Europe tout en faisant porter la charge de l’immigration illégale par certains pays uniquement.
En ce qui concerne la proposition italo-maltaise, il mérite d’être rappelé que Salvini, lors de sa visite de mai en Hongrie, défendait la création de centres d’accueil des migrants hors d’Europe et l’imposition de dures sanctions économiques contre les pays de départ qui refusent de reprendre leurs citoyens. Il avait alors également dit : « Nous espérons qu’à partir du 27 mai [après les élections européennes, NDLR] la nouvelle Europe protégera ses frontières extérieures, qu’il s’agisse de frontières terrestres, comme en Hongrie, ou de frontières maritimes, comme en Italie, parce que le problème n’est pas de redistribuer les migrants qui arrivent ici mais d’empêcher l’arrivée de milliers de migrants supplémentaires ». C’est exactement la position défendue par les pays du V4 depuis la grande crise migratoire de 2015. À cette occasion, le premier ministre hongrois Viktor Orbán a aussi prévenu les Européens qu’ils feraient mieux, dans ce domaine, d’écouter l’Italie et la Hongrie que le président français Emmanuel Macron.
Le chef de la CSU allemande, à laquelle Horst Seehofer appartient, a estimé de son côté que la rencontre d’Orbán et de Salvini « est un mauvais signe » et que « il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de coopération avec les populistes de droite en Europe ». Toujours en mai, le ministre de l’Intérieur allemand a ensuite dit lui-même quelque chose de similaire, à savoir qu’il ne pouvait pas faire confiance à des gens comme son homologue italien.
La Pologne, de son côté, soutient comme la Hongrie la politique des ports fermés menée par Salvini.
Il est donc très clair aujourd’hui que, sur la question de l’immigration illégale, l’Union européenne est divisée en deux camps dont l’un est mené par le couple franco-allemand tandis que l’autre est mené par l’Italie et le Groupe de Visegrád. Avec seulement huit pays qui ont promis de participer activement au nouveau plan de redistribution franco-allemand, le V4 est aujourd’hui en bien meilleure position pour convaincre une majorité de pays de l’UE que lorsque quatre pays seulement (la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Roumanie) avaient refusé d’approuver le plan de relocalisation obligatoire en septembre 2015. Et n’oublions pas que, sur ce sujet, les faits ont depuis donné raison au V4, même si certains refusent encore de l’admettre. L’Italie est désormais dans le camp du Groupe de Visegrád et devrait le rester pour encore longtemps. En effet, même après l’éclatement de la coalition entre la Ligue et le Mouvement 5 étoiles (M5S) après l’appel à de nouvelles élections par Matteo Salvini le 8 août et la motion de censure annoncée le lendemain par les sénateurs de la Ligue, les sondages montrent que des élections anticipées donneront à la Ligue toutes les chances de prendre la tête d’un nouveau gouvernement de coalition de droite avec les partis qui sont déjà ses alliés au niveau local et régional, où même uniquement avec les nationalistes de Fratelli d’Italia ou en faisant cavalier seul. Matteo Salvini et la Ligue continueront donc selon toute probabilité de dicter à l’Italie sa politique migratoire au cours des années à venir.