Le dimanche 9 mai 2021, la « Conférence sur l’avenir de l’Europe » s’est soldée par l’adoption d’une déclaration fort prévisible visant à accélérer le processus de fédéralisation de l’UE. L’idée louable de cette conférence – donner la parole aux citoyens européens – a en réalité servi à chanter une fois de plus les louanges du mainstream progressiste de l’UE.
Or, il est un fait bien connu : les États membres ne perçoivent pas leur appartenance à l’UE comme devant inévitablement mener à la création d’un super-État. Il y a tout juste cinq ans, le 23 mai 2016, le Maréchal de la Diète polonais Marek Kuchciński (PiS) était présent à Luxembourg dans le cadre du sommet des présidents de parlement de l’UE pour évoquer l’avenir de l’Europe et les défis qui l’attendent. Il y avait présenté d’une part la vision centre-européenne et conservatrice de ce que devrait être l’UE, et, d’autre part, une déclaration intitulée « L’Europe des États solidaires », invitant ses partenaires européens à revenir aux idéaux des pères fondateurs de la communauté européenne.
Voici son intervention du 23 mai 2016 :
Honorables présidents,
Si nous voulons parler de renforcement de l’UE, nous devons d’abord poser le diagnostic de la crise actuelle. Nous partageons l’opinion selon laquelle l’UE se trouve dans une situation de crise et nécessite un renouveau. J’estime qu’une partie des problèmes auxquels l’UE fait fasse est due à des processus d’intégration pas toujours réalistes, comme la monnaie commune, le surplus de régulation ou encore la gestion économique. C’est dans ces éléments qu’il convient de chercher les causes de la crise grecque ainsi que de l’opposition à l’idée d’une intensification de l’intégration exprimée par la Grande-Bretagne. Dans les deux cas, l’unité de l’UE a été remise en question.
Pour faire face efficacement à nos principaux problèmes, nous avons besoin de solutions systémiques. L’Union doit s’occuper de sujets tels que la crise du modèle économique, les menaces extérieures dont la sécurité énergétique, le terrorisme international ou encore le déficit de légitimité des institutions européennes. Il y a également d’autres défis, qui sont d’orde sécuritaire et dus aux conflits armés ayant lieu aux portes de l’Union européenne. Il convient de se pencher ouvertement sur l’effondrement démographique, ainsi que sur les attentes de justice et de dignité liées entre autres aux conséquences négatives de l’adoption de l’euro. Les décisions relatives au renouveau de l’UE peuvent être prises sur la base d’un accord des pays membres de l’Union ainsi que sur la base de la volonté des sociétés, exprimée par les parlements nationaux ou par voie référendaire. Seules ces procédures légitimeront les institutions européennes pour être en accord avec notre tradition européenne commune. Les parlements nationaux sont la meilleure représentation des nations européennes, ainsi que de l’ensemble de la société européenne, et sont en mesure d’assurer une communication optimale avec ces-mêmes sociétés européennes. La Déclaration intitulée « Une plus grande intégration européenne » représente un élément important de la discussion mais ne peut être considérée comme un projet de renouveau de l’Union européenne. L’Union a besoin de réalisme dans l’établissement de nouvelles solutions.
Les institutions européennes ont été créées afin d’aider les pays membres et travailler au bien commun, au bien de tous les citoyens de l’UE, et pas seulement celui de ses élites et des institutions européennes. Leur travail ne peut consister en l’imposition de leur volonté aux citoyens des États de l’Union européenne. Le model fédéral et supranational de l’intégration européenne approfondira la crise et les problèmes de l’Europe, et son implication par la force peut mener à la désintégration de l’UE. En Europe, il n’y a pas une seule et unique nation européenne. Il existe des communautés politiques ou ethniques. Cela implique la nécessité de prendre en compte le principe de souveraineté des États composant notre communauté. J’aimerais vous présenter, Mesdames et Messieurs, un autre projet pour l’Union européenne. Ses principes sont repris dans la déclaration intitulée « L’Europe des États solidaires. Sécurité, frontières, renouvellement des institutions » que je vous ai envoyée. Le titre renvoit aux défis auxquels la Communauté européenne est confrontée. J’aimerais attirer votre attention sur cinq points-clés, que je vous présente en tant que représentant d’une pays dont 80% de la population soutient l’appartenance de son État à l’Union européenne.
- Le premier point concerne la sécurité. Il est indispensable de redéfinir ce concept. Les habitants de notre continent veulent qu’on leur assure la sécurité intérieure et extérieure (face aux menaces militaires, à l’immigration incontrôlée et au terrorisme), la défense de l’ordre public, la protection des frontières extérieures, de leur identité civilisationnelle et culturelle ainsi que de leurs droits sociaux. L’Union européenne devrait être un véritable soutien pour les pays membres, étant donné que c’est elle qui a les compétences pour prendre des décisions rapides, organisées et efficaces en matière de sécurité. Et ce sont ces décisions qui sont soumises à un processus de contrôle démocratique. Il suffit de comparer le taux de participation des citoyens aux élections législatives nationales des pays membres de l’UE à celui des élections européennes. Dans le domaine de la sécurité extérieure, notre partenaire indispensable devrait être l’Alliance transatlantique.
- Le deuxième point concerne l’immigration et les réfugiés. La résolution de ce problème ne peut pas se faire dans la précipitation. Elle doit se faire dans le maintien de l’autonomie des États membres, le respect des identités des nations européennes, ainsi que dans la garantie du respect des Droits de l’Homme parmi lesquels le choix du lieu de l’installation. Toute mesure coercitive seront inefficaces et nuirait à l’intégration européenne, renforçant ce faisant les attitudes radicales.
- Le troisième point fait référence au développement uniforme de l’Europe. Premièrement, la Pologne considère qu’un bon fonctionnement de la zone euro, avec laquelle nous réalisons la majeure partie de nos échanges commerciaux, est quelque chose d’essentiel. Mais nous sommes opposés à la création de barrières permanentes entre les membres de la zone euro et les autres États n’ayant pas adopté la monnaie unique. Deuxièmement, la Pologne veut initier des solutions qui ne serviront pas uniquement son propre intérêt, mais également les intérêts d’un groupe d’États, en premier lieu les États de notre région d’Europe centrale, orientale et méridionale, situés entre trois mers : la mer Baltique, l’Adriatique et la mer Noire. Cette partie de l’Europe étant quelque peu moins bien développée, elle continue d’être traitée à la légère sur les questions de développement, de politique climatique, d’infrastructure, ce qui met en péril le développement durable de toute l’Europe.
- Le quatrième point concerne le parlementarisme européen. Le modèle du parlementarisme européen a des défauts de conception et ne fonctionne pas correctement. Il convient de renforcer le rôle des parlements nationaux dans le processus de décision. Leur affaiblissement a des effets négatifs et remet en question le modèle démocratique européen, issu de la philosophe grecque, du droit romain et des valeurs chrétiennes. La solution à ces problèmes ne consiste pas en l’unification de la législation électorale en faveur du PE. Cette direction apporterait davantage de découragement et un désintéressement vis-à-vis des élections européenne.
- Le cinquième sujet est la question des institutions européennes. Il est nécessaire de définir clairement et sans ambiguïtés leurs compétences. Elles devraient avant tout se concentrer sur les questions qui sont dans l’intérêt de tous les États membres et qui ne peuvent être abordées de manière plus efficace à l’échelle nationale. Il faut freiner le processus grandissant d’ingérence dans les affaires intérieures des différents États. C’est pourquoi notre objectif est de revenir au principe de subsidiarité dans la politique européenne. Il faut ancrer ces compétences dans les traités européens et non pas dans la volonté politique formulée ad hoc par certains États européens. La règle devrait également être le respect du droit européen. Le phénomène d’élargissement de l’interprétation du droit des traités de l’Union européenne mène à une accaparation nuisible de compétences des organes du pouvoir public des États membres par l’administration de l’Union. Les traités européens prévoit un partage des compétences entre les États et les institutions de l’Union. Seul le Conseil de l’Europe représente un forum approprié au sujet des pouvoirs et du champ d’action de la Commission européenne et du Parlement européen.
En conclusion, nous soutenons l’idée selon laquelle un renouveau de l’Union européenne est nécessaire, mais pas dans la direction de la création d’un État fédéral européen. Une union fédérée peut seulement approfondir la crise et menacer l’essence-même de l’intégration.
L’Union européenne a besoin de changements, or ces derniers peuvent être réalisés uniquement en tant que résultat d’un débat ouvert entre les différents États et les institutions européennes, en présence de tous les 28 États membres, en respectant le principe d’égalité et de consentement. L’Union doit être plus proche des citoyens, or seuls les parlements nationaux peuvent assurer cela. L’Union n’a pas besoin d’une nouvelles institutions ni d’une législation électorale uniforme. Cela aurait pur conséquence un renforcement des divisions sur le continent. Nous sommes pour « l’Europe des États solidaires », pour « l’Europe des patries », car l’Europe est notre bien commun.