Pologne – Le 12 septembre à Varsovie, le cardinal Stefan Wyszyński, archevêque de Varsovie et primat de Pologne dans les années 1948-1981, sera proclamé bienheureux. La cérémonie, tant attendue par les Polonais, devait avoir lieu en mai de l’année dernière. Cependant, à cause de la crise sanitaire, elle a été reportée à cette année, alors que le procès canonique en béatification de l’ancien primat de Pologne avait été ouvert dès 1989 à l’initiative de Jean-Paul II, son ami et plus proche ancien collaborateur. Le même jour, le cercle des bienheureux de l’Église catholique sera rejoint par la mère Elżbieta Róża Czacka qui s’occupait des personnes aveugles à Laski et qui était très proche de Stefan Wyszyński des années 20 du siècle dernier jusqu’à sa mort dans les années 60.
Le cardinal Wyszyński est sans aucun doute un des personnages de l’Église polonaise les plus vénérés de nos jours. Non seulement il a préparé son pays aux célébrations du millénaire du baptême de la Pologne en 1966, en plein régime communiste, mais il est considéré par ses compatriotes comme le primat le plus éminent de l’histoire de l’Église polonaise. Ces deux circonstances lui valent le surnom de « Primat du Millénaire ».
Stefan Wyszyński est né en 1901 à Zuzela dans la région de Podlachie à une centaine de kilomètres de Varsovie. En 1920, il intégra le Grand Séminaire de Włocławek où il reçut quatre années plus tard son ordination sacerdotale. Le 5 août 1920, il célébra sa première messe dans la chapelle de la Vierge Marie à Częstochowa, où se trouve la célèbre icône miraculeuse de la Vierge Noire. Dans les années 1925-1929, il continua ses études à l’Université catholique de Lublin à la faculté du droit canonique et des sciences sociales et économiques. Pendant ses études, il exerça un ministère pastoral auprès des étudiants et des séminaristes. Il fit également un long voyage d’étude à travers l’Europe occidentale pendant lequel il s’intéressa tout particulièrement aux problèmes des syndicats, aux organisations de la jeunesse ouvrière catholique et, surtout, aux doctrines et mouvements sociaux. Dans les années 30, il enseigna le droit canonique et les sciences sociales au Séminaire supérieur, il organisa et présida l’Université Chrétienne ouvrière de Włocławek et, à partir de 1931, il dirigea, en tant que rédacteur en chef, la revue pour les prêtres catholiques en Pologne, « Athénée sacerdotale » (Ateneum Kapłańskie), appréciée pour sa qualité. En 1939, l’abbé Wyszyński fut nommé par le primat de Pologne August Hlond membre du Conseil social chargé de le conseiller.
Lorsque la deuxième guerre mondiale éclata, à la demande de son évêque Wyszyński quitta Włocławek. Il se cacha à Wrociszewo puis à Laski, près de Varsovie, et ensuite à Zakopane, dans les montagnes du sud de la Pologne. Pendant l’insurrection de Varsovie en 1944, il servit comme aumônier du groupe « Kampinos » de l’Armée de l’Intérieur (AK) opérant à Laski (près de Varsovie) et dans ses environs, ainsi que comme aumônier de l’hôpital des insurgés à Laski. Immédiatement après la guerre, le père Wyszyński revint à Wloclawek et commença à organiser le séminaire détruit pendant la guerre. En 1945, il devint recteur de ce séminaire.
En 1946, le pape Pie XII le fit évêque du diocèse de Lublin. Deux ans plus tard, en 1948, après la mort du cardinal August Hlond, également candidat aux autels, l’évêque Stefan Wyszyński devint archevêque de Gniezno et de Varsovie, primat de Pologne. Dans sa lettre pastorale pour le jour de son entrée, le nouvel archevêque écrivit : « Je ne suis ni un politicien ni un diplomate, ni un activiste ni un réformateur. Cependant, je suis votre père spirituel, le berger et l’évêque de vos âmes, je suis un apôtre de Jésus-Christ…».
Il démarra sa mission en des temps très difficiles, en pleine époque stalinienne. Dès le début il chercha à trouver un modus vivendi pour l’Église en Pologne communiste. Il choisit la voie de l’accord signé avec le gouvernement qui, faute de constitution, était censé régir les relations entre l’Église et l’état. Celui-ci ne sera jamais respecté par les communistes polonais. En 1953, Stefan Wyszyński, nouvellement nommé cardinal, se voit refuser un passeport pour se rendre au consistoire à Rome. Les persécutions de l’Église s’intensifient, les arrestations d’évêques et de prêtres se multiplient, le gouvernement cherche à intervenir dans les nominations aux postes ecclésiastiques. Le cardinal publie alors sa célèbre lettre pastorale adressée aux autorités de la République populaire de Pologne au nom de l’épiscopat : « Nous suivrons la voix de notre vocation apostolique et de notre conscience sacerdotale, en marchant avec la paix intérieure et avec la conscience que nous n’avons pas donné la moindre raison de nous persécuter, que la souffrance devient notre lot non pas pour autre chose, mais pour la cause du Christ et de l’Église du Christ. Nous ne devons pas sacrifier les choses de Dieu sur l’autel de l’empereur. Non possumus ! »
Quelques mois plus tard, le cardinal Wyszyński est arrêté et déporté de Varsovie. Il fut détenu successivement à Rywałd Królewski près de Grudziądz, à Stoczek Warmiński, à Prudnik près d’Opole, et à Komańcza dans les Bieszczady, région montagneuse à l’extrémité sud-est de la Pologne.
C’est à Komańcza que le primat de Pologne rédige le 16 mai 1956 le texte des Vœux renouvelés de la Nation qui seront solennellement prononcés à Jasna Góra le 26 août 1956, en tant que Vœux de la Nation, par un million de pèlerins et l’épiscopat polonais. Le 26 octobre 1956 Stefan Cardinal Wyszyński est enfin libéré. Il retourne à Varsovie dans un climat de grande joie et d’espoir pour l’Église en Pologne. Dans les années 1957-1965, il mène la Grande Neuvaine avant le jubilé du millénaire du baptême de la Pologne. Il s’agit d’un programme de renouvellement spirituel de la nation polonaise, avec des retraites qui ont duré 9 ans et pendant lesquels le primat prêcha inlassablement la parole de Dieu dans toute la Pologne. C’est à son initiative que commença la Visitation de la copie de l’icône de la Vierge Marie de Jasna Góra dans toutes les paroisses polonaises.
À la veille du millénaire du baptême de la Pologne, il adressa, au nom de l’épiscopat polonais, une lettre aux évêques allemands en les invitant à la célébration commune du jubilé avec les paroles : « Nous pardonnons et nous demandons le pardon ». Dans les années 1960, le primat de Pologne participa activement aux travaux du concile Vatican II, apportant l’expérience précieuse de l’Église en Pologne, ainsi qu’aux conclaves successifs dans les années 60 et 70.
Le dernier conclave auquel le cardinal Wyszyński était présent, en 1978, choisit pour occuper le trône de Saint Pierre son ami intime dont on pensait qu’il lui succéderait : l’archevêque de Cracovie, Karol Wojtyła, qui prend le nom de Jean-Paul II. Une année plus tard le Primat du Millénaire a la joie de recevoir le pape polonais en Pologne pendant son premier pèlerinage dans sa patrie. Dans les années 70 et surtout dans la période de l’émergence de Solidarité, le cardinal Wyszyński est resté une grande autorité pour les catholiques et la garantie de l’équilibre et de la paix sociale en Pologne. Soucieux de sa patrie et du bien des gens, il a constamment fait appel à la responsabilité des gouvernants et de l’opposition. Il est passé à Dieu le 28 mai 1981, en la solennité de l’Ascension du Seigneur.
Ses funérailles eurent lieu le 31 mai à Varsovie et ce fut l’un des plus grands événements religieux et patriotiques de la Pologne d’après-guerre. Selon les sources communistes, la messe funéraire réunit environ 120 000 fidèles tandis que les observateurs indépendants on fait état d’un demi-million de personnes.
Malheureusement, ce ne sera pas le cas de la cérémonie de béatification du Primat du Millénaire. Pour des raisons sanitaires liées à la pandémie, le nombre de participants a été limité à 8 000 personnes qui seront disposées dans plusieurs secteurs et qui devront garder entre elles une distance d’un mètre et demi. Une participation spontanée à la messe ne sera pas possible, tous les fidèles et les célébrants devant être munis d’une invitation spéciale délivrée par les paroisses. Les autres fidèles sont priés de ne pas se rassembler à cette occasion et de suivre la célébration à la télévision.