Article paru dans le Magyar Nemzet le 14 février 2022.
C’est en présence de quelques dizaines de manifestants pacifiques et de nombreux journalistes qu’a commencé lundi la deuxième audience du procès de la députée finlandaise Päivi Räsänen, à qui il est reproché d’avoir cité la Bible et réaffirmé les enseignements de l’Église. Cette ancienne ministre de l’Intérieur doit se défendre de l’accusation d’incitation à la haine contre un groupe social, soulevée par le parquet de Helsinki en rapport avec trois de ses déclarations. L’une d’entre elles remonte à 2004 ! L’exhumation d’un pamphlet d’ailleurs rédigé aux fins d’un usage clérical fait que toute l’affaire ressemble davantage à un procès politique qu’à une procédure conforme à la constitution et au droit finlandais.
Lundi matin, à leur arrivée au Tribunal d’Arrondissement de Helsinki, les participants du procès ont été accueillis par une manifestation pacifique de soutien à Räsänen. Outre les pancartes en finnois, ces quelques dizaines de manifestants brandissaient les traductions en diverses langues du slogan « Päivi, on est avec toi ! ».
La pancarte en langue hongroise était brandie par une finnoise qui a vécu sept ans à Budapest. Elle a affirmé que Räsänen ne devrait pas être condamnée pour avoir parlé conformément à sa foi, car cela irait à l’encontre des valeurs de la Finlande.
L’accusée est arrivée devant la salle d’audience la tête haute, à travers un couloir plein de journalistes, après quoi cette députée fragile, mais toujours souriante, a patiemment répondu aux questions de ces derniers. Aux questions de Magyar Nemzet, Räsänen a répondu qu’elle n’était
« pas inquiète, et sûre de gagner son procès ».
Elle a déclaré ne rien regretter et ne rien vouloir retirer de ce qu’elle a dit, car tout ce qu’elle a dit est fondé sur la Bible, et conforme à sa foi. Qu’elle continuera à se battre pour la liberté d’expression et la liberté religieuse, et qu’aucune sentence ne pourra y changer quoi que ce soit. Elle a tenu à souligner
l’importance qu’a eue pour elle la manifestation de soutien organisée dimanche à Budapest, à l’occasion de laquelle trois mille personnes ont pris sa défense, et la reconnaissance que cela lui inspire envers les Hongrois.
Au cours des quatre heures de l’audience, c’est d’abord le procureur général qui a exposé ses conclusions. A nouveau, comme lors de l’audience de janvier, Anu Mantila a expliqué dans le détail pourquoi il considère comme une incitation à la haine homophobe le Tweet de 2019 dans lequel Räsänen cite l’apôtre Paul, ses propos de la même année dans le cadre d’une émission de la radio publique, au cours de laquelle elle a affirmé que le mariage doit être l’alliance unissant un homme à une femme, ainsi que le pamphlet clérical qu’elle a écrit en 2004, dans lequel on peut notamment lire que les rapports homosexuels vont à l’encontre de la volonté de Dieu.
D’après l’acte d’accusation, l’invocation des libertés d’expression et de religion ne doit pas disculper Räsänen de ses tirades d’incitation à la haine, car elle est censée garder pour elle ses convictions religieuses, et non les étaler en public.
Le procureur général considère que l’Etat doit intervenir contre tout discours de haine dirigé contre des groupes sociaux, chose qui ne ménage pas la possibilité pour les concernés de se retourner individuellement contre l’auteur dudit discours. Taxer les homosexuels de conduite peccamineuse est inacceptable même quand un tel jugement est d’ origine religieuse, car les manifestations publiques de la religion doivent elles aussi se plier aux prescriptions de la loi à l’encontre des discriminations.
Pour la défense, ceux qui se rendent coupables de discours de haine présentent la violence et la discrimination comme désirables, chose dont on ne trouve pas trace dans les propos et les écrits de Räsänen. Le procureur général aurait tenté à de nombreuses reprises de lui attribuer des idées qu’elle n’a jamais exprimées ni oralement, ni par écrit. Or Räsänen n’a jamais insulté les homosexuels, comme le prétend Mantila ; bien au contraire, elle a toujours souligné qu’elle condamnait le péché, et non le pécheur. Tout débat devient malsain quand la partie adverse doit constamment prendre garde à ne pas se retrouver traînée en justice. En marge du tweet incriminé (que Räsänen ne destinait d’ailleurs pas aux homosexuels, mais à sa propre église, qui venait de soutenir une marche des fiertés) l’avocat de la défense Matti Sankamo a affirmé que la Pride est un mouvement qui, de par sa nature même, s’expose à des critiques – et même à de dures critiques.
Pour Sankamo, la finalité de l’accusation est clairement de limiter la liberté d’expression.
Détail moins connu de l’affaire : la députée n’est pas seule sur le banc des accusés, où se trouve aussi convoqué l’évêque Juhana Pohjola, responsable de la publication du pamphlet de 2004, ce qui constitue une première dans l’histoire de la Finlande démocratique. Au cours de l’audience, l’évêque a affirmé que les accusations auxquelles il est soumis sont totalement dénuées de fondement, dans la mesure où la conception et la diffusion d’enseignements d’éthique sexuelle – il faisait par là allusion à la publication de 2004 – ne peuvent en aucun cas constituer une offense ou une vexation pour les gens.
Aucune sentence n’a été rendue lundi, étant donné que la cour, à la demande du procureur, doit encore entendre jeudi les employés de la radio publique impliqués dans l’affaire de l’émission de 2019. Le procureur souhaite d’ailleurs faire ordonner l’effacement de l’enregistrement de cette émission, encore accessible sur Internet – ainsi que l’interdiction du texte de 2004.
À l’issue des débats, Päivi Räsänen est sortie soulagée de la salle d’audience, confiant au passage à Magyar Nemzet que, pour elle, l’audience a permis de constater qu’en effet, les accusations portées sont sans fondement.
« Si nous devions suivre le procureur dans sa logique, au lieu de liberté religieuse, la Finlande deviendrait un pays comme la Chine ou la Corée du Nord. »
Et d’ajouter que, quel que soit le sort qui l’attend, son destin est dans la main de Dieu, et que, quoi qu’il arrive, ce sera une bonne chose.
Après l’audience de jeudi, le prononcé de la sentence est fixé au 30 mars.
Zoltán Bugnyár
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Traduit du hongrois par le Visegrád Post