Article paru dans le Magyar Nemzet le 22 avril 2021.
De renommée mondiale, l’université chinoise de Fudan – en vertu d’un accord stratégique signé avec le gouvernement hongrois − va ouvrir, à Budapest, son premier campus hors de Chine. Cette information a tant suscité de fantasmes parmi quelques membres de l’opposition que ces derniers voient déjà dans le projet une menace à la sécurité nationale.
Même András Schiffer, connu pour ses opinions pondérées et intelligentes, pense qu’en prenant cette décision, le gouvernement ne renforce pas l’indépendance de notre pays. Selon lui, une politique étrangère cherchant à satisfaire à la fois les puissances de l’Ouest et celles de l’Est affaiblit notre position, et l’arrivée de cette université chinoise pourrait présenter des risques pour la sécurité nationale.
On ne peut pas s’empêcher de penser à l’Université d’Europe centrale (CEU), dont le siège est aux États-Unis, mais le centre à Budapest, que d’aucuns appellent « Université Soros », et dont les activités ont donné lieu, il y a peu de temps, à de vifs débats. La CEU aurait voulu se rendre indépendante des lois hongroises, et, confrontée à l’impossibilité d’y parvenir, a crié à la persécution et à l’abus de pouvoir. Elle est allée encore plus loin, en reprochant au gouvernement hongrois d’autoriser l’ouverture à Budapest d’un campus dépendant d’une université « chinoise et communiste ».
Il est assez intéressant de constater qu’un établissement d’enseignement disposant aussi d’une accréditation aux États-Unis traite de communiste la grande puissance qui détient 1100 milliards de dollars de dette américaine. C’est d’autant plus curieux que ce même établissement d’enseignement fait haut et fort la promotion de la nécessite de créer une société ouverte en Europe centrale et orientale, sous prétexte que – selon George Soros – les pays anciennement sous influence soviétique seraient menacés par le nationalisme.
Regardons cette étrange position de plus près. Nous avons un grand allié occidental, qui répand et soutient les opinions mondialistes de gauche libérale, pendant que la Hongrie et les pays du V4 travaillent au maintien de l’indépendance des États-nations. Il s’agit là d’efforts contradictoires au sein d’une même alliance. Partant de là − suivant le raisonnement de la gauche libérale − nous pourrions penser de la CEU qu’elle est un poste avancé de la société ouverte en Europe centrale, et parler de menace à la sécurité nationale.
D’autre part, nous avons la Chine, qui n’a jamais fait partie des grands pays envahisseurs et colonisateurs, et dont l’histoire militaire montre une attitude plus défensive qu’offensive. Nous n’avons pas de relations d’alliance avec la Chine, qui n’essaie d’ailleurs pas de nous « offrir » des produits idéologiques.
Le ministre de l’Innovation et de la Technologie, László Palkovics, commissaire du gouvernement en charge du projet de l’Université Fudan, a récemment rappelé, de façon assez spirituelle, que personne n’a besoin d’ouvrir une université pour mener des activités de renseignement.
A partir de 2024, l’université chinoise lancera à Budapest des cursus d’économie, d’ingénierie et de médecine. Quiconque voit dans ces cursus des activités de couverture peut aussi considérer que les restaurateurs, commerçants et autres entrepreneurs chinois présents en Hongrie exercent des activités de couverture. Faut-il, eux aussi, les déclarer persona non grata ?
Au bout du compte, il serait bon de savoir si nous vivons en guerre ou en paix. Dans le premier cas, il faut se poser la question : qu’est-ce qu’un ennemi dont les intentions ne sont pas hostiles ? Et, dans le second : qu’est-ce qu’un ami dont les intentions ne sont pas amicales ?
Attila Bánó
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post