Article paru dans le Magyar Nemzet le 23 avril 2021.
Écrivain, éditeur et professeur universitaire italien, Francesco Giubilei est aussi président de Nazione Futura, ainsi que de la fondation conservatrice Tattarella, et auteur de l’ouvrage intitulé Conservare la natura (« Conserver la nature »).
– Pourquoi les conservateurs italiens considèrent-ils la protection de l’environnement comme un sujet important ?
– Certains sujets donnent souvent l’impression d’avoir été confisqués par la gauche ou par la droite, et pourtant, la responsabilité environnementale est l’affaire de chaque citoyen, indépendamment de ses vues politiques. La grande question de la préservation de l’univers créé devrait unir, et non diviser, les principaux protagonistes du jeu politique. Mais ce qu’on constate, c’est qu’une gauche libérale et mondialiste d’un nouveau type s’est approprié la tendance représentée par Greta Thunberg ou par le mouvement des Fridays For Future, et informe cette tendance d’un contenu idéologique, tout en confisquant le sujet de la protection de l’environnement. Nous considérons qu’il est de notre devoir de faire entendre notre voix quand on essaie de placer des idéologies en embuscade derrière la protection de l’environnement. Face, notamment, aux efforts déployés en vue de nier l’identité des peuples et le droit à l’existence des États-nations, ou encore de porter aux nues la société multiculturelle. Lorsque nous nous heurtons à de tels phénomènes, nous ne pouvons pas nous dispenser de proposer une alternative issue de nos valeurs conservatrices. Ce qu’on appelle le conservatisme vert est une sensibilité politique qui met l’accent sur la préservation de l’univers créé.
– Comment doit-on se représenter le conservatisme vert ?
– Il repose sur trois piliers centraux. Le premier, c’est que la protection de l’environnement est réalisable localement : l’échelle mondiale n’est pas la seule à laquelle elle puisse être réalisée. En s’appuyant sur les enseignements de Roger Scruton, le conservatisme vert parie sur les petites communautés, et postule que la protection de l’environnement inclut celle de l’identité des peuples. Le second, c’est qu’il examine les besoins des entreprises en regard des spécificités locales. La protection de l’environnement ne doit prendre nulle part la forme d’une pression autoritaire qui aille diamétralement à l’encontre des intérêts économiques du territoire. Le troisième, c’est qu’il faut aussi prendre en considération les possibilités et les besoins des couches sociales défavorisées. Il est exact que nous avons besoin d’une révolution des transports, mais personne ne devrait s’attendre à ce qu’un homme qui n’en pas les moyens financiers se débarrasse de la voiture qu’il utilise depuis vingt ans pour acheter une automobile électrique ou hybride à cinquante ou soixante mille euros. Nous n’avons aucune chance d’inverser les processus engagés dans notre environnement si nous tentons de le faire en ignorant totalement les besoins des individus et ceux des communautés.
– La protection de l’environnement est-elle plus efficace dans une approche globale, ou locale ?
– Les deux sont nécessaires, étant donné que la crise que nous vivons est à l’échelle du monde entier. Cependant, la solution n’est pas une organisation mondiale placée au-dessus des nations et agissant exclusivement de l’extérieur, forçant tel ou tel État à l’adoption de certains systèmes réglementaires, comme le fait l’Union européenne. Ce qui a souvent pour effet de défavoriser les producteurs italiens. Les rayons des magasins italiens se remplissent d’oranges et d’huile d’olive de Tunisie, pendant que les oranges et les olives italiennes pourrissent par terre, parce que les récolter coûte plus d’argent que leur vente n’en rapporte. Il est souvent question de plans mondiaux, mais qui, à l’échelle locale, n’apportent aucune solution véritable. Dans une grande ville chaotique comme Rome, rendre les transports en commun plus efficaces, organiser l’élimination des ordures et maintenir la propreté des espaces publics constitueraient déjà des résultats gigantesques.
– Quelles sont les valeurs fondamentales de l’écologie conservatrice ?
– C’est l’univers de valeurs classique des penseurs italiens et européens qui, dans leurs ouvrages des siècles passés, se sont penché sur la question de la nature. Dans l’Antiquité, nous avons les Bucoliques de Virgile, dans lesquelles la nature occupe une place centrale. Ou encore l’univers de croyances de la Rome antique, qui accordait une attention toute particulière au culte de la nature, prêtait une âme aux fleuves et aux ruisseaux et considérait les forêts comme des lieux saints. Dans l’univers des valeurs chrétiennes, le point de départ est la Création comme œuvre de Dieu, au centre de laquelle se trouve l’homme. C’est ce qui l’oppose à la ligne symbolisée par Greta Thunberg, qui est basée sur l’idéologie du néo-malthusianisme. Thomas Malthus voyait dans l’homme un ennemi et un parasite de la nature – c’est à lui qu’on doit l’idée que, pour sauver le monde, il faut freiner la croissance démographique.
– Et quelle serait la solution juste ?
– Ce qui s’en rapproche le plus, c’est la politique familiale mise en œuvre depuis des années déjà par le gouvernement hongrois : une expérience ambitieuse de relance de la natalité. A travers toute l’Europe, nous aurions, de même, grand besoin de gouvernements s’efforçant de déployer des mesures incitatives en faveur de la croissance démographique. L’Italie, par exemple, est frappée depuis des années par une dépopulation dont les proportions sont dramatiques.
– Comment pourrait-on inverser la tendance ?
– Il faudrait redécouvrir les valeurs chrétiennes. Dans le livre de la Genèse, la Bible définit l’homme comme une partie de la Création. La Création, la chrétienté est au centre de l’univers de valeurs du monde conservateur. Au cours de ses deux mille ans d’histoire, l’Église a produit de nombreux enseignements en vue de guider l’humanité, laissant à la postérité les hymnes de Saint François, tout comme les précieuses encycliques et conseils apostoliques de Saint Jean-Paul II, du pape émérite Benoît XVI, et même du pape François. L’ennui, c’est que ces enseignements sont peu connus, et qu’il n’existe pas de mouvements mondiaux de type Thunberg susceptibles de donner le ton et de les populariser.
– Quelles conséquences la dépopulation risque-t-elle d’avoir ?
– Une population vieillissante place un fardeau énorme sur les épaules des actifs, non seulement pour le financement des prestations de retraite, mais aussi pour celui des systèmes de santé. Pour prendre soin de ses anciens, et pour éviter l’effondrement de ses systèmes d’assurance sociale, l’Europe tente de remplacer par des immigrés les enfants qui ne sont pas nés. C’est une solution erronée : on voit facilement quels problèmes culturels et sociaux engendre cette immigration incontrôlée. La seule solution possible, c’est que la population de ces pays recommence à croître.
Dalma Jánosi (Rome)
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post