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Encore très minoritaire dans l’opinion, l’option du Polexit n’est plus un tabou à droite

Temps de lecture : 4 minutes

Pologne – Sur la question du Polexit, une évolution du PiS, jusqu’ici partisan inconditionnel de l’appartenance à l’UE, serait-elle envisageable ? Après l’annonce de la demande par la Commission européenne d’une pénalité financière journalière contre la Pologne à propos de sa réforme de la justice, le chef du groupe PiS à la Diète, Ryszard Terlecki, l’a laissé entendre en déclarant : « Nous devrions réfléchir à la manière de coopérer le plus possible pour que nous soyons tous dans l’UE, mais pour que cette Union soit acceptable pour nous », ajoutant : « si les choses évoluent comme elles semblent le faire, nous devrons chercher des solutions drastiques ». Ces mots ont été interprétés comme une menace de Polexit par l’opposition, d’autant plus que, dans la foulée, Terlecki a cité l’exemple britannique : « Les Britanniques ont montré que la dictature de la démocratie bruxelloise ne leur convenait pas. Ils lui ont tourné le dos et sont partis. Nous, nous ne voulons pas partir. Chez nous, le soutien à l’appartenance à l’UE est très fort. Mais nous ne pouvons pas nous laisser entraîner dans quelque chose qui limitera notre liberté et notre développement. »

Un sondage de juillet du journal Rzeczpospolita montrait que seuls 17 % des Polonais seraient aujourd’hui favorables à la sortie de l’UE. C’est peu, mais c’est un chiffre en forte hausse par rapport aux 7-8 % ressortant de deux sondages publiés à l’automne 2020. « Les années de disputes avec Bruxelles ont un impact. La moitié seulement des Polonais font confiance à l’UE », titrait déjà le journal Rzeczpospolita en mai dernier, après la publication de la dernière édition de l’étude Eurobaromètre selon laquelle c’est en Pologne que la confiance en l’Union européenne avait le plus souffert au cours de l’année écoulée, avec plus que 50 % de Polonais qui faisaient encore confiance à l’UE (soit une baisse de 6 points) contre 38 % qui ne lui faisaient pas confiance et 12 % de gens sans opinion sur la question. Les Polonais, traditionnellement massivement favorables à l’UE (comme la plupart des peuples de l’ancien bloc communiste), sont désormais loin derrière les plus europhiles (les Portugais, avec 78 % qui font confiance à l’UE).

Contrairement à ce que cherche à faire croire l’opposition libérale et de gauche qui accuse depuis 2015 le parti de Jarosław Kaczyński de vouloir, sans l’avouer, conduire la Pologne vers la porte de sortie, le PiS a toujours été partisan de l’appartenance à l’UE, ce qu’il considère être dans l’intérêt stratégique de la Pologne en plus d’être souhaité par la grosse majorité de l’électorat. Le porte-parole du gouvernement de Mateusz Morawiecki, Piotr Mueller, a redit cet attachement après la polémique déclenchée par le président du groupe PiS à la Diète, en assurant que Varsovie n’avait aucune intention de sortir de l’UE mais qu’il n’était pas non plus question d’accepter docilement tout ce qui est imposé depuis Bruxelles « comme à l’époque de Tusk ».

Jusqu’ici, seule l’opposition à la droite du PiS, c’est-à-dire la coalition Konfederacja rassemblant des nationalistes et les libertariens, avec 11 députés à la Diète (sur 460), était favorable à la sortie de l’UE. La discussion sur l’éventualité d’une sortie de l’UE et sur la nécessité, dans les conflits avec Bruxelles, de se réserver cette solution s’il le faut, a cependant été lancée il y a bientôt un an par l’hebdomadaire libéral-conservateur Do Rzeczy, qui est régulièrement classé comme étant l’hebdomadaire d’actualité le plus influent en Pologne, en termes de nombre de fois où il est cité dans les autres médias. Avoir osé ouvrir le débat a d’ailleurs valu début août à Do Rzeczy d’être accusé par Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et actuel leader de la Plateforme civique (PO), parti libéral-libertaire de plus en plus eurofédéraliste (par opposition au PiS social-conservateur favorable à une Union européenne plus respectueuse des souverainetés nationales), d’être un représentant de « l’ordre russe ». Reprenant la rhétorique de l’opposition qui souhaite ainsi dissuader ses partisans d’aller voir les « mauvais » médias, Tusk en a profité pour appeler cet hebdomadaire un « porte-parole du PiS ». C’est totalement injustifié, car le PiS y est souvent sévèrement critiqué, entre autres justement pour les concessions faites à Bruxelles (mais aussi, par exemple, pour ses politiques économiques trop « socialistes » et sa politique sanitaire anti-Covid jugée excessivement hystérique et portant atteinte aux libertés civiques). Tout cela pour dire que le débat lancé par Do Rzeczy n’est pas un débat du PiS, mais bien un débat au sein de la droite conservatrice polonaise. Et c’est là la nouveauté.

Rappelons aussi que le groupe PiS au parlement se compose du PiS et de trois petits partis alliés, dont le parti Pologne solidaire (Solidarna Polska) du ministre de la Justice Zbigniew Ziobro. Interrogé par le journal Rzeczpospolita dans un entretien publié le 5 août dernier, Ziobro a souligné que si l’on tient compte des conséquences du paquet climat-énergie, la période couverte par le budget 2021-27 de l’UE serait la première période où l’appartenance à l’UE allait coûter plus cher à la Pologne qu’elle ne lui rapporterait en termes de subventions et aides diverses. « La présence de la Pologne dans l’UE devient de plus en plus coûteuse », a-t-il insisté en évoquant également les calculs d’économistes qui mettent en avant un solde négatif, pour les pays de l’ancienne Europe de l’Est (dont la Pologne), des transferts financiers avec l’Europe occidentale si l’on prend en compte non seulement les fonds européens mais aussi les transferts opérés par les entreprises.

Voir à ce sujet : « L’Europe centrale et l’économie européenne »

À la question « Devons-nous être dans l’UE à n’importe quel prix », Ziobro a répondu le 5 août dernier : « Nous devons à tout prix nous efforcer de défendre notre rôle et notre position dans l’UE. Sinon, la Pologne et les Polonais y perdront à être dans l’UE. Et donc, être dans l’UE, oui, mais pas à n’importe quel prix. Telle est la position de Solidarna Polska, car je ne parle pas ici au nom du gouvernement ou des autres partis de la coalition. »

Seulement sans le parti de Ziobro, le groupe PiS n’a pas la majorité à la Diète. Et au vu des sondages, la coalition Droite unie conduite par le PiS et dont fait aujourd’hui parti Solidarna Polska risque fort de ne plus pouvoir compter sur une majorité absolue après les prochaines élections législatives. Les autres partis pouvant espérer obtenir des sièges au parlement adhérant à une stratégie d’opposition totale au PiS, le seul allié possible serait alors sans doute Konfederacja, qui est nettement plus eurosceptique que Ziobro et son parti. D’ici là, les ingérences incessantes de Bruxelles dans les affaires intérieures polonaises pourront avoir retourné une part encore plus importante de l’électorat en faveur d’un Polexit.

Conclusion : si le Polexit n’est absolument pas à l’ordre du jour pour le moment, pour la première fois depuis l’adhésion à l’UE en 2004 une réflexion commence à se développer à ce sujet dans les rangs de la droite polonaise au sens large.