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Hongrie : les nationalistes manifestent contre les mesures covidiennes

Temps de lecture : 6 minutes

En ce jour de fête nationale, les nationalistes du parti Mi Hazánk ont organisé une manifestation pour la fin des mesures covidiennes. Faible mobilisation malgré la gronde grandissante, la peur de la police plus forte que le reste.

Hongrie – Le 15 mars est un jour férié en Hongrie, lors duquel il est convenu de célébrer l’esprit de liberté et d’indépendance, en hommage à la révolution de 1848 qui réclamait l’indépendance de la Hongrie, alors partie intégrante de l’Empire d’Autriche.

Mais restrictions covidiennes obligent, pas de célébration publique cette année. Il faut reconnaître qu’il aurait été de toute manière malvenu de célébrer la liberté et la souveraineté dans le contexte actuel de fermetures, de restrictions des libertés et de couvre-feu.

C’est donc justement contre ces mesures que, malgré l’interdiction de rassemblement pour prétexte sanitaire, le parti nationaliste Mi Hazánk (Notre Patrie) a organisé une manifestation.

« Assez des fermetures ! », peut-on lire sur la banderole du parti nationaliste hongrois. De gauche à droite, Áron Ecsenyi, président du parti libertarien, Zoltán Pakusza, István Apáti et Dóra Dúró , vice-présidents de Mi Hazánk, et au mégaphone, László Toroczkai, président de Mi Hazánk. Budapest, 15 mars 2021. Photo : Ferenc Almássy / Visegrád Post

Près de 2 000 personnes se sont rassemblées dans le centre de Budapest, devant un casino, symbole d’un deux poids deux mesures imputé au gouvernement par favoritisme, car étant resté ouvert jusqu’au 8 mars, date d’entrée en vigueur de nouvelles restrictions plus lourdes pour cause de « 3e vague ». Les restaurants, les thermes, les cafés et les bars, eux sont fermés depuis début novembre, provoquant de plus en plus de faillites et dégradant durablement la qualité de vie des citoyens.

« Nous ne voulons pas du nouvel ordre mondial de Davos ! », a notamment détaillé le président du parti nationaliste, expliquant que derrière la crise du Covid et les mesures sanitaires se cachait un dessein bien plus politique et bien plus sombre.

László Toroczkai lors de la manifestation du 15 mars 2021, à Budapest. Photo : Ferenc Almássy / Visegrád Post

En 1848, les révolutionnaires hongrois avaient fait part d’une liste de demandes en douze points. En écho à cette célèbre liste, le président du parti nationaliste a lu une liste de six points :

  1. Fin du blocage de l’économie, que le gouvernement laisse travailler ceux qui le veulent.
  2. Protection des groupes à risque, et que restent chez eux ceux qui ont peur pour leur santé. Que ceux qui n’ont pas peur puissent vivre normalement et travailler librement.
  3. Pas de passeport vaccinal en Hongrie : ce projet est discriminatoire, réduit les libertés, et la campagne de vaccination en cours est une expérimentation humaine à grande échelle.
  4. Réouverture des maternelles, des écoles, des lieux d’enseignement ; halte au vol du présent et du futur de la jeunesse.
  5. Que le gouvernement hongrois ne souscrive plus à de nouveaux crédits, car il reviendra aux Hongrois de les rembourser. Introduction d’un impôt solidaire de pandémie, qui taxe les profiteurs de la crise – multinationales, casinos et industrie pharmaceutique.
  6. Liberté de la presse, fin de la censure.
Le cortège de la manifestations, rassemblant environ 2 000 personnes, rejoint la place du parlement. Budapest, 15 mars 2021. Photo : Ferenc Almássy / Visegrád Post

Commentant le dernier point sur la liberté de la presse et la censure, László Toroczkai a souligné qu’il était inquiétant et inacceptable que les réseaux sociaux et nombre de médias censurent, parfois automatiquement, des publications en rapport avec le Covid et les mesures covidiennes, dès lors que le contenu diffère de la ligne officielle, rendant ainsi impossible le débat et la remise en question de certaines mesures dans le cadre démocratique.

De nombreux sympathisants du parti nationaliste arboraient des masques aux messages explicites. Budapest, 15 mars 2021. Photo : Ferenc Almássy / Visegrád Post

Cette manifestation anti-Covid est la quatrième en Hongrie. Après un printemps 2020 au confinement très doux, suivi d’un été presque normal, la narration a subitement changé à partir de septembre 2020 pour se durcir de plus en plus, comme dans les autres pays du groupe de Visegrád.

Depuis début novembre 2020, le gouvernement hongrois a instauré une fermeture des lieux de loisir et de vie sociale. Mais début 2021, alors que les chiffres de l’année 2020 sortaient, le médecin en chef a reconnu que sur les 10 325 victimes attribuées au Covid de mars 2020 au 7 janvier 2021, seules 307 n’avaient aucune comorbidité connue. Zsolt Bayer, éditorialiste pro-Fidesz, a publié une enquête allant en ce sens et relativisant le danger du SARS-CoV-2 pour la population générale. Tout semblait indiquer une sortie de la crise…

Ceci n’est pas le hasard : alors qu’en décembre, le gouvernement a annoncé la mise en place des mesures demandées par l’UE et notamment le passeport Covid, la grogne a commencé à enfler dans le pays, jusqu’alors patient et espérant une réouverture en janvier.

Depuis, et face à la prolongation des mesures, la contestation s’organise, bien que péniblement, les différents visages de l’anti-covidisme n’arrivant pas à s’entendre. Le 1er février, le parti libertarien Le az Adók 75%-ával Párt (Parti pour la suppression de 75% des impôts) a organisé une première manifestation rassemblant un millier de personnes place des Héros. Le 28 février, c’est l’organisation Orvosok és Egészségügyi Dolgozók a Tisztánlátásért (Médecins et soignants pour la lucidité) qui a rassemblé 5 000 personnes à la place des Héros.

Très important dispositif policier au point d’arrivée de la manifestation. Les contrôles d’identité se sont comptés en centaines. Plusieurs drapeaux ont été confisqués. Budapest, 15 mars 2021. Photo : Ferenc Almássy / Visegrád Post

La manifestation du parti nationaliste Mi Hazánk, qui se qualifie de « parti de la réouverture », a rassemblé quant à elle tout au plus 2 000 personnes. Un rassemblement modeste compte tenu des enjeux, du fait qu’il s’agit d’un jour férié et que la météo était clémente. La peur – non pas du virus, mais de la police – semble avoir eu l’avantage.

Le déploiement policier a en effet été massif, bien que non-violent : plusieurs centaines d’agents de police ont contrôlé en masse les participants, prenant note de leurs données afin, comme pour les participants des autres manifestations évoquées plus haut, de les verbaliser ultérieurement. Mais aucune arrestation ou usage de la force n’ont été observés.

Si au départ de la manifestation, le cordon de police tentant de bloquer le cortège a instantanément cédé face aux cris des manifestants rapidement énervés et menaçants, l’arrivée au parlement a permis aux forces de l’ordre de reprendre le contrôle et disperser la manifestation en effectuant des contrôles sur tous les participants ou presque.

Alors que la consultation nationale sur la réouverture est toujours en cours, la « 3e vague » a justifié la mise en place des mesures les plus dures (fermetures des magasins « non-essentiels ») depuis un an. Pis, le premier ministre Viktor Orbán a même déclaré à la radio dimanche dernier que « la réouverture était à l’heure actuelle imprédictible ».

À un an des élections générales, la situation est difficile pour le gouvernement hongrois, dont l’électorat s’effrite sous le coup des mesures covidiennes interminables et oppressantes. La grogne des petits commerçants ruinés par les restrictions, ainsi que l’agacement et la peur de l’instauration durable d’une « nouvelle normalité covidienne » d’une partie de la population ne profitera pas a priori à l’opposition libérale, désireuse d’encore plus de restrictions de libertés et attaquant le gouvernement conservateur sur son laxisme ; reste à voir si Mi Hazánk, malgré son image de parti radical, saura profiter d’un transfert de voix des électeurs Fidesz déçus et en colère face à la gestion de la crise.