Hongrie/Pologne – Avec quelques mois de retard pour cause de restrictions sanitaires, l’Union européenne vient de se doter, ce mardi 1er juin, d’un nouvel organe judiciaire, un Parquet européen, ou Bureau du procureur général européen (BPGE), dirigé par la juge roumaine Laura Codruța Kövesi, précédemment procureur en chef de la Direction nationale anticorruption (DNA) en Roumanie, pour qui cette nouvelle institution « fonctionnera en toute indépendance vis-à-vis de la Commission et des autres institutions, institutions et États membres de l’Union européenne », son rôle étant « d’enquêter et de poursuivre les personnes impliquées dans des infractions affectant le budget de l’Union européenne ».
Cinq États membres ne participent pas au Parquet européen
Tandis que vingt États membres ont déjà nommé leur procureur national délégué auprès de ce nouvel organe européen, et que la Slovénie – le premier ministre slovène Janez Janša a entrepris de freiner la nomination du procureur slovène – et la Finlande sont encore en retard à ce niveau, cinq États membres – en l’occurrence le Danemark, la Hongrie, l’Irlande, la Pologne et la Suède – ont décidé de ne pas participer du tout audit Parquet européen dirigé, selon le président du parlement hongrois, László Kövér, par
« une agente nommée Laura Codruța Kövesi » qui « s’est fait connaître et a prouvé sa compétence en lançant des dizaines de procès politiques contre ceux qui appartiennent au camp politique opposé, entre autres, contre les maires hongrois [de Transylvanie…] accusés de manière totalement injuste, enlevés à leurs familles à l’aube dans la voiture d’un commando, etc. »
« Une question de souveraineté »
Sur le fond, le ministre hongrois de la Justice, Judit Varga, a exposé sur Facebook le point de vue du gouvernement hongrois :
« C’est une question de souveraineté. Avec la création du Parquet européen, Bruxelles veut encore plus de pouvoir au détriment des États membres […] Le document établissant le Parquet européen ne répond pas aux exigences fondamentales, fondées sur des principes tels que l’autodétermination nationale et le plein respect des cadres constitutionnels
[…] L’idée du Parquet européen soulève encore de nombreuses questions et présente plusieurs problèmes et lacunes non résolus. Si l’on regarde le tableau d’ensemble, le mode de fonctionnement de l’ensemble de l’organisation reste chaotique et incertain […] En tant que décideur responsable, le gouvernement hongrois a donc choisi de s’abstenir. Nous restons observateurs en suivant avec intérêt le fonctionnement » de cette institution sans néanmoins rejeter d’emblée toute forme de coopération technique : « Il existe d’autres cadres dans lesquels la corruption peut être correctement combattue. Ces outils clés incluent, entre autres, Eurojust ou l’OLAF.
Bien que nous n’ayons pas adhéré à l’organe, un accord de travail entre le Parquet européen et le ministère public hongrois a déjà été adopté […]
Pour résumer, la Hongrie, comme toujours, est à nouveau un partenaire, mais nous gardons les pieds sur terre et continuons à faire preuve de bon sens lors de la prise de décisions ».
« Un autre outil de chantage supranational »
Ce faisant, Judit Varga a aussi exprimé la crainte des autorités hongroises que ce dit Parquet européen « s’avère être juste un autre outil de chantage supranational ». Cette crainte n’est pas sans fondement quand on sait que Laura Codruța Kövesi avait annoncé au micro d’Euronews, en juillet dernier, son intention d’enquêter sur des affaires concernant la Hongrie : « Nous enquêterons sur certains cas impliquant ces États membres [Danemark, Hongrie, Irlande, Pologne et Suède, ndlr.], leurs citoyens et, dans certains cas, des infractions commises sur le territoire des États membres », avait-elle expliqué. Une attitude qui en fera très certainement une alliée plus que privilégié de la vice-présidente tchèque de la Commission européenne chargée des Valeurs et de la Transparence, Věra Jourová, qui considère la Hongrie comme une « démocratie très malade » et annonçait en février dernier des sanctions prochaines contre la Hongrie et la Pologne. Un autre fait qui ne trompe pas est aussi que l’opposition hongroise « unie » ait d’ores et déjà annoncé son intention de rejoindre le Parquet européen en cas de victoire au législatives de 2022.