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Trois quarts des citoyens européens accordent plus d’importance à la sécurité et à la protection de la vie qu’aux libertés

Temps de lecture : 5 minutes

Article paru le 8 décembre 2020 sur le site de l’institut Századvég.

Au cours des dernières années, la sécurité et l’ordre, ainsi que la question du conflit entre les droits de l’homme et les libertés politiques, par exemple en rapport avec les problèmes de l’immigration de masse et du terrorisme, ont souvent fait l’objet de débats. En 2020, l’épidémie qui frappe le monde entier a aussi illustré l’existence d’une contradiction partielle entre libertés et légitimes aspirations à la sécurité. La présente analyse s’appuie sur une enquête menée dans le cadre du « Projet Europe » de l’institut Századvég dans les 27 États-membres de l’UE et au Royaume-Uni, et s’intéresse à la relation qu’ont les citoyens aux questions de l’ordre, des libertés, ainsi qu’à ce qu’ils pensent de la sécurité juridique et de l’égalité devant la loi dans leur propre pays.

L’étude en question permet d’affirmer que plus de trois quarts (76%) des citoyens européens placent les droits liés à l’ordre, à la sécurité et à la protection de la vie en première place par ordre d’importance, et que seuls un sixième des sondés (16%) pensent que les libertés politiques sont ce qu’il y a de plus important. Il est intéressant de noter que dans les anciens pays communistes et dans le V4, la question de la sécurité est plus accentuée que pour la moyenne européenne. 85% des sondés de l’ancien bloc socialiste, et 82% de ceux des pays du V4 – Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie –, ont placé les droits liés à l’ordre, à la sécurité et à la protection de la vie en première place, alors que seuls 10% des sondés de l’ancien bloc communiste, et 12% de ceux du V4, considèrent les libertés politiques comme étant plus importantes.

Analysant la situation pays par pays, on constate que Malte et Chypre sont les pays qui ont la proportion la plus élevée (32% et 30%) de sondés pour lesquels les libertés politiques sont les plus importantes, alors que la Roumanie (5%), la Croatie (6%) et la Slovénie (6%) sont les pays où la proportion est la moins élevée. En Europe de l’Ouest, plusieurs pays accordent plus d’importance aux libertés que la moyenne de l’UE, mais en France – particulièrement touchée par l’immigration et les vagues de terrorisme –, 70% des sondés préfèrent l’ordre, tandis que seuls un sixième (17%) des sondés exprime une opinion contraire. En Hongrie, les trois quarts des sondés (75%) jugent les droits liés à l’ordre, à la sécurité et à la protection de la vie plus important, tandis que 15% des sondés donnent la priorité aux libertés politiques.

Qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? Les droits liés à l’ordre, à la sécurité et à la protection de la vie (vert), mes libertés politiques (rouge), NSP (blanc). De haut en bas, UE27 et Royaume-Uni, États fondateurs ou dont l’adhésion date du XXème siècle, anciens pays communistes, V4.

L’enquête s’est aussi intéressée à l’opinion des citoyens de l’UE et du Royaume-Uni sur le fonctionnement de l’administration dans leur propre pays, du point de vue de l’égalité devant la loi et de la sécurité juridique. On peut affirmer que près de la moitié des sondés (46%) des 28 pays considèrent le fonctionnement de leur administration comme étant prévisible, tandis que 35% des sondés pensent le contraire. Dans les anciens pays socialistes et dans le V4, 36% des sondés pensent que le fonctionnement administratif de leur pays satisfait au principe de la sécurité juridique, tandis que 50% des sondés trouvent que le fonctionnement des autorités et des services administratifs de leur pays n’est pas cohérent du point de vue de l’égalité devant la loi et de la sécurité juridique.

En analysant les différences entre pays, on peut dire que la proportion des sondés condamnant le fonctionnement de leur administration du point de vue de l’égalité devant la loi et de la sécurité juridique est la plus élevée en Bulgarie (65%) et en Lituanie (56%), alors qu’elle est la plus basse au Luxembourg (18%) et au Royaume-Uni (23%). Il est important de noter qu’en Hongrie, le jugement porté sur le fonctionnement de l’administration est bien meilleur que dans la majorité des anciens pays communistes. L’étude a d’ailleurs montré que 53% des Hongrois pensent que le fonctionnement des autorités de leur pays est prévisible, tandis que 43% d’entre eux ont une opinion différente à ce propos.

Quel est votre avis sur le fonctionnement de l’administration de votre pays du point de vue de l’égalité devant la loi et de la sécurité juridique ? Absolument pas prévisible (rouge), plutôt pas prévisible (rose), plutôt prévisible (turquoise), absolument prévisible (vert), NSP (blanc). De haut en bas, anciens pays communistes, Estonie, Hongrie, Slovénie, Croatie, Tchéquie, Slovaquie, Roumanie, Lettonie, Pologne, Lituanie, Bulgarie.

L’examen des résultats de l’enquête illustre, dans l’ensemble, la divergence des réalités historiques et des réalités sociales actuelles des divers pays. Les vagues de crises de la décennie qui vient de s’écouler – la crise économique mondiale, la crise migratoire et ses conséquences, la crise pandémique – et les expériences engrangées pourraient expliquer qu’une large majorité de citoyens européens place l’ordre et la sécurité au sommet de leurs préoccupations, et jugent moins important au quotidien de faire valoir leurs libertés politiques. Néanmoins, les citoyens de plusieurs pays d’Europe de l’Ouest, qui profitent de près d’un demi-siècle de plus de passé démocratique, sont dans l’ensemble plus satisfaits que les pays de l’UE s’étant démocratisés il y a trente ans en ce qui concerne l’application du droit par les autorités et les agences administratives. Cela ne veut pas dire que les « estiens » ne jouiraient pas, à de nombreux titres, de libertés et de protection dans le cadre de leur propre système juridique, mais plutôt qu’ils sont moins satisfaits que la majorité des Européens de l’Ouest quand il s’agit de faire valoir leurs droits sociaux, ou même économiques.


L’étude « Project Europe »

Dans la première moitié de l’année 2016, la fondation Századvég a mené une enquête d’opinion publique couvrant les 28 États-membres de l’Union européenne, dans le but d’analyser les opinions des citoyens de l’UE concernant les enjeux qui en affecteront le plus l’avenir. Seule dans son genre, « Project28 » a mené le sondage le plus large possible sur un panel de 1 000 adultes sélectionnés au hasard dans chaque pays, soit un total de 28 000. Parmi les principaux objectifs de l’analyse : se doter d’une compréhension du sentiment de prospérité de la société et de son attitude face aux performances de l’UE, à la crise migratoire et au terrorisme grandissant. La fondation Századvég, commanditée par le gouvernement hongrois, a reconduit cette étude en 2017, 2018 et 2019, en continuant à se concentrer sur les sujets les plus déterminants du discours politique et social européen.

En 2020, ce sondage, désormais baptisé « Project Europe », sera poursuivi, dans le but d’évaluer l’attitude de la population à l’égard des plus importants des enjeux publics qui affectent notre continent. Outre le sentiment de prospérité de la société, les performances de l’Union européenne et les attitudes par rapport à la crise migratoire, en phase avec l’actualité des défis affectant l’Europe, les thématiques dominantes du sondage de cette année étaient la pandémie de coronavirus, le changement climatique et l’antisémitisme. En plus des États-membres de l’Union européenne, l’étude de 2020 a aussi couvert le Royaume-Uni, la Norvège et la Suisse, interrogeant un total de 30 000 adultes, sélectionnés au hasard en utilisant la méthode CATI.

Traduit de l’anglais par le Visegrád Post.