Article paru dans le Magyar Nemzet le 15 février 2021.
Un article du premier ministre polonais Mateusz Morawiecki pour le Magyar Nemzet.
En Europe, nous nous sommes libérés de l’influence soviétique suite à la chute du communisme. De nouvelles opportunités et de nouveaux défis se présentaient alors aux pays d’Europe centrale. Il y a trente ans, un an à peine après cet évènement historique, le 15 février 1991 – dans la ville hongroise de Visegrád, connue pour une célèbre rencontre des rois de Hongrie, de Pologne et de Bohême, en 1335 – a vu le jour une coopération sans précédent, constituant elle aussi un tournant historique : le groupe de Visegrád.
Composé à l’origine de la Pologne, de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie – aujourd’hui de la Tchéquie et de la Slovaquie, désormais indépendantes –, ce groupe était guidé par ses désirs de coopération régionale et d’appartenance à la famille européenne. C’était une sérieuse épreuve pour la Pologne, marquée d’abord par la Deuxième Guerre mondiale, puis par plusieurs décennies sous la coupe du régime soviétique. Les adhésions de la Pologne, de la Hongrie et de la Tchéquie à l’OTAN en 1999, puis, peu après, celle de la Slovaquie, ont facilité leur effort de soutien mutuel et de coopération régionale. En 2004, les pays du V4 sont devenus membres à part entière de l’Union européenne, ce qui a activement contribué à notre développement politique et a renforcé notre compétitivité économique. Alors que l’Europe centrale avait des axes d’approvisionnement Est-Ouest, nous avons adopté une stratégie d’intégration de la région selon un axe Nord-Sud. Seuls, nous aurions sans doute été faibles, mais ensemble, nous représentons une économie forte au niveau mondial.
Le groupe s’est développé au fil des années. Au cours des premières années, l’existence du groupe étant alors de nature informelle, la coopération des pays du V4 n’était pas « systématisée ». Cela a changé en 1999 avec l’introduction du système de la présidence tournante. Nous sommes heureux que la présidence revienne à la Pologne au moment où le groupe fête ses trente ans d’existence. Aujourd’hui, la force du V4 réside dans sa coopération interne, dans une position de négociation plus forte au sein des structures de l’Union européenne, dans la défense des intérêts de notre région et la représentation sur la scène internationale de ses buts stratégiques. Ensemble, nous sommes capables de plus. Etant quatre États souverains, il n’est pas nécessaire que nous soyons d’accord sur tout, mais notre proximité géographique, notre identité commune, fruit de l’entrelacement de nos parcours historiques, et les défis socio-économiques communs que nous affrontons font que l’étendue des intérêts communs est très large. C’est ce que montrent nos coopérations sectorielles régulières et actives dans divers domaines, comme la solidarité en matière politique et migratoire, mais aussi en matière de développement du marché commun, ou encore d’économie digitale.
Au cours des trente dernières années, nos pays ont effectué un immense bond en avant avec la création d’économies compétitives, capables de concurrencer les marchés d’Europe de l’Ouest. Au cours des trente dernières années, notre croissance a dépassé la moyenne de l’UE, qui est de 2,1%, alors que celle du groupe de Visegrád est de 3,8%. Comparés à l’UE, les pays du V4 peuvent se targuer d’un taux de chômage bas, qui n’a pas dépassé la moyenne communautaire en 2020, la Tchéquie et la Pologne ayant affiché les taux les plus bas au sein de l’Union. Les pays du V4 représentent près de 15% du commerce extérieur de l’UE, et font entendre leur voix dans les débats au sein de ses institutions.
Mais le V4 ne se résume pas à la politique. Le Fonds international de Visegrád (IVF), qui fonctionne depuis 2000 et est l’un des accomplissements les plus significatifs du groupe, en est un parfait exemple. Depuis le début, ce fonds joue un rôle d’importance-clé : il rapproche nos sociétés, renforce la compréhension mutuelle et la conscience d’un destin commun. Depuis 2000, le Fonds international de Visegrád a octroyé plus de 2400 bourses à nos étudiants, a aidé à la réalisation de près de 6000 projets dans nos quatre pays et dans les pays du Partenariat oriental, ainsi que dans les pays des Balkans de l’Ouest, qui veulent s’inspirer des expériences du V4.
La pandémie, à laquelle l’Europe n’a pas échappé, a montré l’importance de bonnes relations de voisinage dans la gestion d’une situation de crise. L’épidémie de Covid-19, une époque difficile pour nous tous, a prouvé à plusieurs reprises qu’il existe une véritable amitié entre nos pays. Le partage d’informations et de savoir-faire, de matériel médical entre pays du groupe, ou encore la création de centres de coordination, ne sont que quelques-unes des possibilités aidant à placer sous contrôle cette menace et à harmoniser nos activités de lutte contre la pandémie.
Les relations nouées entre la Pologne et la Hongrie au fil des siècles sont particulièrement fortes. Nous sommes fiers que nos citoyens se considèrent comme des peuples frères. Je suis convaincu que ce sentiment nous permettra de continuer à renforcer notre coopération et notre amitié de longue date au cours des mois et des années à venir. Aidés par notre solidarité, nous vaincrons les conséquences de la pandémie, et nous travaillerons ensemble au développement de notre région et de l’Union tout entière.
C’est pourquoi, malgré la crise du Covid-19, nous sommes confiants quant à l’avenir. Le slogan de la présidence polonaise est : Back on track (« De retour sur la bonne voie »). Notre but est de revenir le plus vite possible sur la voie du développement et de la réanimation des relations entre nos sociétés. Le renforcement de la coopération, l’innovation et les nouvelles technologies, ainsi que le développement de la région sur le plan numérique, seront des ressorts importants. Entre 2017 et 2019, l’économie digitale a crû chez nous de près de 8% par an, c’est-à-dire bien plus que dans les cinq plus grandes économies de l’Union. Nous nous concentrons sur des projets susceptibles de poursuivre l’amélioration du niveau de numérisation, même si tous les pays du V4 peuvent d’ores et déjà se targuer de niveaux de numérisation élevés dans divers domaines – la Tchéquie dans le secteur de l’intelligence artificielle, la Slovaquie dans ceux de la robotique et de l’industrie automobile, la Pologne dans les médias, le divertissement et le secteur bancaire, la Hongrie montrant, de son côté, des taux de numérisation élevés dans le domaine professionnel, dans les affaires et dans les services publics.
Au cours des trente dernières années, les pays du groupe de Visegrád ont réussi à se libérer du joug communiste, et à se consacrer à leur transition politique et économique, qui leur a permis de s’engager sur la voie d’un développement stable et sûr. Aujourd’hui, le groupe de Visegrád est synonyme de région à développement dynamique et durable, disposant d’un fort pouvoir d’attraction des investissements et cherchant à pratiquer un pilotage créatif au cœur de l’Europe. Voilà pourquoi nous abordons cette décennie avec de grands espoirs, une grande foi en la poursuite de notre coopération active et efficace au sein du V4 comme ailleurs – au service de nos citoyens, de nos États et de l’ensemble de l’UE.
Au nom de la présidence polonaise du V4 et de toute la nation polonaise, je voudrais vous remercier pour ces trente ans de coopération étroite et amicale !
Mateusz Morawiecki
Premier ministre de la Pologne
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post