Pologne – Le conflit entre les instances dirigeantes de l’Union européenne et le gouvernement polonais n’en finit pas de s’enliser. Face à cette situation, le ministre de la Justice Zbigniew Ziobro (Solidarna Polska) rejoint désormais les positions que soutenait, il y a deux mois déjà, l’eurodéputé Jacek Saryusz-Wolski qu’Olivier Bault avait alors interrogé pour le Visegrád Post.
Les eurodéputés de la Plateforme civique ont initié des résolutions contre la Pologne
Dans un entretien publié ce dimanche 9 janvier sur le site du quotidien Rzeczpospolita, Zbigniew Ziobro est largement revenu sur ce conflit entre Bruxelles et Varsovie, dont il rappelle qu’il est en grande partie dû à l’initiative de la Plateforme civique (PO) :
« Ce sont les députés européens de la Plateforme, opérant au sein du PPE, qui ont initié des résolutions contre la Pologne [et] exigé des sanctions [contre] nous.
[…] Ils ont adopté un texte [sur le mécanisme de conditionnalité, ndlr] incompatible avec les traités européens et la constitution polonaise, qui autorise désormais le blocage des fonds dus à la Pologne. Cela est confirmé par de nombreux votes et par les déclarations de Tusk et de ses amis ».
Morawiecki a fait confiance à Angela Merkel
Il souligne aussi la naïveté incontestable du Premier ministre Mateusz Morawiecki qui s’est laissé berner par ses collègues d’Europe occidentale en ne maintenant pas le veto polonais contre le mécanique de conditionnalité :
« Sur cette question, j’ai appelé le Premier ministre Morawiecki à opposer son veto. J’ai soutenu que le mécanisme de conditionnalité serait instrumentalisé dans la lutte contre notre gouvernement. Malheureusement, le Premier ministre était d’un avis différent.
[…] Il a fait confiance à la chancelière Merkel et on en voit les résultats. Tout ce contre quoi Solidarna Polska mettait en garde s’est réalisé ».
L’Union européenne n’a que faire de l’État de droit
Le ministre polonais de la Justice résume la situation comme suit :
« L’État de droit, l’Union [européenne] s’en moque ! C’est juste une excuse. Un chantage économique brutal va forcer la Pologne à accepter la transformation de l’UE en un État fédéral géré depuis Bruxelles, et dans la pratique depuis Berlin ».
Ziobro défend également le bien-fondé de la réforme de la justice réalisée par le gouvernement conservateur polonais : « Toutes les inquiétudes concernant le système judiciaire polonais – y compris la chambre disciplinaire – découlent d’une seule chose. Il s’agit de l’élection des membres du Conseil national de la magistrature, qui sélectionne les candidats à la magistrature. Auparavant, les juges du Conseil étaient choisis par la corporation judiciaire qui agissait comme un État dans l’État. Nous avons démocratisé ces principes ».
« Il ne s’agit donc pas d’État de droit. Récemment, le rideau est tombé alors que le nouveau gouvernement allemand a officiellement annoncé que son objectif est de transformer l’UE en un seul État. Dans ce projet, la Pologne aura tout au plus le statut de région.
[…] L’Allemagne définit un objectif clair qu’elle imposera aux autres. Elle décide arbitrairement que la souveraineté doit être une caractéristique de l’Union, et pas des États qui la composent. Le langage du programme est [de la nouvelle coalition] est impératif et les objectifs fixés sont catégoriques ».
Zbigniew Ziobro appelle à résister contre cet agenda allemand
Face à ce constat, le leader de Solidarna Polska appelle les dirigeants polonais à résister avec les moyens à leur disposition : « Nous voulons soutenir une politique gouvernementale qui mène à une sortie de cette situation difficile. […]
Nous devons être durs car l’Union européenne ne comprend que le langage de la force », ce qui signifie notamment « le blocage des décisions nécessitant l’unanimité jusqu’à ce que l’UE ait rempli toutes ses obligations envers la Pologne. Nous devons également nous préparer à la suspension de la cotisation de la Pologne jusqu’à ce que nous recevions les fonds qui nous sont dus ».
Ce faisant, Zbigniew Ziobro rappelle à juste titre que le Premier ministre conservateur britannique, Margaret Thatcher, avait déjà utilisé cette tactique en son temps afin de défendre, avec succès, les intérêts légitimes du Royaume-Uni. Mais contrairement à la Pologne qui est bénéficiaire net, le Royaume-Uni était un contributeur net du budget européen.