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Slovaquie : des élections surprenantes pour un résultat sans garantie

Temps de lecture : 4 minutes

Par Bence Leczo.

Slovaquie – L’hégémonie du Smer touche à sa fin. Voilà à quoi l’on pourrait résumer les résultats des législatives de samedi dernier, bien que la situation ne soit pas aussi simple. Toutefois, les chiffres du Smer ont bel et bien chuté tandis que ceux de l’OL’aNO (Obyčajní ľudia a nezávislé osobnosti – Les gens ordinaires et personnalités indépendantes) – parti dirigé par Igor Matovič et seulement crédité de 6% en septembre dernier – lui ont permis de remporter les élections.

Les vainqueurs

L’OL’aNO constitue sans aucun doute la surprise de ces législatives. Peu après la fermeture des bureaux de vote, les estimations donnaient le parti vainqueur, en surprenant ainsi bien plus d’un. Igor Matovič a fait son entrée dans le paysage politique en 2011 avec la fondation de son parti. Dans un premier temps, il avait tenté une approche populiste avant de trouver le succès via un positionnement anti-corruption très fructueux dans la conjoncture actuelle. En effet, le gouvernement précédent s’est vu entaché de l’affaire Kuciak, qui n’est pas seulement celle de l’assassinat d’un journaliste, mais aussi celle des liens qui unissent le monde politique à celui de la mafia. Or le jeune parti ne s’est pas contenté de faire campagne contre la corruption, mais s’est aussi montré défavorable au relâchement de la politique migratoire, au « mariage gay » et à la légalisation des drogues douces en Slovaquie. Ainsi, l’OL’aNO a atteint 25% des suffrages, permettant à 53 de ses députés de siéger au parlement slovaque.

Les sondages n’avaient pas prévu la chute du Smer. Pourtant, ce parti de gauche est le membre de la coalition précédente qui a pu conserver ses sièges (en funambule sur une ligne idéologique à la fois d’extrême gauche et d’extrême droite). Le Most-Híd et le SNS n’ont pas atteint le seuil nécessaire à la représentation parlementaire. Le Smer avait pourtant fait passer une disposition traitant du 13ème salaire avant les élections, ce que les mauvaises langues avaient qualifié de tentative de sauvetage maladroite d’un parti à la réputation entachée. La vague de protestation qui a suivi l’affaire du meurtre de Kuciak avait forcé Robert Fico à la démission de son poste de Premier ministre lors du mandat précédent, ainsi que Robert Kaliňák de son poste de ministre de l’Intérieur. La campagne du Smer s’est avérée passablement chaotique : au cours des dernières semaines, Robert Fico accusait le président du parti Most-Híd, Béla Bugár, de tous les échecs de son mandat. Mais par ailleurs, sa campagne basée sur des réformes sociales et sur un renouvellement au sein du parti lui a tout de même valu 18% des voix, soit 38 députés.

Arrivé troisième, le parti conservateur et eurosceptique Sme Rodina (« Nous sommes une famille ») a obtenu 8,24% des suffrages et 17 mandats. Créé de toutes pièces par un homme d’affaires du nom de Boris Kollár en 2015, Sme Rodina avait fait son entrée au parlement slovaque un an plus tard avec un score 6,6%. Sme Rodina fait partie du même groupe parlementaire que le RN au Parlement européen. Sa rhétorique se construit essentiellement sur l’opposition au phénomène migratoire et la dénonciation des oligarques.

Le L’SNS de Kotleba (Ľudová strana Naše Slovensko – « Parti populaire Notre Slovaquie ») arrive quatrième avec 7,97% des suffrages et 17 députés. Des manifestations avaient récemment été organisées contre le parti d’extrême droite par la coalition perdante PS-SPOLU. Le cheval de bataille de cette formation politique est la migration, bien qu’elle soit aussi connue pour son hostilité à l’encontre de la communauté tzigane.

Les partis de droite libérale SaS (Sloboda a Solidarita – « Liberté et Solidarité ») et le Za Ľudí (« Pour le peuple ») ont tous deux obtenu près de 6% et ont ainsi fait leur entrée au parlement slovaque. Le SaS avait fait un passage au parlement pendant les deux années entre deux gouvernement Fico, alors que le gouvernement d‘Iveta Radičová chapeautait une multitude de partis. Il est à noter que la coalition de l’époque était tombée à cause du SaS, qui n’avait pas accordé son soutien lors d’une motion de censure du Premier ministre. Le Za Ľudí a été fondé en 2019 par Andrej Kiska, millionnaire libéral et ancien président de la République slovaque, qui avait battu Robert Fico aux présidentielles.

Les perdants

Les élections législatives slovaques de 2020 ont deux grands perdants : la coalition PS-SPOLU et les Hongrois. D’après la loi slovaque, le seuil à atteindre pour faire son entrée au parlement est de 5%, or ce n’est le cas que lorsqu’il s’agit d’un seul parti. Dès lors qu’il y a une alliance, ce seuil s’élève à 7%. Le PS-SPOLU a obtenu 6,96%, ce qui signifie qu’un millier de voix lui auront manqué pour atteindre ce seuil. Il est à noter que le PS est le parti de la présidente actuelle de la Slovaquie, Zuzana Čaputová. Le parti affiche une couleur antifasciste et libérale. Au cours de la campagne, il a organisé plusieurs manifestations contre le L’SNS de Kotleba. L’ironie du sort, c’est que le parti se présentait comme partenaire potentiel à une coalition avec l’OL’aNO de Matovič.

Quant à la minorité hongroise de Slovaquie, elle est forte de quelques 460 000 individus, ce qui signifie 8,5% d’une population totale de 5 millions 440 milles habitants. Des quatre partis hongrois n’en restent désormais plus que deux : en septembre dernier, la Fraternité communautaire hongroise (Magyar Közösségi Összefogás , MKÖ) en a rassemblé trois. Les résultats sont sans appel : 3,9% pour la Fraternité et 2,05% pour le Most-Híd de Béla Bugár, insuffisant dans les deux cas. La chute du Most-Híd peut s’expliquer par leurs implications dans les scandales de corruptions liés au Smer. Pour la première fois de son histoire, la Slovaquie n’aura pas de représentation hongroise au parlement.

Possibilités de coalitions

Igor Matovič a fait savoir qu’il ne se contenterait pas de la majorité absolue et qu’il lui fallait la majorité constitutionnelle – à savoir, les deux tiers des sièges – pour pouvoir mettre en place des changements structurels. Igor Matovič prévoit notamment de « nettoyer la Justice ». Il exclu le Smer – qu’il associe à la mafia – et le L’SNS. Ainsi, c’est probablement une coalition OL’aNO-Rodina-Za Ľudí-SaS qui pourrait voir le jour – M. Matovič appelant à « l’alliance de toutes les forces démocratiques » – et gouverner en Slovaquie pour les quatre prochaines années. N’oublions pas que les caprices du SaS ont déjà torpillé une coalition et qu’ainsi un gouvernement à quatre partis pourrait être tout sauf stable.