Article paru dans le Magyar Nemzet le 28 juin 2021.
« La dernière réunion du Conseil européen a été l’occasion d’un défilé en règle des chefs de gouvernement faisant allégeance au drapeau arc-en-ciel. Ils ont voulu tirer une question au clair : l’unité des valeurs existe-t-elle encore ? Ce débat ressemble à s’y méprendre à celui de juin 2015, suscité par l’invasion migratoire qui menaçait alors l’Europe. L’un et l’autre sont des débats moralement difficiles, politiquement importants et d’une certaine beauté intellectuelle » – a écrit lundi le Premier ministre Viktor Orbán dans le numéro 11 de la série, intitulée Samizdat, des notes qu’il publie sur son site.
Or, dans les deux cas, la réponse est la même : comme l’unité des valeurs est perdue, l’unité politique l’est aussi.
Dans les deux cas, les libéraux sont partis du principe qu’il s’agit de questions auxquelles il n’est possible d’apporter qu’un seul genre de réponse : celui qui convient à l’hégémonie intellectuelle libérale.
La réponse des démocrates non-libéraux a été que, dans l’esprit du pluralisme des opinions, il y a plusieurs réponses possibles, que cette alternative représente un droit pour tout État et tout peuple, et que l’unité de l’Union européenne ne peut être conservée que grâce à une approche de type « unité dans la diversité ».
Pour les libéraux, l’immigration, et donc l’accès au territoire de l’Union européenne, constitue un droit universel – même pour ceux qui ne quittent pas directement un pays dangereux, mais un pays tiers qui assure pourtant leur sécurité. Le droit d’immigration est pour eux, essentiellement, l’un des droits de l’homme.
Dans le débat actuel, qui porte sur l’éducation sexuelle des enfants, les libéraux considèrent qu’il faut placer dans les mains des enfants ces œuvres de sensibilisation qui se donnent pour mission de leur expliquer l’hétérosexualité, l’homosexualité, le déni du sexe biologique et les opérations de changement de sexe. Cela constitue, pour les libéraux, l’un des droits de l’homme dont les enfants doivent jouir : pour eux, les parents ne peuvent pas avoir le dernier mot contre des institutions d’État appelées à jouer dans ce choix un rôle – et même un rôle prioritaire.
Il serait donc possible de sensibiliser les enfants sans autorisation parentale, sans que l’État n’impose de garde-fous.
Pour les démocrates non-libéraux, l’éducation sexuelle des enfants relève du droit des parents, sans l’autorisation desquels ni l’État, ni les partis, ni les ONG, ni les activistes arc-en-ciel ne peuvent s’immiscer dans cette éducation.
Les pays arc-en-ciel ont le droit de dépasser l’ordre social basé sur la répartition binaire homme/femme, mère/père. C’est un ordre auquel eux aussi appartenaient par le passé, mais, après mûre réflexion, élevant leurs convictions au rang de politiques d’État, ils sont entrés dans une nouvelle dimension.
Aucun autre État ne peut remettre en cause ce droit dont ils jouissent. Surtout pas depuis que c’est l’Allemagne qui a assumé les fonctions de navire-amiral. Était-ce vraiment une bonne idée de se remettre à défiler en brassards, et d’envahir le stade de Munich avec des drapeaux arc-en-ciel pendant qu’on entonnait l’hymne hongrois ? Je n’en suis pas certain. Ce dont je suis certain, c’est que l’éducation des enfants allemands est une question qui doit être tranchée par les Allemands. Et aussi que seuls les Hongrois sont habilités à décider de l’éducation des enfants hongrois – à l’exclusion univoque des Allemands, des Hollandais, ou encore des Belges.
Fait-il meilleur vivre dans le monde binaire, ou dans le monde arc-en-ciel ? Et pourquoi ? Voilà un débat où chaque partie fait valoir ses propres arguments. À chacun sa vérité.
En revanche, du point de vue du droit – du droit international, du droit de l’UE et de la Charte des droits fondamentaux –, la réponse ne fait aucun doute : l’immigration n’est pas un droit de l’homme, pas plus que la nature de l’éducation sexuelle à administrer à l’enfant ne relève de ses droits de l’homme. Les droits de l’homme n’incluent pas de tels droits. Par contre, l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux garantit bien le droit des parents à assurer à leurs enfants une éducation correcte.
Si nous souhaitons maintenir l’unité de l’Union européenne, il faut que les libéraux apprennent à respecter les droits des non-libéraux. Unité dans la diversité : tel est notre avenir.
Viktor Orbán
Premier ministre de la Hongrie
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post