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Non, la Pologne n’a pas refusé le survol de l’aide russe pour l’Italie

Temps de lecture : 3 minutes

Par Olivier Bault.

Pologne – Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 qui sévit fortement en Europe, la Russie a envoyé de l’aide médicale militaire à l’Italie, pays européen le plus durement frappé à l’heure actuelle. Mais selon un sénateur russe relayé par les médias russes destinés aux étrangers, la Pologne aurait refusé le survol des avions porteurs de l’aide médicale pour l’Italie. Olivier Bault explique pourquoi il s’agit d’un bobard.

Avec 840 cas diagnostiqués et seulement 3 morts au 26 mars, la Russie bénéficie de la sage décision prise par ses dirigeants dès le mois de janvier de fermer la frontière avec la Chine. Les Européens ayant refusé d’interdire de concert les vols depuis la Chine en janvier-février, puis de fermer leurs frontières avec les pays contaminés, tous les grands pays d’Europe occidentale sont aujourd’hui en proie à une épidémie incontrôlée de Covid-19. Si bien que ce sont aujourd’hui la Chine, la Russie et Cuba qui envoient en Italie des avions avec des équipes de médecins et des matériels qui font tant défaut (respirateurs, masques, etc.). Les 22 et 23 mars, sur la base d’un accord passé au téléphone entre le président russe Vladimir Poutine et le premier ministre italien Giuseppe Conte, la Russie a ainsi envoyé quatorze avions de transport militaires Iliouchine II-76 à destination de l’Italie.

Lundi, le média du gouvernement russe destiné aux publics internationaux publiait, sur la base d’un tweet rageur du sénateur Alekseï Pouchkov, ancien président de la Commission des Affaires internationales de la Douma et auteur-animateur de l’émission politique Post-Scriptum à la télévision publique TV Tsentr, un article où il était affirmé que la Pologne avait refusé de laisser passer les avions envoyés par Moscou pour secourir les Italiens en proie à l’épidémie.

Dans ce tweet, le sénateur russe écrivait, selon la traduction publiée par Sputnik France :

« La Pologne n’a pas laissé transiter via son espace aérien les avions russes apportant de l’aide pour l’Italie. C’est une bassesse au plus haut sommet de l’État. D’autant plus que l’aide était destinée à un pays allié de la Pologne dans le cadre de l’UE et de l’Otan. La Russie ne doit désormais en rien aller à la rencontre de la Pologne. En rien ».

Le média Sputnik enchaînait :

« Au lieu de voler via la Biélorussie, la Pologne, la République tchèque et l’Autriche ou l’Allemagne, les Il-76 russes ont mis le cap sur la mer Noire et se sont posés à Rome après avoir survolé la Turquie, la Grèce et l’Albanie. Une escale a été faite à Sotchi, au bord de la mer Noire, pour se ravitailler. En suivant cet itinéraire, ils ont parcouru une distance de 1.000 kilomètres de plus que prévu. »

L’article de Sputnik, publié en plusieurs langues, a été modifié depuis pour contenir la réaction polonaise à ce bobard médiatique. On peut supposer que si le média russe a choisi de mettre à jour un article vieux de plusieurs jour plutôt que d’en publier un nouveau, c’est qu’il n’avait pas envie que cette mise à jour soit lue par un trop grand nombre de ses lecteurs.

En effet, l’affirmation du sénateur-commentateur de télévision est la seule et unique source citée par les journalistes de Sputnik et de RT qui ont accusé la Pologne d’avoir refusé le passage des avions par son espace aérien.

En revanche, le ministère de la Défense polonais, contacté par le site defence24.pl, a répondu par écrit qu’aucune demande de survol du territoire polonais n’avait été formulée par la Russie pour ces transports humanitaires vers l’Italie. Le porte-parole de l’Agence polonaise de navigation aérienne, lui aussi contacté par les journalistes polonais, a assuré que l’espace aérien polonais reste ouvert et que le transit aérien civil depuis la Russie au-dessus de la Pologne n’a à aucun moment été interrompu. On peut donc supposer qu’une demande de survol pour des avions transportant de l’aide médical à destination de l’Italie n’aurait pas été refusée par la Pologne. Mais encore aurait-il fallu qu’une telle demande soit faite.

Même après avoir mis à jour son article avec la réaction polonaise, le site Sputnik n’a pas apporté d’autres sources que le tweet de Pouchkov à l’appui de ses affirmations de lundi concernant l’attitude de la Pologne. Le site polonais defence24.pl fait aussi remarquer que les avions russes ayant décollé de Moscou auraient pu choisir un trajet nettement  plus court que celui retenu (par la Turquie, la Grèce et l’Albanie) y compris en évitant la Pologne, en survolant la mer Baltique puis l’Allemagne et l’Autriche.

Si la Russie a choisi de faire prendre à ses avions un détour par le sud, c’est sans doute pour avoir à demander moins d’autorisations de survol (car il y aurait eu d’autres pays que la Pologne à survoler) et aussi pour prendre une route moins fréquentée par l’aviation civile. Cette opération de propagande montée par des médias publics russes à l’encontre de la Pologne montre que l’aide envoyée par la Russie à l’Italie, si elle est louable, n’a peut-être pas uniquement un but humanitaire.

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