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Politique sanitaire : le «non possumus» tardif de l’épiscopat polonais

Temps de lecture : 4 minutes

Pologne – Le président de la conférence épiscopale polonaise critique amèrement la politique sanitaire du gouvernement Morawiecki vis-à-vis de l’Église. Le 5 août dernier, l’Agence d’information catholique (KAI) polonaise a publié un article du président de la conférence épiscopale, Mgr Stanisław Gądecki, intitulé « La Pastorale après la pandémie ». L’article de l’archevêque de Poznań aborde différents aspects de la situation de l’Église catholique polonaise dans le contexte de la crise sanitaire ainsi que les défis auxquels celle-ci doit faire face dans la « nouvelle réalité ». Le premier chapitre de son analyse est consacré entièrement aux agissements du gouvernement polonais vis-à-vis de l’Église pendant la pandémie en Pologne. Les restrictions visant à restreindre la célébration du culte imposées à la communauté catholique sont jugées par l’archevêque comme constituant une violation des normes constitutionnelles et du concordat entre l’Église et l’État polonais.

« (…) Tout d’abord il convient d’attirer l’attention sur le traitement sans précédent de l’Église par l’État. Ainsi,

l’État a suspendu unilatéralement toutes sortes d’assemblées, de sorte que les messes et les offices sont, pour la plupart, devenus inaccessibles aux fidèles. Rien de tel ne s’était produit au cours de deux mille ans d’histoire de l’Église. Cela ne s’est pas non plus produit pendant les guerres, les bombardements ou lors des grandes épidémies qui frappaient souvent la population de notre pays.

C’est ainsi qu’ont été accomplis des actes que, jusqu’alors, en vertu du droit canonique, seule l’autorité ecclésiastique avait le droit d’accomplir, et ce seulement pour les raisons les plus graves. Lors de l’épidémie de coronavirus, l’État a pris des mesures qui s’apparentent à un interdit ecclésiastique couvrant l’ensemble du pays. La manière de procéder en matière religieuse a été imposée à l’Église », déplore le hiérarque en s’interrogeant sur la légitimité de ces actes à la lumière de la législation en vigueur régissant les relations entre l’Église et l’État en Pologne.

Ces paroles sévères de l’archevêque Gądecki ont été accueillies avec reconnaissance par nombre de catholiques polonais qui les jugent cependant tardifs. Pendant de longs mois de restrictions sanitaires, les hiérarques polonais se sont conformés sans réserve aux mesures imposées par le gouvernement conservateur du PiS et invitaient les fidèles à les suivre. Quand le nombre de participants aux rassemblements religieux a été limité à 50 personnes en mars 2020, l’épiscopat polonais a tout de suite accordé aux catholiques une dispense de messe dans toute la Pologne.

Bien que l’archevêque Gądecki reproche au gouvernement que, très souvent, l’Église n’était informée des restrictions déjà décidées que « quelques heures avant leur annonce » et qu’il n’y avait pas de discussion « sur la légitimité et la proportionnalité des restrictions introduites », certains évêques ont fait preuve d’un zèle allant encore plus loin en ce qui concerne la limitation des pratiques religieuses motivée par la situation sanitaire.

Juste avant Pâques 2020, l’archevêque Wojciech Polak, primat de Pologne, avait affirmé que le non-respect des restrictions pendant la pandémie, y compris en assistant à la messe en présentiel, était un péché contre le cinquième commandement (« Tu ne tueras point »). Polak avait appelé le premier ministre Morawiecki à reconduire les restrictions portant sur le nombre de participants à la messe, limité alors à 5 fidèles en plus des célébrants indépendamment de la taille de l’église, ce qui a exclu la plupart des fidèles des célébration pascales.

Ce zèle sanitaire de certains ecclésiastiques n’a pas complètement disparu et se traduit aujourd’hui entres autres par le refus de donner la communion dans la bouche pratiqué notamment par l’ordre des jésuites en Pologne, par la ségrégation sanitaire lors de certains événements tels que les limites imposées aux participants non vaccinés de nombreux pèlerinages, ou encore par l’interdiction de participer aux rencontres de préparation au mariage pour les fiancés sans présentation du passeport sanitaire européen introduite par une paroisse dominicaine à Rzeszów. Ces actes ne sont toujours pas critiqués ouvertement par l’épiscopat bien qu’ils soient contraires aux règles ecclésiastiques et constituent une violation flagrante des libertés individuelles garanties par la constitution polonaise.

Il n’est donc pas surprenant que la docilité d’une grande partie de l’Église polonaise et son manque de réaction en temps voulu se soit retournée contre elle, ce que constate avec amertume Mgr Gądecki qui remarque en outre que :

« En somme, il faut dire que, malgré les garanties constitutionnelles et concordataires, l’Église a été moins bien traitée que les entreprises commerciales, en tant que domaine non nécessaire à la vie. Les gouvernements du passé n’avaient jamais osé imposer des interdictions aussi drastiques à l’Église qui montrent une absence presque totale de respect pour l’Église et pour son rôle dans la vie sociale ».

Le ministre de la Santé Adam Niedzielski a réagi avec dédain aux propos de l’archevêque, en déclarant : « Il m’est difficile de commenter la déclaration de l’archevêque Stanisław Gądecki sur les restrictions. Je ne connais aucun pays où l’Église estimerait devoir être traitée différemment de l’ensemble des citoyens. »

Néanmoins, la position exprimée par Mgr Gądecki permet de penser que, pour la suite de la pandémie et notamment pour la quatrième vague annoncée avec insistance par le gouvernement polonais pour inciter les Polonais à se faire vacciner et à vacciner leurs enfants de plus de douze ans, l’Église polonaise ne se laissera plus imposer de décisions arbitraires portant aussi profondément atteinte à son autonomie. Car la vérité, c’est que le gouvernement du PiS, supposément favorable à l’Église, a imposé pendant très longtemps un régime nettement plus sévère pour les rassemblements religieux que pour d’autres types d’attroupements, comme par exemple dans les transports, dans les commerces ou au travail.