Pologne/Biélorussie – Cela fait des mois que les relations entre la Pologne et la Biélorussie sont mauvaises. Depuis les élections présidentielles du mois d’août 2020 en Biélorussie – officiellement remportées par Alexandre Loukachenko avec 80,08% des voix – dont l’opposition conteste vivement les résultats, la Pologne – comme la plupart des pays occidentaux – s’est rangée du côté de l’opposition. Par ailleurs, l’interprétation divergente des deux pays au sujet de leur histoire commune pendant la Seconde Guerre mondiale avait amené il y a à peine quinze jours l’expulsion du consul polonais à Brest pour participation à une cérémonie considérée comme « illégale » par les autorités de Minsk le 28 février. Une mesure suivie quelques jours plus tard de l’expulsion d’un diplomate biélorusse par la Pologne à titre de réciprocité.
Arrestation et condamnation arbitraire de la présidente des Polonais de Biélorussie
La tension est encore montée d’un cran avec l’arrestation à Grodno (grande ville du nord ouest de la Biélorussie, à 24 km de la frontière polonaise) d’Andzelika Borys, présidente de l’Association des Polonais de Biélorussie et sa condamnation à 15 jours de prison pour organisation d’un « événement de masse illégal », en l’occurrence la traditionnelle foire folklorique polonaise annuelle organisée chaque année à Grodno au début du mois de mars, la minorité polonaise représentant quand même 24,8% de la population de la région. Cette condamnation arbitraire a fait sortir de ses gonds le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki :
« Nous n’acceptons pas cette manière de traiter les Polonais. Nous ne pouvons pas tolérer que des otages soient pris de cette manière. […] Ces actions sont absolument incompatibles avec les normes internationales »
a-t-il déclaré en faisant part de son intention d’aborder cette question lors de la prochaine session du Conseil européen le jeudi 1er avril. « Nous exhortons les autorités biélorusses à cesser de persécuter les Polonais et à cesser de traiter les Polonais comme des otages », a-t-il encore ajouté.
Soutien des États-Unis et de l’opposition biélorusse à la Pologne
De son côté, l’ancienne candidate au présidentielles d’août 2020 réfugiée depuis en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, a qualifié d’inacceptables tant l’arrestation que la condamnation de Mme Borys, tandis que le chargé d’affaires de l’ambassade américaine en Pologne, Bix Aliu, a déclaré : « Les États-Unis, ainsi que la Pologne et d’autres alliés, montrent leur solidarité avec les citoyens biélorusses dans leurs revendications de changements démocratiques. Nous condamnons fermement la violation systématique et flagrante des droits de l’homme, y compris l’arrestation d’Andzelika Borys et le manque de respect de l’état de droit au Bélarus ».
En réaction à cette affaire, les autorités polonaises ont d’ores et déjà déclaré persona non grata sur le sol polonais le juge ayant prononcé la condamnation de Mme Borys : « Conformément aux directives du Premier ministre Mateusz Morawiecki, le juge qui a condamné […] Andzelika Borys à 15 jours d’arrestation se verra interdit d’entrer sur le territoire polonais pour une durée indéterminée » a déclaré Michał Dworczyk, le secrétaire général de la chancellerie polonaise, ajoutant qu’ils ne pouvaient « tout simplement pas accepter ce qui arrive à [leurs] compatriotes à l’étranger », tandis qu’Andrzej Poczobut, un autre dirigeant de la minorité polonaise en Biélorussie a été arrêté ce jeudi 25 mars et que le parquet biélorusse accuse les dirigeants de la minorité polonaise d’actions visant à « la réhabilitation du nazisme » par le biais notamment de l’organisation « d’une série d’événements de masse illégaux avec la participation de mineurs, au cours desquels les membres des groupes anti-soviétiques [lesdits soldats « maudits », ndlr.] opérant pendant la Grande Guerre patriotique et après sa fin ont été honorés ».
« violations graves des droits de l’homme en Biélorussie »
« Malheureusement, nous avons des signaux indiquant que d’autres militants polonais pourraient être soumis à divers types de répression … Je contacterai notre consul … pour établir les faits et contacter la milice ou l’institution qui a procédé à la détention »,
a réagi le vice-ministre polonais des Affaires étrangères, Marcin Przydacz qui a également annoncé la création par la Pologne d’une « Plate-forme internationale de responsabilité pour la Biélorussie » pour « la responsabilité des violations graves des droits de l’homme en Biélorussie ».
Exclure la Biélorussie de l’Eurovision ?
Enfin, Piotr Duda, le président du syndicat Solidarność, a appelé à exclure la Biélorussie du concours de l’Eurovision : « nous demandons au premier ministre de demander au président de Telewizja Polska, en tant que membre de l’Union européenne de radiodiffusion, d’entamer la procédure d’exclusion de la Biélorussie du festival de la chanson Eurovision. C’est un acte symbolique, mais ce sera un élément important pour rappeler à l’Europe et au monde la situation en Biélorussie », a-t-il expliqué. « Les nouvelles qui nous sont récemment parvenues indiquent qu’Alexandre Loukachenko a maintenant ciblé la minorité polonaise en Biélorussie […].
Nous pensons également qu’il vaut la peine d’envisager des mesures plus décisives, telles que des sanctions contre les entreprises biélorusses qui opèrent sur le marché polonais et européen tout en soutenant le régime d’Alexandre Loukachenko ».